Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani)samedi 28 avril 2013 

Recteur de la Paroisse


Actes 4,  32 - 35

Jacques 1,  16 - 21

Luc 16;  19 - 31


         Nous sommes toujours dans ce temps pascal, ce temps où nous méditons ce grand mystère, la Sainte Résurrection de notre Seigneur. Écoutant les textes ce matin nous pourrions être tenté d'entendre ces Paroles comme une sorte de jugement : ceux qui auraient bien fait, ceux qui auraient mal fait, et ce qui serait bien en ce monde deviendrait un bien dans le ciel et inversement.

         Les textes sont en réalité beaucoup plus subtiles que cela, et d'abord l'Évangile de Luc nous présente le pauvre Lazare avec Abraham dans le ciel. Si Lazare est accueilli par Abraham, en réalité mes amis, c'est que nous voyons dans cette rencontre la ressaisie de ce qu'a été la vocation profonde d'Abraham.  Abraham, c'est celui qui a cru, qui a cru sans voir, qui a cru sans avoir d'éléments palpables, qui s'est totalement abandonné à son Dieu, et parce qu'il a cru, le processus de fécondité, le processus de vie s'est mis en marche, et tout à coup, Sara son épouse appelée " la stérile " a pu recevoir cette bonne nouvelle : " tu vas porter un fils, Isaac ! " Cette foi d'Abraham est devenue concrète au point que lorsqu'il y a eu à Membré la rencontre avec ces trois visiteurs, il n'a pas hésité à aller au devant d'eux et les servir. Ainsi Abraham, servant ces trois visiteurs, servait en réalité Dieu : le Père, le Fils et l'Esprit.

         Lazare, qui toute sa vie, a été celui qui est venu frapper à la porte, a été un peu l'expression de la présence du Seigneur dans le monde, nous rappelant ainsi le chapitre 25 de Saint Matthieu : " j'ai eu faim, vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif, vous m'avez donné à boire ; j'étais un étranger , vous m'avez accueilli." Et Lazare qui n'a pas été accueilli, est tout à coup accueilli par Abraham, qui récapitule le sens de la foi et qui montre que Dieu n'est pas une abstraction, que Dieu n'est pas une idée, mais que Dieu c'est Celui que l'on rencontre lorsqu'on est dans ce déplacement, dans ce dessaisissement et que l'on ouvre ses bras pour vivre l'acte réactionnel le plus immense, par rapport à ce monde mortifère, pour entrer dans l'événement de la Résurrection. Oui, mes amis, l'événement de la Résurrection c'est de dire que nous saisissons désormais que tout vient de Dieu, que tout doit être restitué à Dieu.  Et que par conséquent lorsque nous sommes dans le don de nous-mêmes, nous ne sommes pas dans un acte de générosité, nous ne sommes pas dans un acte de solidarité,  plus que cela  nous sommes dans la dépossession de nous, car tout est à Dieu. Et nous défaisant de nous-mêmes, alors nous entrons dans l'Etre de Dieu, car, comme le dira St Jean : " Dieu est amour." Lorsque nous nous défaisons de nous, nous vivons l'amour, nous devenons amour et nous devenons Dieu. Ainsi, Lazare au cours de sa vie n'a pas simplement été " le rejeté ", mais il est devenu l'incarnation de ce Dieu qui attend, qui espère en l'homme. Et se retrouvant dans les bras d'Abraham, il rejoint en réalité l'homme, l'homme qui est capable de croire, l'homme qui est capable d'accueillir, car Abraham est le Père des croyants et en cela, Lazare qui a cheminé dans l'humanité en attente d'être reconnu, vient rejoindre la figure d'Abraham et par là nous dire : " hommes et femmes de toutes générations, de tous temps : vous ne pourrez trouver la présence divine que si vous vivez à la mesure d'Abraham, dans cette foi, dans cet accueil, dans cette présence, reconnue  de l'Indicible, comme à Membré, pour accueillir cette " bonne nouvelle," une nouvelle qui annonce une fécondité alors que tout semble mortifère.

         Et d'autre part le riche, c'est nous aussi, dans ces moments où nous résistons, où nous nous accrochons à ce dont nous nous croyons propriétaires : propriétaires de nos lignées, propriétaires de nos convictions, propriétaires de nos croyances, de nos églises, de nos religions. Le Seigneur nous dit : " devenez des pauvres, lâchez tout cela ! Et si vous lâchez tout cela, vous pourrez connaître le miracle de la Résurrection. Et que le ciel nouveau, la terre nouvelle, l'autrement pour l'être est possible, si vous osez vous dépouiller de tout cela et entrer dans la nouveauté de : " je suis ici et maintenant." 

         Aussi, mes amis, ce passage que nous avons entendu tiré des actes des apôtres, ou la lettre de Saint-Jacques, ce n'est pas simplement un partage matériel, c'est plus que cela, c'est l'homme qui se dessaisit de lui, et dans ce dessaisissement, est capable de devenir comme Abraham. Et le vieux Lazare, lui qui a tant souffert est là pour le rappeler. Aussi au cours de cette semaine prions le Saint Esprit, contemplons en nous ce Lazare qui a faim, ce Lazare dont les plaies sont léchées par des pauvres chiens ; c'est-à-dire cet être misérable qui est en nous et qui n'en peut plus, regardons le, cet être qui nous fait peur, regardons le au plus profond de nous-mêmes, et cet être-là laissons le être visité, rejetons nos vieilles peaux, rejetons tout ce qui nous empêche d'être dans cette présence, dans ce rendez-vous pour vivre à la mesure d'Abraham, pour vivre avec Abraham à la mesure de Marie, pour vivre avec Abraham et Marie à la mesure de tout ce qui constitue l'Eglise, c'est-à-dire celles et ceux qui disent cette parole inouïe : " me voici Seigneur !" Car prononçant ce oui, ce Fiat, ce " me voici," nous sommes investis de la puissance divine qui fait qu'il n'y a plus de mort, il n'y a plus de peur, qu'il n'y a plus de finitude, mais qu'il y a l'être, l'être résurrectionnel, l'être debout, l'être digne, l'être aimé, désiré par Adonaï Elohim, depuis les commencements jusqu'à la fin des temps.

         Père je te loue d'avoir caché cela aux sages et aux savants et de l'avoir révélé aux petits quand nous acceptons de regarder Lazare ; comme Abraham a accueilli les trois visiteurs à Membré.

Amen