Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani) - dimanche 9 novembre 2014


Dn 7, 13 à 14
Col 1, 9 à 14
24, 15 à 35


Mes amis, depuis que l’humanité existe, il y a toujours eu des prédictions de fin des temps dans les philosophies, mais plus encore dans les religions, car, en réalité, derrière cette question de fin des temps, c’est l’homme qui se questionne sur sa propre fin, sur sa propre finitude. L’homme n’accepte pas d’être un être mortel et, dans cette confrontation à l’éventualité, à la certitude même de sa mort, il est angoissé, une angoisse personnelle, une angoisse collective, une angoisse que l’on pourrait qualifiée aussi de cosmique. Il est appelé à disparaître.

Dès lors, on voit que l’Evangile n’échappe pas à cette question fondamentale au travers du texte de St Matthieu, qui lui-même fait référence au prophéties de Daniel sur la fin des temps. La fin des temps avec l’évocation du Fils de l’homme, que nous confessons bien sûr dans le Christ. Que ce soit dans les visions de Daniel ou dans cette évocation de l’Evangile de Matthieu, on nous parle du Fils de l’Homme qui apparaîtra dans les nuées. Cette image pourrait nous amener à lever les yeux vers le ciel et à attendre une réalité d’en-haut qui viendrait du ciel. Tous ceux qui sont dans une démarche scientifique diront que le ciel n’existe pas, c’est une affabulation, une imagerie. Il faut comprendre que lorsque les anciens parlaient du Fils de l’Homme qui paraîtra au dessus des nuées, c’était une image forte qui nous fait revenir sur la réalité profonde de ce que nous sommes, la réalité ontologique. Car, pour les anciens, tous les êtres maléfiques allaient surgir du fond des mers, du fond des océans, du fond des lacs, quand, dans l’Apocalypse ou dans le livre de Daniel, on parle des bêtes immondes qui montent de ces fonds là. Et au contraire, pour évoquer les sphères divines, on va toujours parler de la nuée. Le fait que le Fils de l’Homme apparaisse au dessus de la nuée, cela veut dire que réellement celui qui de l’humanité va nous amener vers le Divin, est celui qui apparaît au dessus de la nuée, c’est à dire dans cette dimension sphérique divine, qui vient comme écraser toutes ces puissances maléfiques. Ce sont des images, on comprend que la fin des temps est un combat spirituel entre :les forces d’en bas, les forces qui nous entraînent vers l’adama, vers la terre dans laquelle nous pourrons mourir et pourrir, et cette élévation vers le haut. Ce combat entre le haut et le bas est vraiment le combat de la lumière face aux ténèbres. La fin des temps, ce n’est pas simplement la fin du monde, la fin d’un temps, mais c’est arriver à éradiquer en nous tout ce qui va aller à l’encontre du divin, à l’encontre de la Bonne Nouvelle, à l’encontre du Christ tel qu’il s’est présenté à nous. Aussi, lorsque dans son Evangile , Matthieu met dans la bouche de Jésus ces paroles « Attention aux faux christ », nous sommes invités à comprendre que nous passons par des tribulations qui font que l’on peut se perdre, et que dans les choix que nous allons faire, nous pouvons perdre la route du Christ et de Dieu et nous laisser entraîner par ces forces maléfiques. Car les forces du mal ce ne sont pas simplement quelques diablotins, mais les forces du mal nous les connaissons : regardez simplement aujourd’hui tous les spécialistes du climat nous disent que nous devrions faire attention dans nos choix économiques, sociaux, politiques, pour faire en sorte que le monde n’aille pas vers sa perte. Nous entendons cela et pourtant, au nom du dieu argent, nous continuons les mêmes choix, les mêmes pollutions, les mêmes destructions.


Ces faux christs, qui nous entraînent dans le désert, sont là, ce ne sont pas des diablotins, ce ne sont pas des êtres fantomatiques qui pourraient nous faire peur, c’est la réalité de notre quotidien où nous disons ne pas pouvoir faire autrement. Dans cette incapacité à envisager l’autrement, nous oublions l’essentiel, le choix de Dieu, le choix du Christ, le choix de la vie. Nous pourrions ainsi décliner beaucoup d’autres exemples. Ces faux christ ne sont pas seulement dans la sphère religieuse, mais dans la sphère profane, quotidienne de nos existences où nous sommes comme enlisés, entraînés dans une spirale mortifère.


