Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani), dimanche 16 décembre 2012 

Recteur de la paroisse 

5ème dimanche de l'Avent


Isaïe 40, 1 - 9 ; Ph 4, 4 - 7 ; Jn 1, 19 - 28

Mes amis nous sommes presque arrivés au terme de ce temps de l’Avent orthodoxe puisqu’il se déploie sur les 6 dimanches qui précèdent Noël. Et en ce 5ème dimanche, retenant toujours ce thème pastoral que nous avons pris depuis le mois de septembre : « Quelle est notre foi en Jésus Christ ? », ce matin l’Evangile de Jean nous rappelle ces propos de Jean le Baptiste : « Je ne suis pas le Christ. Je suis la voix qui crie dans le désert, aplanissez le. » Ce thème de la voix qui crie dans le désert à partir de Jean le Baptiste est un thème que nous connaissons par cœur, que nous retrouvons toutes les années et qui pourrait paraître un peu poussiéreux. 

Et pourtant ce matin, frères et sœurs, je voudrais vous inviter à une lecture bien particulière : " Je ne suis pas le Christ. " Que veut dire cette parole ? Le Christ, Christos, nous le savons veut dire : celui qui a reçu l’onction, qui est oint par le Seigneur. Et quand Jean va dire " Je ne suis pas le Christ, mais je suis la voix qui crie dans le désert." Il ne parle pas seulement de lui, mais parle de l’humanité qui n’est pas encore dans le saisissement de l’Emmanuel, il parle de l’humanité qui n’a pas encore été dans cette dimension de réceptacle de l’Esprit Saint, qui est en écho au prophète Isaïe qui disait : " Mais les hommes sont comme de l’herbe sèche " les hommes disparaissent, mais la Parole demeure. 

Aussi être du Christ, c’est reconnaître que nous sommes dans le désert, que nous sommes le désert. Un désert qui tout à coup entend une voix et si nous sommes capables de capter cette voix, alors nous ne serons plus le désert seulement, l’herbe sèche qui est appelée à aller au feu, mais nous deviendrons Christ avec Jésus, Christ dans l’Eglise. Devenir Christ, cela veut donc dire qu’il faut se laisser investir de l’Esprit. Allez dire à vos maîtres, vous les pharisiens, « Je ne suis pas le Christ. » Ainsi, Jean nous place dans cette humanité qui est en marche vers son élection, vers ce à quoi elle est appelée. Et nous sommes de ce Jean Baptiste le dernier des prophètes, nous sommes de sa race puisque dans nos déserts intérieurs, il nous faut marcher vers cette élection. Mais la question se pose à nous ce matin : quel est notre désir de la Parole ? Car bien sûr nous pourrions dire que nous sommes en marche. Mais en marche vers quoi ? La Parole qui vient, le verbe qui attend pour s’inscrire en nous. Qu’est-ce que cela veut dire pour nous, ce matin, aujourd’hui dans notre condition d’hommes et de femmes du XXI ème siècle ? Un monde tellement malaxé par toutes ses réalités. Nous avons entendu ces enfants qui ont été massacrés et cela nous ramène toujours à cette dimension caïnique. Nous sommes Caïn et Abel, toujours à tuer. Nous avons entendu aussi tout ce qui se passe en Irak, en Syrie, en Palestine, en Egypte et ailleurs. 

Alors comment porter cette Parole, être accueillant de cette Parole ? Que veut dire cette Parole dans notre désert ? Mais avant de parler des grands problèmes de ce monde, comprenons que tout ce qui se passe en ce monde n’est que l’extériorisation de ce qui se passe dans notre monde intérieur. Oui nous sommes ce désert ! Et dans ce désert pour trouver la fertilité et pour accueillir cette Parole, il nous faut travailler sur notre désir intérieur. Si nous n’avons pas le désir intérieur de Dieu, la Parole pourra toujours venir mais elle ne pourra pas s’inscrire, car nous sommes des hommes et des femmes libres. Et dans cette liberté, le Souffle peut venir, mais Il ne s’imposera pas. L’Amour peut venir mais Il ne s’imposera pas. Il vient frapper humblement à notre porte. Dans la nuit de Noël lorsque nous allons célébrer ces bergers qui courent à la crèche, nous nous rappellerons ces paroles de Jean : " Je suis la voix qui crie dans le désert." "Où es-tu Seigneur ?" Mais c’est toi qui me dis : " Où es-tu Homme ? " Où sommes-nous l’un par rapport à l’autre ? Ainsi, mes amis, au cœur de ce temps de l’Avent il nous faut revenir sur cette question : " Comment scrutons-nous la Parole, le Verbe, le murmure ? " Ce doux baiser qui se pose sur notre bouche et par lequel Dieu vient nous dire : " Tu es mon enfant ". Quand nous avons perdu un être cher, un père, une mère, un enfant, tout semble basculer mais il nous faut nous rappeler cette Parole essentielle. La vie n’est pas simplement cette apparence, elle n’est pas faite simplement de ces tempêtes extérieures. La vie au fond de nous est dans cette capacité à accueillir Celui qui se propose à nous. Mais la Parole n’est pas le ramassis d’un certain nombre de textes qu’il nous faudrait connaître, comme un codex, comme un corpus, comme un livre dans une scolarité, mais la Parole est ce murmure qui se dépose sur nos lèvres, nos cœurs, nos esprits. 

Quel est mon désir de toi Seigneur ? Au plus secret de chacune et chacun d’entre nous, il nous faut prendre le temps, le temps chronos, pour installer dans ce temps cette réalité hors du temps : « Je suis là avec toi et je t’accueille, ô mon Dieu ! » Car ce désert, je le suis. Mais au cœur de ce désert, je sais que je marche vers une réalisation. Et donc quand bien même j’ai l’impression de parler seul, parce que m’asseyant pour prier, je me sens tellement aride. Quand bien même je suis trop fatigué, parce que trop rempli par le bruit de ce monde, quand bien même j’ai peur de ne pas être aimé, reconnu, je m’agrippe encore à des réalités qui me font peur. Je dois oser m’asseoir et t’accueillir car je ne peux rien sans Toi, et Toi Tu ne peux rien sans moi. Et ce temps de l’Avent est ce temps qui nous creuse sur notre désir. Ce désir de se laisser investir d’une Présence qui fait que nous sommes alors comme soulevés de nous-mêmes. Tous nos voiles éclatent et nous trouvons au cœur de notre nudité cet anthropos qui crie et qui nous dit : " Je suis ". Car il n’y a pas de séparation entre l’Homme et Dieu et Dieu et l’Homme. Plus nous irons dans les profondeurs de notre humanité et plus nous trouverons l’Homme véritable, l’Adam nouveau, ce Christ intérieur qui ne cesse de vouloir advenir. Mais brisons nos voiles, brisons nos portes, nos murs et soyons dans le désir qui va tout dilater pour être fécondé. Ne soyons pas l’air desséché des déserts mais devenons le désert qui appelle la fécondité. 

Jean Baptiste, puisses-tu nous accueillir et nous accompagner aujourd’hui. Donne-nous cette fougue, cette passion, cette joie de la rencontre et fait de nous des êtres qui au cœur d’eux-mêmes basculeront du premier testament qui n’est qu’une attente dans le Nouveau testament, qui devient la Présence, l’Emmanuel. Oui, Il est parmi nous, Il est en chacun de nous, Il advient hautement mes frères, mes sœurs. 

Amen.