Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani), dimanche 17 mars 2013 

Recteur de la Paroisse

Lam. 3,  53 - 58

1 Jean 5,  16 - 20

Jean 11,  1 - 44


Oui frères et sœurs, si je vous ai invités en ouvrant cette divine liturgie à prier pour le Saint Père François, c’est qu’à travers lui, toute l’Eglise chrétienne est touchée et invitée à renaître, à dépasser toutes nos morts, tous nos enfermements.

Et de manière étonnante, ce matin, l’Eglise nous propose dans sa liturgie ce texte de la résurrection de Lazare. En réalité, mes amis, si l’Eglise a choisi de placer ce texte, ici, c’est pour nous préparer à entrer la semaine prochaine dans la Semaine Sainte, quand nous allons commencer avec la fête des Rameaux pour ensuite vivre la passion, la mort et la résurrection du Christ. Et ce placement liturgique a un sens profond. Cela veut dire que nous allons être invités à ne pas seulement vivre la Passion, la mort et la Résurrection du Christ comme un évènement qui serait extérieur à nous, que nous regarderions comme quelque chose qui s’est passé il y a 2000 ans ; mais nous devons vivre cet évènement comme notre propre évènement. Car oui, le Christ est mort et est ressuscité, mais nous aussi ! Et telle est la foi de l’Eglise depuis 2000 ans ; nous aussi nous mourrons, mais nous ressusciterons. Et cette résurrection de Lazare est comme le ressaisissement de ce mystère en Jésus-Christ qui nous concerne. Ainsi nous devons méditer ce mystère et nous dire : « Oui Seigneur, comment vais-je ressusciter, mais pas seulement un jour après la mort, mais dès à présent, aujourd’hui  » et donc, suis-je en capacité de reconnaître mes espaces de mort ? Ainsi, cet Evangile nous présente Lazare, l’ami de Béthanie avec Marthe et Marie, l’ami si proche. Et Lazare qui tombe malade aurait dû provoquer chez Jésus, tout à coup cette précipitation. Si tel avait été le cas, on peut dire alors que réellement le Seigneur apparaîtrait comme un thaumaturge, un guérisseur, comme il y en avait beaucoup à l’époque. Or Jésus dit « C’est pour la gloire de Dieu que cela doit advenir ». Et là, nous réalisons à quel point, si nous vivons nos morts, c'est-à-dire tout ce qui en nous, nous blesse (notre incapacité à dépasser nos angoisses, nos peurs, nos anxiétés, nos médisances, nos jalousies, notre esprit de division, de séparation), tout ce que nous avons pu échouer, si nous vivons tout cela comme un appel au Christ, alors oui notre vie devient un chemin d’action de grâce. Lazare devient ce chemin pour faire éclater la gloire de Dieu et manifester le Christ qui va le ressusciter.

Si nous osons regarder nos blessures comme le chemin qui ouvre à l’action de grâce, alors nous sommes déjà en processus de résurrection, nous sommes réellement dans l’acte de foi, pas seulement de dire : « Je crois, je crois.. » comme une espèce de mot qui jaillirait de nos lèvres, mais qui n’a pas de réalité, de prise sur nous. Mais si nous regardons nos existences blessées, froissées, piétinées et en disant « Seigneur, à travers cela tu vas pouvoir te révéler »,  alors oui, je vous le dis, nous sommes dans cet esprit de Pâques qui avance vers nous.

Dans l’Evangile de ce matin, il y a une précision donnée par St Jean et qui pourrait nous étonner. Avant de ressusciter Lazare, Jésus se mit à pleurer. Alors on pourrait se dire : « Mais comment se fait-il qu’Il pleure puisqu’Il sait qu’Il va le ressusciter. »

