Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani) - samedi 8 février 2014 


Jo 4, 11- 20

Col 3, 12- 17

Mt 13, 24- 30

 

         Nous arrivons au terme de notre journée pour les membres de l’Ecole de Philocalie, saint Jean le Théologien, et c’est avec joie que nous retrouvons une partie de la Communauté.

            Ce soir, nous retrouvons cet Evangile du bon grain et de l’ivraie. Derrière cet Evangile, est posée la question du rapport entre le bien et le mal.   Souvent la religion est présentée comme le chemin qui permettrait d’éviter le mal pour aller au bien. Cette présentation est toujours faite comme s’il s’agissait d’une sorte de philosophie, l’homme qui pourrait déterminer ce qui est le bien, ce qui est le mal.  Or nous nous apercevons, au fil de l’Histoire, que ce qui fut bien hier peut devenir un mal aujourd’hui et inversement.   Qui peut dire le bien ? Qui peut dire le mal ?

         Seul le Seigneur peut nous permettre de vivre un tel discernement. Ce discernement, c’est donc ce qu’Il nous propose dans cet Evangile, Lui seul va pouvoir arriver à décliner cette séparation entre le bien et le mal dans une dimension eschatologique, à la fin des temps. Autrement dit aujourd’hui, la question n’est pas de savoir : comment serions-nous dans un rapport entre le bien et le mal, mais comment sommes-nous véritablement orientés vers le Seigneur ?

         L’Epître aux Colossiens de St Paul nous le rappelle, pratiquer la charité entre nous, ce n’est pas simplement être dans une sorte de bienveillance les uns envers les autres, mais pratiquer la charité, c’est pratiquer cet Amour, Agapè, c’est-à-dire ce don, ce don de soi. Et plus que de chercher un bien par rapport à un mal, le rapport à Dieu, c’est vraiment le rapport à la vie. Es-tu prêt à donner ta vie pour le Seigneur ? Es-tu prêt à renoncer à toi pour être totalement donné et à Dieu et au frère ?

         Car la charité, mes amis, nous le savons, c’est cette déclinaison  latine du mot grec agapè, qui veut dire le don parfait, le don radical, le don absolu, le Seigneur s’est donné jusque dans la mort, par amour.  Ainsi, nous sommes invités à vivre ce don radical de l’Amour. Cela va au-delà d’un bien par rapport à un mal, c’est véritablement la réorientation totale de notre existence, car dans nos existences, nous ne sommes ni bien, ni mal, nous sommes empêtrés dans ces pactes que nous faisons avec celui qui va semer le bon grain et celui qui va semer l’ivraie ; parce que parfois nous sommes des êtres grands et parfois nous sommes petits. Le Seigneur dans sa miséricorde ne va pas s’arrêter à ce qui a été, à un moment donné le mal, ou à un moment donné le bien. Ce qui va être essentiel pour Lui, c’est cet élan, cette alliance, ce désir d’être avec.

Mes amis, ces propos peuvent nous sembler éthérés, et pourtant regardez. Quand nous vivons, dans le quotidien de nos histoires, si réellement nous sommes mus par ce désir de ‘Amour agapè et que nous sommes prêts à renoncer à nous-mêmes, cela va reconfigurer la vie du couple, la vie de la famille, la vie sous tous ses aspects, car plus qu’une tolérance, plus qu’une bienveillance, je vais comprendre qu’il y a toujours une possibilité autre qui fait que, un couple n’est pas condamné, une famille n’est pas condamnée, une amitié n’est pas condamnée, nous ne sommes pas condamnés, rien n’est condamné, tout est toujours ouvert, possible. Et quand bien même nous nous sommes trompés, quand bien même nous portons des échecs, le Seigneur nous dit : c’est encore possible, allez avance, repars.

         L’histoire des hommes, au  nom du bien et du mal, a été terrifiante car nous tuons au nom du bien, et nous condamnons au nom du mal. Seul Dieu peut connaître le cœur de l’Homme et dire ce qui est bien et mal.  Ainsi l’essentiel pour nous, c’est d’être sur ce chemin de pratique de la résurrection incessante. Mourir à soi-même pour ressusciter avec l’autre. Et pour cela, accueillir le don de Dieu, l’Esprit Saint.

         Au cours de cette journée, nous avons réfléchi sur l’articulation entre l’alliance et la prière. Qu'y a-t-il de plus grand dans la prière que d’être relié et vivre l’agapè, dont parle St Paul dans son épître aux Colossiens, c’est vraiment être dans cette alliance. Toute situation est le temps de l’alliance, ce temps où nous pouvons remettre en circulation la vie. Là où tout semblait échouer, pouvoir recommencer, redonner du souffle. Telle est notre espérance, tel est le message chrétien que nous portons, tel est le sens profond  de la prière, car lorsque nous prions, nous ne sommes pas là pour rabâcher des prières, nous ne sommes pas là pour réciter des rituels, mais, dans la prière nous nous relions pour redonner la vie là où elle ne passait plus.

         Pensons à ceux qui viennent d’être dévastés, dans ces tempêtes, pensons à ceux qui sont restés dans les guerres, pensons à ceux qui n’ont plus de travail, plus de dignité, pensons à tous ceux là et voyons à quel point la prière, c’est ce mouvement de recréation, où nous pouvons retrouver un chemin de  dignité pour tous ceux-là et, en priant, ne pas être désinvestis, en disant c’est la responsabilité de Dieu, mais en priant, demander à Dieu la puissance de son Esprit pour déployer notre capacité, notre intelligence, nos possibles et inventer autrement d’autres chemins.

         Oui, mes amis, c’est cela le message que nous délivre l’Eglise. C’est cela le message que nous propose le Seigneur au travers de cet Evangile. Aussi, notre Ecole de Philocalie, St Jean le théologien, lorsqu’elle essaie de travailler, ne travaille pas seulement de façon intellectuelle, à écouter une doctrine, mais elle est dans ce désir de nous aider à vivre cette transformation intérieure, cette transmutation, et cela nous ramène à une foi, qui n’est pas simplement une doctrine énoncée, mais qui est véritablement le miracle de la rencontre avec Celui qui nous dit : Viens et vois.

         Oui, Seigneur, je vois, tel que tu m’as voulu, et dans cette contemplation, j‘espère le chemin que tu me proposes. Alors tout est ouvert, alors le monde devient autrement, pour moi, mais pour mon frère aussi, et c’est cela qui va me rendre capable de dire : " je t’aime et je te pardonne."

         Que dans cette Eucharistie, nous goûtions cette puissance de la présence de l’Esprit pour vivre la substance de Dieu, le don de l’Amour, ainsi nous deviendrons des êtres déifiés.

 

Pour la plus grande gloire du Père, du Fils et du Saint Esprit.           Amen.