Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani) - dimanche 27 septembre 2015 


27°dimanche du temps ordinaire


Le passage de l’Evangile de St Luc nous présente la guérison du paralytique ; celle-ci peut nous conduire à cette interrogation : quelle est notre attente dans la foi ?


Nous sommes tous polarisés sur les docteurs de la loi, qui vont être choqués par le fait que Jésus puisse dire : « Tes péchés sont pardonnés », mais, on pourrait aussi se demander quelle était l’attente des porteurs de la civière, quelle était l’attente de ce paralytique. Le texte nous laisse bien entendre que leur attente à tous était davantage dans la guérison, dans l’aspect tomaturge de Jésus, plus que dans la portée du salut proposé.


Souvent lorsque l’humanité, dans sa diversité, approche la religion, c’est à partir de ses peurs. Nous sommes tous dans cette approche qui consiste à demander à Dieu de nous guérir de telle ou telle maladie, quelle soit physique, mentale, émotionnelle ou spirituelle.


Or, ce matin, l’Evangile nous propose une réflexion beaucoup plus fondamentale, car lorsque Jésus va dire « tes péchés sont pardonnés », il vient nous questionner : « Que cherchez-vous réellement ? Quelle est votre quête lorsque vous venez vers moi ? »


Nous arrivons alors à la question du pardon des péchés qui étaient considérés à l’époque comme portés dans le transgénérationnel. Si on revient à cet exemple du paralytique, il était paralysé parce que lui, ses parents ou ses aïeux avaient péché. Telle était la croyance de l’époque.


Au delà de cette croyance, quel est le sens profond du péché ?


Nous savons que pécher, ce n’est pas seulement de mal faire. Souvent nous avons tendance à confondre péché et mal. Or le péché va beaucoup plus loin qu’un mal. Le péché, c’est de ne pas bien viser la finalité, l’Orient. Suis-je tourné vers l’Orient ? Autrement dit, est ce que ma vie est totalement ordonnée à un autre, à un autre que moi-même et au Tout Autre ?


Ici, nous touchons à la profondeur du salut que le Seigneur nous propose. Il ne s’agit plus simplement de regarder tel ou tel aspect de nous-mêmes, dans une approche de culpabilité en disant « je ne suis pas ceci ou je ne sais pas faire cela », mais fondamentalement, notre vie est-elle orientée ? La nature même de Dieu est de s’offrir. Lorsqu’on parle du Dieu Créateur, on parle de celui qui se dépossède de lui-même pour s’offrir au travers de la création, de la créature, au travers de tout ce qui est. SI nous pouvons toucher à la nature divine, c’est pour, à notre tour, nous offrir. Pour s‘offrir, il faut avoir conscience que notre vie n’a réellement de sel, de saveur, de luminosité, c’est-à-dire porteuse de lumière, que si elle est orientée vers un autre que nous-mêmes. 


On peut entendre le Décalogue « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », ce résumé de tous ces dix commandements, de ces dix paroles « Tu aimeras ton père et ta mère, tu ne tueras pas, tu ne mentiras pas , … » En réalité, cela veut dire : « Sors, sors de ta prison intérieure, sors de ton ego pour aller vers autrui, vers l’autre, vers l’autrement ». Entendons les paroles de Jésus « Voici un commandement nouveau : Aimez vous comme je vous ai aimés », autrement dit, moi qui ai fait le don de ma vie, faites le à mon exemple.


Le péché, c’est d’oublier cela, ce n’est pas seulement de mal faire, de mal viser la cible, mais quelle est la cible ?. Le péché c’est de ne plus être dans une existence offerte. Par nature, une existence offerte à Dieu est une existence offerte à l’autre, au frère, la sœur quel qu’il soit, quelle que soit sa proximité ou sa distance, qu’il soit l’étranger ou le très proche. Je suis offert à toi mon frère, ma sœur.


Nous saisissons à quel point Jésus, par ses paroles « Est-il plus facile de dire tes péchés sont pardonnés ou de dire à cet homme « Lève-toi, prends ton brancard et marche », nous met devant quelque chose de redoutable, car nous pourrons nous relever de tel aspect de notre vie, d’un moment difficile que nous avons pu traverser au plan conjugal, amical, d’une rupture quelle qu’en soit la nature, et nous dire « je ressuscite ». 


Oui, nous sommes toujours dans une forme de marche résurrectionnelle provisoire, transitoire, mais la résurrection radicale est d’une tout autre nature. C’est se poser cette question : « Suis-je donné ? Suis-je offert ? Suis-je dans ce grand commandement de l’Agapé l’Amour absolu ». Alors réellement, nous pouvons regarder nos existences et nous demander comment sommes-nous habités par Celui qui nous dit « Chaque fois que vous le faites à l’un de ces petits, c’est à moi que vous le faîtes ».


Dans la première lecture que nous avons entendue, les paroles de Daniel nous situent dans la période de l’exil à Babylone, où le peuple est dans la conception que, s’il en est là, c’est qu’il a péché. Toutes nos formes d’exil sont des oublis. Nous sommes amnésiques, amnésiques de Dieu, c’est-à-dire amnésiques de ce don suprême. Le peuple élu a oublié son élection, qui consistait à dire « nous sommes ordonnés à toi Seigneur, et donc ordonnés à l’étranger quel qu’il soit, car notre foi ne consiste pas à dire que nous avons Dieu pour nous, mais nous devons révéler ce Dieu à toute la terre. Par prolongement, se pose la question dans nos exils intérieurs, ne sommes-nous pas aussi en amnésie, n’avons nous pas oublié cette réalité du don de notre vie ? La mère qui met l’enfant au monde est dans le don de la vie. Ce don nous caractérise tout au long de l’existence et pourtant nous l’oublions.


Puissions-nous, par cette liturgie, entendre la grande question de Jésus « Est-il plus facile pour moi de demander une guérison provisoire ou de demander le royaume en étant donné à Dieu et à mon frère, ma sœur ? 


Loin des brumes de la culpabilité de la morale, cette question vient nous traverser pour nous mettre en recréation, en mouvement, en capacité de réinventer notre histoire, singulière, personnelle, collective, sociale. Si nous nous mettons sur cette route, alors nous pourrons entendre les prophètes de tous les temps, le prophète Daniel et les prophètes d’aujourd’hui, dont le pape François, et à travers eux saisir la parole de Paul, dans son épître « N’oubliez pas les dons que vous avez reçus », car oui lorsque ma vie est donnée, j’accueille ce qu’il y a de plus grand, le don de Dieu dans la vie qui nous est offerte. Qu’en faisons-nous ? Quel est notre regard sur cette vie pour l’habiter en plénitude ? 


Puissions nous, dans cette liturgie, traverser cette question et en faire le miel de notre semaine. Amen