Quelles sont ces larmes qui coulent ? Et là nous devons comprendre que les larmes de Jésus, ce sont des larmes sur notre manque de foi. Quand Il se met à pleurer, il a vu Marthe et Marie qui lui ont dit « Nous savons qu’avec toi, il ressuscitera et si tu avais été là il serait déjà ressuscité, nous savons qu’il ressuscitera au dernier jour. » Mais lui leur pose la question : «Avez-vous conscience que je suis la Résurrection et la vie ? ». Et ces larmes de Jésus viennent tout à coup nous questionner nous-mêmes. Quand nous disons : « Je crois en la Résurrection, plaçons-nous cette résurrection comme un évènement : un jour peut-être, ou avons-nous conscience que la Résurrection, c’est la personne du Christ et que cette personne, nous y avons accès aujourd’hui au travers du sacrement de l’Eucharistie, de tous les sacrements que délivre l’Eglise, au travers donc de l’Eglise, de notre communauté rassemblée ici, ailleurs. Et que par notre communauté, nous touchons à la corporéité de Celui qui est Présence, qui est Personne de la résurrection et que si je Le touche ici et maintenant, alors ma vie devient un déploiement de résurrection, un déploiement de vie.

C’est exactement ce que disait St Jean dans sa 1ère épître. Nous sommes promis à être arrachés de ce monde. Mais ce monde n’est pas mauvais. Ce qui est mauvais, c’est lorsque le monde ne se pense plus comme un chemin résurrectionnel. Nous-mêmes nous pouvons être du monde non résurrectionnel, si nous plaçons la Résurrection ailleurs, très loin de notre histoire. Car c’est aujourd’hui que je dois ressusciter, renaître, que je suis invité à me relever :  « Lazare, sors du tombeau ! » Oui, sortons de nos tombeaux ! Qu’allons-nous aller chercher dans la semaine Sainte, brandirons-nous simplement des rameaux comme des chrétiens habitués et qui diront : « grâce aux rameaux, j’aurai peut-être une protection sur ma maison » ? Comme des païens, allons-nous aller vers la semaine Sainte simplement par habitude, par habillage culturel en disant : « Nous sommes chrétiens, nous vivons le jeudi et le vendredi saints et la Résurrection . » Comment allons-nous nous laisser toucher par cette Résurrection, dans nos couples, notre famille, notre travail, dans tout ce qui fait les replis de notre histoire ? Oui, ce Ressuscité, Il est là, Il est présent, Il nous questionne, nous appelle. Et la puissance de cette voix qui appelle, elle résonne depuis notre baptême : « Lazare, sors du tombeau ! » Ecoutons notre prénom qui est nommé par le Christ et qui nous dit de sortir de notre tombeau, de sortir de nos peurs, de nos angoisses, de nos visions a priori, de nos jugements. « Sors, ressuscite ! Sois un homme, une femme debout ! Resplendis de ma gloire ! »  Et pour cela apprends à méditer, à prier, à t’exalter, à rendre grâce, à regarder comment ce monde est beau. Et quand bien même nous sommes traversés par des crises économiques, sociales, politiques, culturelles, par des guerres, des violences, le monde est beau si tu sais le regarder pour ce qu’il est. Mais il sera laid si tu t’y enlises comme dans un tombeau. « Sors de ton tombeau, Lazare ! » Puissions-nous, mes amis, faire éclater nos bandelettes, être prêts pour rentrer dans cette Semaine Sainte et regarder, avec le Saint Père François,  cette route qui s’ouvre pour toute l’Eglise, qu’elle soit latine, orthodoxe, protestante, avec la capacité à retrouver dans la pauvreté, non pas l’exaltation de la misère, mais la pauvreté qui est limite et qui appelle l’Infini ; l’exaltation d’une création qui nous est offerte pour devenir fils et filles du Très Haut. Ainsi soyons comme François, demandons-nous les uns aux autres la bénédiction  car nous sommes tous prêtres, tous en tant qu’enfants de Dieu, prêtres du Christ, pour faire communiquer la terre avec le ciel, le ciel avec la terre et ainsi entrer dans cette communication avec Celui qui nous dit : « Je suis la Résurrection et la Vie » Ô mon Seigneur, puisses-tu me saisir et faire de moi la Terre, Promise depuis la nuit des temps !   

Amen.