Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani) - samedi 5 mars 2016

Liturgie anticipée du 4°dimanche de Carême



Za 8, 18-23
1Jn 1, 1-5
Jn 7, 14-30


Chers amis,
Nous poursuivons notre marche vers Pâques et dans ce quatrième dimanche de Carême, St Jean, dans son Epître nous dit ces paroles étonnantes : je suis venu témoigner de la parole, témoigner du Verbe. Si nous pouvions saisir la portée de ces paroles, être témoin du Verbe, cela veut dire véritablement cet enfouissement en profondeur pour ne plus parler de soi, de ses émotions, de sa propre vie, pour ne pas porter ces questions, mais pour aller écouter en profondeur Celui qui nous dit viens et suis moi. Tout à coup, nous entendons que croire c’est vivre une relation d’intimité avec ce Très haut qui nous a choisis, élus, non pas parce que nous serions des meilleurs, extraordinaires, mais pour aller porter cette Parole ; comme disait le Livre de Zacharie, aller au loin porter cette Parole.


Ainsi, Jésus, qui porte la Parole, est renvoyé à son humanité. Mais nous savons d’où tu es et qui tu es. Oui, nous savons qui nous sommes, nous savons nos limites, nos pauvretés, mais nous ne pouvons pas nous cacher derrière ces pauvretés, bien au contraire, au-delà de nos limites, de nos pauvretés, de ce que nous sommes apparemment, il y a cette parole qui résonne en nous n’avons pas à être des porte-voix, mais à devenir la Parole. Cette parole va s’incarner en chacune et en chacun de nous.


Etre du Christ, c’est se mettre à la suite de Jésus pour chacune et chacun devenir Christos, l’Oint du Seigneur, celui qui a reçu l’onction, qui va désormais taire son propre ego pour devenir le hérault de la Parole, celui qui transmet ce qui lui est donné.


Croire, c’est donc être imbibé de cette présence pour la laisser transparaître et devenir icône pour le monde. Nous ne serons signe d’espérance, d’amour, de lumière que si nous sommes réellement dans cet ancrage au Seigneur.
Aussi la question qui nous est posée au travers de cet Evangile, quand Jésus dit : vous pensez me connaître, mais moi je sui venu vous parler de Celui que je connais. Quelle est notre connaissance du Père ? Je ne puis connaître le Père que dans le Fils. Je ne puis connaître le Fils que dans l’Esprit. 


Dès lors, ce temps de Carême, c’est vraiment ce temps où il nous faut revenir à cette terre de l’intérieur et regarder en profondeur notre existence. Je peux dire je connais mon époux, mon épouse, mon enfant, mon ami, mon collègue de travail, mais pourtant je ne le connais pas parce que au-delà demeure le mystère d’un visage qui me dit une parole au-delà. Entrer dans la prière, c’est apprendre à faire mémoire de tous ces visages, de toutes ces rencontres, de toutes ces situations et écouter en profondeur ce qui nous est dit, raconté pour dire le sens de l’homme aujourd’hui en ce XXI° siècle.


Pourrions nous nous laisser simplement abîmer, écraser parce que ici on nous parlerait de migrants, parce que là-bas, on nous parlerait du travail, ailleurs de la violence, de la crise, il y a toutes ces réalités et pourtant, nous devons voir toujours au-delà, non pas pour nous échapper du monde, pour rêver d’un monde autre, meilleur, mais pour entendre ce qui est en train de se produire, un tremblement de terre où tout à coup l’humanité en marche, va vers son accomplissement, dans l’économie, le politique, le social, le culturel, le religieux. Il y a comme l’émergence de cet homme nouveau qui est en train de poindre. 


Le temps de Carême, ce temps où nous nous préparons à monter vers Pâques, c’est vraiment le temps où il nous faut faire tomber les écailles de nos yeux pour voir et entendre que celui-ci, celle-là n’est pas un quelconque mais il est l’expression même de Dieu car je suis, nous sommes tous expression divine à condition d’être de la foi, c’est-à-dire d’être dans cette invitation de l’Esprit Saint pour sentir la parole, aimer la Parole, proclamer la parole. Cette proclamation ne sera pas seulement charismatique comme on raconterait un catéchisme, mais une parole qui va redonner du sens. Là où il y avait la discorde que naisse la paix ; là où il y avait l’obscurantisme qu’il y ait la lumière et l’ouverture ; là où il y avait la violence, que revienne l’amour ; là où il y avait la pauvreté, qu’il y ait la richesse du cœur. Une parole qui met en mouvement l’histoire pour devenir royaume du Père, par le Christ dans l’Esprit.


Mes amis, puissions-nous, au cours de la semaine qui s’offre à nous, revenir à cette prière, nous ré ancrer dans la prière pour apprendre à écouter en profondeur cette Parole Logos qui n’est pas un vieux parchemin, une histoire, mais qui est notre histoire. Nous devons de plus en plus manduquer l’Histoire Sainte qui est la notre à partir du moment où nous disons : Seigneur, me voici, qu’il me soit fait selon ta parole. Alors, oui, Pâques sera pour nous un chant de joie, comme le disait l’épître de St Jean. Amen