Paroisse Sainte Marie de Magdala

17 juin 2018

 par le Père Pierre Colombani

Ez 17, 22-24 //  Co 5, 6-10 // Mc 4, 234 

 

Dans son Epitre, St Paul nous parle de ce corps, ce corps par lequel aujourd’hui nous vivons en espérances, par ce corps par lequel sous vivons dans la foi ; et pourtant nous n’avons pas la claire vision, la pleine vision de ce qui devra être.

Ce Corps mes amis, il y a plusieurs façons de l’entendre, de l’appréhender : Bien sur dans une première écoute, nous allons dire que c’est le corps de nos personnes, de nos singularités, de nos individualités (mon corps de femme, mon corps d’homme, mon corps d’enfant, mon corps de jeune) ; mais dans la pensée de Paul, le Corps, c’est le corps du Christ, entendant, l’Eglise ? L’Eglise qui n’est pas une institution, mais l’église qui est ce rassemblement de deux, trois, dix cent…un million de personnes au nom du Christ. Et chaque fois que nous sommes rassemblés au nom de Jésus le Christ, voici que nous sommes dépassés de nous-mêmes et que dans la relation qui est la notre, nous pressentons une autre présence et cette autre présence nous fait pénétrer alors dans la réalité du Royaume de Dieu qui est signifié en ce bas monde par l’Eglise. Ce corps nous place dans ce qu’on appelle un déjà là et un pas encore.

Le Royaume est déjà là parmi nous, le Christ est mort et ressuscité parmi nous ; et pourtant, si le Christ est mort et ressuscité parmi nous, si le Christ est avec nous, en nous ; ce Christ est au-delà de nous ; il est, on le dit symboliquement dans le ciel. Mais le ciel vous le savez ce n’est pas où se trouvent les étoiles, la lune, le soleil ; le ciel c’est cette dimension de la transcendance, c’est à dire de l’au-delà. Ainsi Paul nous dit : « Ici-bas, le Christ est déjà, mais il n’est pas pleinement encore là, il nous place dans un au-delà. Ainsi, oui véritablement, l’Eglise est ce lieu où nous allons être en espérance et dans la foi ; mais nous n’en avons pas la claire vision. Si nous réfléchissons un instant mes amis, nous nous apercevons que toute notre existence est bâtie de cette façon ; car lorsque je vais dire à une femme ou à un homme « je t’aime » ; j’aurai beau répéter « je t’aime ». J’aurai beau répéter « je t’aime », j’aurai beau vivre avec cet homme, cette femme, j’aurai beau m’engager sur un chemin chaque jour, chaque mois, chaque année ; l’amour n’est jamais totalement perceptible, l’amour n’est jamais acquis, il est là, il est déjà là, et pourtant il n’est pas encore là. De la même manière avec un ami, on peut dire « tu es mon ami » ; cette amitié est là et pourtant elle n’est pas pleinement là et pas encore pleinement réalisée. De la même manière, dans la relation parents/enfants, dire « tu es mon enfant je t’aime, tu es mon enfant, je t’aime ». Mais cette filiation, cette parenté elle est toujours adventus, à venir ; ce n’est jamais pleinement acquis.

Ainsi, nous sommes tous croyants ou non croyants dans nos existences dans un rapport de déjà là et d’un pas encore. Et ce que vient signifier l’Eglise, « ce déjà là du Royaume et ce pas encore », toute l’humanité quelle qu’en soit sa foi ou sa non foi, toute l’humanité l’expérimente dans ce déjà là et ce pas encore là ; nous vivons alors des formes de fécondités qui nous montrent à quel point nous avons à répondre à un appel dans une totale liberté. Un appel c’est-à-dire que si je ne vais pas planter le grain en terre, celui dont il est question dans la parabole de l’Evangile, rien ne se fera et pourtant, j’aurai beau avoir planté ce grain en terre, ce n’est pas seulement mon travail qui va faire pousser l’épi, ce n’est pas par mon travail que va venir le blé ; mais par mon travail, autre chose se réalise. Et cet autre chose c’est vraiment ce que les anciens n’ont cessé d’appeler l’œuvre de Dieu, ce que Saint Paul appelle la grâce divine ; ce que le Prophète Ezéchiel nous présente comme le plan nouveau qui vient depuis l’ancien. Aussi mes amis, la Foi ce n’est pas une simple croyance ; la Foi c’est véritablement cette conscience qu’entre le déjà là et le pas encore nous sommes conduits…. Nous sommes conduits par le Souffle Divin. Conduits par un souffle qui fait que l’amour entre époux/épouse, l’amour entre parents/enfants, l’amour entre des amis, cet amour là est toujours à devenir plus large, plus ample, plus fécond à condition que nous le nommions comme la force venue d’en haut ; à condition que nous le prions comme l’action de la Grâce que nous devons accueillir pour la rendre totalement féconde ; à condition que nous soyons des êtres, hommes et femmes, enfants, jeunes, vieillards debout, accueillant la puissance qui fait de nous des êtres au-delà de nous-mêmes. C’est cela le sens de l’Eglise, c’est cela le sens de notre rassemblement tous les dimanches ; et quand nous venons gouter le Pain et le Vin qui deviennent le Corps et le Sang du Christ, nous goutons ce rapport à ce déjà-là et ce pas encore c’est à dire à cette matière qui reste du pain et du vin et qui pourtant nous place déjà dans la corporéité de celui qui est mort et ressuscité que nous nommons le Christ.

C’est cela notre foi, c’est cela notre espérance, c’est cela l’Eglise, c’est cela l’expérience du Royaume de Dieu.

Et bien ce matin, plaçant le pain dans la patène et le vin dans la coupe, plaçons notre humanité que nous vivons en couple, en famille, dans toutes nos relations et demandons que le Seigneur en fasse son Royaume en marche.

Amen.