Ce matin, en évoquant ces textes que l’on dit eschatologiques, de la fin des temps, nous sommes profondément questionnés sur nos choix de vie, nos choix existentiels. Quel est le chemin qui est le nôtre ? 


St Paul, dans son épître aux Colossiens, vient nous redire : " Si vous voulez véritablement être en Christ, il vous faut prier ". Prier pour être dans cette sagesse, prier pour être dans cette droiture, non pas une simple droiture morale, mais dans le sens de la capacité à rester dans la verticalité de l’horizontalité de nos choix, verticalité qui fait que nous allons, à un moment donné, dire non à un monde qui pourrait nous entraîner vers l’infrahumain.


Nous prions ce matin pour Raymonde, nous prions avec elle car nous la savons vivante. A travers elle, nous affirmons que ce monde n’est que la préparation du monde de Dieu, du monde de l’au-delà. Ainsi, ce monde d’ici bas est très important, car il est vraiment l’escabeau, le marche pied qui va nous permettre de nous élever. Et comme le dit l’Evangile de ce matin, il nous faut quitter la Judée pour être dans la capacité de nous préparer pour la grande élévation.


La Judée, ce n’est pas un espace géographique, ce n’est pas la Judée que nous pourrions penser au plan géographique, mais dans le texte de Matthieu, c’est l’Eglise. Il nous faut quitter nos églises apparentes, nos religions apparentes, nos certitudes pour être toujours dans cette écoute du Seigneur, pour choisir le vrai chemin, le chemin droit. Il n’y a pas de dogme, de recette toute faite, nous devons toujours être à l’affût de ce que nous dit le Seigneur au travers du souffle de son Esprit.
Aussi, être en Christ, Raymonde, c’est être en vie. Et aujourd’hui, en priant pour vous, ,nous nous rappelons que la prière, c’est cette respiration dans le Seigneur, respiration par la méditation des textes, par cette présence devant l’indicible, par cette manducation des sacrements, dans l’Eucharistie, dans le sacrement de pardon, pour être constamment dans cette jeunesse de notre humanité qui n’en finit pas de se préparer à la rencontre, car la rencontre ce n’est pas seulement la mort physique, mais cette préparation où tout à coup, Seigneur, je te reconnais dans ce visage, dans ce paysage, dans cet événement, dans cette situation, te reconnaître et vivre l’émerveillement, l’étonnement, l’exaltation.


La fin du temps de l’enfermement pour entrer dans le temps nouveau de l’exaltation : tel est le sens profond de ce qui nous est demandé, tel est le sens profond de ce Fils de l’Homme qui va arriver au dessus des nuées, tel est ce Fils de l’Homme qui nous saisit et nous élève. Etre élevé au dessus de nous, c’est être élevé au dessus de nos torpeurs, de nos endormissements, de nos peurs quotidiennes, pour rester dans la joie de l’Evangile, dans l’espérance qui nous a été donnée. Oui, l’Esprit Saint nous est promis, la fin de ce temps pour être dans le temps du Fils de l’Homme en Christ. 


Puissions nous, mes amis, vivre cette orientation et nous serons ce que St Matthieu appelle des élus, des élus de Dieu, c’est à dire des chrétiens, baptisés, qui par leur baptême ne sont pas simplement responsables de leur propre salut, mais qui, par leur baptême et leur vie, dans cette inspiration et dans cette écoute de l’Esprit sont responsables du salut du monde, du salut de toute la création. Oui, la création nous été confiée et, si nous sommes élus, c’est pour entraîner toute cette création vers cette évidence du salut et de ce resplendissement du salut. Alors réveillons-nous et soyons des êtres ouverts, éveillés à l’Esprit par la prière, la méditation et par la vie joyeuse dans les sacrements. Alors notre élection prendra tout son sens, dans le Christ, au-dessus des nuées, emportant tout et maîtrisant les forces maléfiques. 

 Amen.