Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani)samedi 21 avril 2013 

Recteur de la Paroisse


Actes 2,  22 - 28

1 Thessaloniciens 4,  1 - 8

Jean 4, 5 - 42


Que retenir de ce long passage de l'Évangile de Saint Jean, ce matin ?  Il me semble que nous avons deux moments essentiels à retenir : tout d'abord dans cet entretien, Jésus va dire à la Samaritaine  : " si tu savais le don de Dieu."  Et elle, ensuite, présentant la foi des samaritains, ( foi hérétique, selon les juifs) lui dit : " nous nous adorons sur le mont Garizim et vous à Jérusalem,"  et Jésus de répondre : " désormais, c'est en esprit et en vérité que vous devrez adorer."

         Oui, ce sont les deux moments cruciaux qui apparaissent dans ce texte.  D'abord, le don de Dieu .  Le don, mes amis, il faut bien que nous comprenions que cette fête de Pâques que nous avons célébrée il y a quelques semaines nous prépare à vivre deux grands mystères, le mystère de l'Ascension du Seigneur et le mystère de la Pentecôte. Et à travers ces deux grands mystères nous sommes préparés à ce qui est le plus grand des mystères, c'est-à-dire le don de Dieu, fait à sa création. Cette création n'est pas abandonnée à elle-même, cette création est ressaisie dans le coeur de Dieu, cette création est replacée dans l'alliance avec Dieu par ce que l'on appelle le don. Qui dit don, dit que désormais notre vocation mes amis c'est d'être réceptacle, accueillir ce qui va nous être donné depuis là-haut, et ceci n'est pas simplement une image, un symbole, mais cela nous rappelle que fondamentalement nous sommes inscrits dans une vocation pour devenir des être de la hauteur, bien sûr des être enracinés par l'incarnation, mais une incarnation qui doit nous déployer pour devenir accueil, accueil d'un don. Toute notre vie n'a de sens que pour accueillir ce don, la venue du Saint Esprit.

         Et là nous comprenons ce deuxième versant de l'Évangile : " ce n'est plus sur le mont Garizim, ce n'est plus à Jérusalem, mais c'est en esprit et en vérité."  Dès lors, mes amis, le sens fondamental de l'Eglise n'est pas de nous enfermer dans des lieux particuliers, dogmatiques, verrouillés, mais le sens de l'Eglise c'est de dire que les hommes et les femmes doivent se rassembler, au nom du Christ Jésus, pour accueillir le don parfait du Père. Là alors, devenant pneumatiques, c'est-à-dire devenant des êtres instruits de là-haut par le Souffle, nous serons déjà dans ce qui est annoncé par le Christ : le Royaume de Dieu.

         Alors toutes ces paroles, je le sais, peuvent sembler désuètes, éthérées, ce ne seraient que des mots, des mots ecclésiastiques, religieux ou théologiques ; des mots, toujours des mots, alors que le monde va si mal : des prises d'otages, des attentats, une crise économique, c'est effrayant ! Ces religieux sont dans leur tour d'ivoire, ils parlent, ils parlent, mais connaissent-ils le monde ?  Mais qu'est-ce que le monde ? Et justement, le monde n'est-il pas à la dérive parce qu'il devient incapable d'écouter, d'entendre, de se rappeler ce pourquoi il est fait. Car si nous oublions ce don de Dieu, si nous oublions notre vocation à être réceptacles du don parfait, le Saint Esprit ; alors oui, nous irons à la dérive : la dérive de l'argent, la dérive du pouvoir, la dérive de la division, mais c'est cela l'enjeu. Cet enjeu est capital, lorsque le Seigneur nous invite à évangéliser les nations : " allez, de toutes les nations faites des disciples, au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. "  Ce n'est pas pour nous enfermer dans un prosélytisme religieux, et bâtir à nouveau des tours d'ivoire                       ici où là.  Mais c'est pour mettre l'homme en capacité de cheminer vers le Père, ce Père qui nous fait le don de son souffle de vie pour faire de nous des fils et des filles.

         Ainsi mes amis, l'Évangile de ce matin n'est pas simplement l'évocation du souvenir d'une femme qui était Samaritaine, mais cette Samaritaine c'est chacune et chacun de nous, cette femme, c'est nous autres, c'est l'humanité qui va puiser l'eau, qui va chercher ce dont elle a besoin, et qui pense qu'au travers de cette eau trouvée elle va pouvoir vivre, survivre.  Alors que nous sommes toujours dans le transitoire, dans le provisoire, elle est sûre de ce patrimoine, sûre de cet héritage : le puits de nos pères, le puits de Jacob. Le Seigneur lui dira : " cette eau ne t'empêchera pas de retourner au puits encore et encore jusqu'à ce que tu disparaisses dans la poussière de la mort. L'eau que je te propose, c'est  " l'eau de Vie. "  L'eau de vie c'est tout à coup de nous replacer dans l'essence même de ce pourquoi nous sommes ici. Sommes-nous des enfants du hasard ? Sommes-nous simplement nés pour nous laisser ballotter par les événements ?  Ou au contraire notre existence a-t-elle un but, une orientation, une quête, une espérance ? Si réellement nous avons fait l'expérience du Ressuscité, alors nous devons être dans cette préparation pour accueillir le don, le don parfait du Père, et quitter toutes nos idéologies religieuses, tous nos à priori pour quitter Jérusalem, pour quitter le mont Garizim, pour quitter toutes ces prisons humaines où nous disons : les chrétiens, les musulmans, les juifs, les bouddhistes, les athées... Il n'y a que l'homme, et cet homme n'a de sens que si il se laisse saisir par la question essentielle : " donne-moi à boire." " Es-tu prêt à me donner à boire? "  Et si je réponds à cette question qui vient de Dieu par le truchement de nos frères, alors ce n'est pas un acte de générosité, ce n'est pas un acte d'éthique ou de morale que je poserai, mais je vivrai le décentrement de moi-même, et par là, je recommencerai l'acte de mort et de résurrection en moi, et par là je goûterai à ce don qui m'est fait, la Vie. Ô la Vie !

         Frères et soeurs, accueillons ce don que nous propose le Christ, par son Eglise qui est  son corps mystique, et laissons nous remplir de cette présence indicible d'un Esprit qui souffle là où il veut, aujourd'hui, demain, hier, car ainsi nous serons  dans l'axe même de notre vie, des éternels .   

Amen