Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani) - dimanche 17 novembre 2013

premier dimanche de l'Avent


Isaïe 6. 1 - 10  

Jacques 5, 1 - 11  

Jean 1, 35 - 51


         " Voici l’agneau de Dieu," Voici l’Agneau de Dieu, et à ces paroles, les deux disciples de Jean se mettent en route.

         Frères et sœurs, lorsque nous entendons ce verset de l’Evangile, arrêtons nous un instant et contemplons cette foi, cette attente des disciples de Jean. Oui, une foi profonde, une attente, car à la seule parole du maître Jean, voici qu’ils se mettent en route. Et, se mettant en route, et suivant Jésus, ils vont  poser la question : " mais où vas-tu ? "  " Où demeures-tu ? " et le Seigneur de leur dire " Venez et voyez ".

Nous sommes dans un passage d’Evangile qui réellement nous interroge, mes amis, non seulement sur notre foi, mais sur notre attente. Quelle est notre attente, quelle est notre espérance ? Que désirons-nous  essentiellement en cette existence ? Sommes-nous simplement dans une forme de dualité, c’est à dire, d'un coté la foi, notre foi,  et d'autre part ce monde ? Ou au contraire, ce monde est-il pour nous un chemin où nous cherchons  ce Seigneur, où nous cherchons le souffle de vie, où nous désirons reconnaître Celui qui s’est promis à nous, depuis notre baptême, depuis ce temps merveilleux où nous l’avons reconnu, où  nous lui avons dit comme Marie: " me voici. qu’il me soit fait selon ta Parole." Oui quel est notre désir ?  Quelle est notre  attente ? Quelle est notre attente au travers de l’enfant qui souffre, atteint d’une maladie, d’un cancer ? Quelle est notre attente lorsque nous voyons un être cher mourir, quelle est notre attente lorsque des êtres sont en quête de travail, brisés par le chômage ? Quelle est notre attente lorsque tout nous réussit, tout semble merveilleux ? Quelle est notre attente lorsque nous sommes baignés par le bonheur, par une forme de bénédiction ? Quelle est notre attente  dans tous les événements de notre existence ?

         Et là, le prophète Isaïe nous rapporte, huit siècles avant l’avènement de Jésus, des paroles étonnantes sur sa vocation, après qu'un séraphin eût purifié ses lèvres par un charbon ardent.. ( Les séraphins étaient aussi des sortes de serpent dangereux que l’on trouvait dans le désert, ils vont être représentés dans le temple sous des formes ailées, et par ces formes-là les anciens voulaient représenter la manifestation divine, qui pouvait être terrifiante au cœur du désert et en même temps éclatante.), un éclat lumineux comme s’il y avait tout à coup un saisissement, un brasier ardent, une sorte d’irruption divine, qui se faisait et qui venait poser la question : " mais où es-tu Homme, m ‘as tu oublié ?" Et ce brasier vient se déposer sur la bouche du prophète Isaïe pour qu’il commence étonnamment son ministère de la Parole à un peuple rendu spirituellement aveugle, sourd et insensible.  Et là nous sommes bouleversés : comment un prophète pourrait ne pas dire, comment un prophète pourrait fermer les bouches, fermer les oreilles, fermer les yeux. Et là nous saisissons que notre vocation, mes amis, n’est pas simplement d’être des habitués de la foi, des poussiéreux de la foi, , mais qu'il faut faire ce travail d’ouverture, nous déshabituer, nous déshabituer de tout .  Et le problème ne se pose pas seulement à nos individualités, à nos personnes, mais ce problème se pose à nos communautés, à nos Eglises, et il n’y aura de vérité, que si nous sommes capables de jeter tous nos manteaux poussiéreux pour être dans cette immense question : " Mais Seigneur, où es-tu, que veux-tu ? "  Car mon désir est réellement de te trouver et chaque fois que nous avons la prétention de connaître, de savoir, de posséder Dieu, alors il y a cette prophétie d’Isaïe qui tombe sur nous et nous avons la bouche fermée, les yeux fermés, les oreilles fermées ; car pour avoir la bouche ouverte, les yeux ouverts, les oreilles ouvertes, il faut être dans cette humilité de ceux qui cherchent et ne savent pas et qui se laissent interloquer par cette remarque " Voici l’Agneau de Dieu, il passe."  Il passe dans ta vie, mon frère, ma sœur, sauras-tu le reconnaître ? Il passe et passant il ne nous laisse pas indifférents, mais passant, il nous interroge, il nous convoque, il nous appelle. Il appelle Simon : Céphas, celui qui va devenir la pierre de l’Eglise. Il appelle, il appelle Nathanaël. Il le voit avant même qu’il fut appelé, Il l’appelle au travers des hommes et quand cet homme se met en route, il lui dit : mais je t’ai vu avant même que tu fus appelé, car depuis toujours je te connais puisque depuis toujours je t’ai appelé.

          Et si nous savons patienter, comme le dit l’apôtre Jacques dans son épître, Oui si nous savons patienter, si nous avons cette sainteté de Dieu ; car la patience, c’est l’espérance, c’est la conviction que malgré tout, malgré ce monde qui semble défaillant, nous sommes élus, nous sommes aimés, nous sommes habités, nous sommes restaurés en Dieu. Si réellement nous avons cette conviction chevillée au corps, si nous avons cette patience, alors le Seigneur nous dit dans l’Evangile de Jean : " Vous verrez le Fils de l’Homme avec les cieux ouverts, et les anges monter, descendre."  Et voici que se réalise cette image qu’avait vue Jacob, cette échelle qui descendait et les anges qui venaient, et qui remontaient, car le ciel est ouvert sur la terre.

         Ce ne sont pas que des images, mais c’est profondément, ce pourquoi nous sommes venus, mes amis. Oui, je n’oublie pas les catastrophes aux Philippines, je n’oublie pas ce grave problème de la crise autour de nous, je n’oublie pas ce monde qui n’en peut plus ; et justement, dans ce monde qui n’en peut plus, nous serons chrétiens, nous serons au Christ, nous serons de l’Eglise, si nous sommes des hommes et des femmes de l’espérance, debout, qui crient au ciel : " nous voici." Nous n’avons pas oublié quelle est notre identité véritable, et alors notre destinée n’est pas simplement d’avoir un bonheur immédiat, dans une réussite professionnelle, matérielle, notre destinée n’est pas non plus d’être broyés par une maladie, par une injustice, mais notre destinée, c’est d’être à Dieu, en Dieu et cela veut dire devenir des êtres vivants, pleinement vivants, car être en Dieu, ce n’est pas simplement être des croyants, à genoux, soumis à une divinité, mais être en Dieu, c’est vivre cette plénitude de la vie, qui se décline dans l’amour, Toi, Toi, ô mon Dieu, Toi qui es la vie, et qui me mets en vie parce que tu m’apprends à sortir de moi-même, à me décentrer, à devenir un regard, une main tendue, une solidarité, un engagement, un être-avec, une alliance.

         Frères et sœurs, premier dimanche du temps de l’Avent, premier dimanche où nous nous engageons sur ce chemin,  qui va nous conduire à l’étoile de Bethléem. Creusons-nous par la prière, creusons-nous par l’Eucharistie, creusons-nous par la méditation des textes d’Evangile, creusons-nous et soyons dans cette joie, Il est venu,  il reviendra,  il vient,  il est là.

         Ô ma vie, mon existence, quand je n’en peux plus, je sais que tu m’habites et qu’au delà de tout,  je suis ton temple sacré.              


Amen