Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani) - ASCENSION - jeudi 25 mai 2017


Ac1, 12-14 

Ep 1, 17-23 

Mt 28, 16-20


Ascension du Seigneur


Avec le mystère de le Résurrection, celui de l’Ascension est une réalité. Il pose problème dans notre monde de la modernité dans ce 21ième siècle. Et souvent lorsque nous parlons de l’Ascension, nos contemporains nous disent « quel mythe ! » oui, quel mythe pour que vous Chrétiens vous puissiez encore croire à ces fadaises ; un dieu qui s’évaporerait, un dieu qui s’élèverait vers un ciel qui quelque part n’existe pas, mais n’est qu’une imagerie. 


Alors que si nous reprenons les textes de ce matin, mes amis, ils sont un enseignement éblouissant et très riche.
Il y a d’abord ce passage des Actes des Apôtres qui commence par cette expression, (on pourrait penser que Luc, puisque c’est celui qui écrit ces Actes des Apôtres, qui en est l’auteur) qu’il écrit à un ami, Théophile. En réalité mes amis, ce Théophile, c’est chacun d’entre nous parce que nous devons nous rappeler que Théophile, cela veut dire « l’aimant de Dieu » ; parce que Théo /théos=Dieu et phile /filia c’est l’amour-amitié ; l’aimant de Dieu. Et d’emblé, nous sommes dans cette grande question : Sommes-nous des Théophile ? Sommes-nous des aimants de Dieu ? et derrière cette question c’est, quel est notre désir de Dieu ? car avant même de partir dans un grand débat, pour voir si Dieu a pu s’évaporer comme cela, avons-nous le désir de Dieu ? Et derrière cette question c’est : Quel est notre désir de l’absolu ? Notre vie, pour nous se résume-t-elle entre la naissance et la mort ? notre vie se résume-t-elle dans des questions de contingences matérielles ? ou est-elle ordonnée à un au-delà, à un plus, à un plus grand ? Sommes-nous des Théophile ? 


Cette question pour entrer dans la fête de l’Ascension est essentielle. Et si nous ne prenons pas cette question à bras le corps, alors nous resterons extérieurs de ce mystère et nous pourrons toujours ergoter sur des débats philosophiques ou théologiques sans fin, mais sans être saisis au niveau de notre conscience, de notre âme, de notre esprit pour entendre que ce mystère de l’Ascension c’est vraiment un appel à être nous-même arrachés de cette condition apparente de l’histoire, pour vivre avec hauteur, avec perspective notre chemin existentiel.


Ensuite, toujours dans ce passage des Actes des Apôtres, Jésus, promet quelque chose d’extraordinaire, puisqu’il nous dit que Jean a baptisé dans l’eau, et par ce baptême, il signifiait que c’est le rapport au Divin ; c’est un rapport de purification, de transformation. Et désormais, il nous propose autre chose, il nous propose un baptême dans l’Esprit Saint. 


Toute les religions nous parlent de ce baptême de Jean, sans pour autant baptiser. Mais la symbolique du baptême de Jean quelle est-elle ? C’est de proposer dans le rapport au Divin, une espèce de rapport à la morale ; aller vers un mieux, aller vers une sorte d’élan qui ferait que nous serions dans une progression de nous-mêmes, ce qui est déjà très important. Et pour autant, Jésus nous propose quelque chose de différent, de radicalement différent. Il ne nous propose pas simplement le baptême de l’eau de Jean, autrement-dit, nous présenter le baptême comme une purification, mais il nous annonce que nous serons baptisés dans le Souffle de l’Esprit Saint ; autrement dit, que nous allons vivre une totale recréation, au point qu’il ne s’agira pas simplement d’être dans une morale pour aller vers un bien par rapport à un mal, mais qu’il s’agira pour nous réellement de vivre une déification c’est-à-dire de quitter notre état terrestre, de quitter notre état contingent pour vivre la dimension la plus haute : devenir comme des Dieux, se laisser investir de Dieu. C’est cela que nous allons proclamer à la fête de la Pentecôte et c’est cela qu’annonce Jésus dans ce passage des Actes des Apôtres : « Vous allez recevoir le St Esprit, autrement dit, vous ne serez plus là à regarder vers le ciel, à espérer vers le ciel, mais vous allez devenir participants de ce ciel. D’où ces paroles étranges de ces deux hommes qui sont en réalité comme des expressions d’anges, autrement dit des manifestations du Divin : théophanie, et qui disent : « qu’avec-vous là, à regarder vers le ciel, celui qui est parti vers le ciel reviendra » ; autrement dit, ces anges, ces hommes vêtus de blanc sont en train de nous annoncer, n’espérez pas vers le ciel, désormais le ciel va être investi en vous.


Et donc cette fête de l’Ascension c’est réellement la préparation de la venue de l’Esprit Saint en nous.
Et alors, arrive l’Evangile le Matthieu, où Jésus va disparaître non seulement aux yeux de ses apôtres, mais au paravent va dire « Désormais je vous envoie en mission jusqu’aux extrémités de la terre et vous ne serez jamais seul parce que je suis avec vous jusqu’à la fin des temps ». Et là, nous pouvons vivre alors, une espérance extraordinaire, c’est que non seulement nous sommes des Théophile, non seulement nous savons que nous allons recevoir ce St Esprit, mais nous sommes dans un compagnonnage. Celui qui a été terrestrement parlant, historiquement parlant, mondialement parlant, présent ; auprès de nous, dans l’incarnation, il s’élève vers le ciel ; et donc il fait cette fonction entre le monde invisible et le monde visible. Par là, il nous fait comprendre que désormais nous sommes dans un compagnonnage qui nous permet de réaliser ce passage incessant entre le monde de l’ici-bas et le monde de l’haut-delà.


Mais il y a encore plus grand ; il y a encore plus grand car dans l’Epitre aux Philippiens, St Paul va nous annoncer quelque chose d’inouï, ; et il nous dit. « Ce Jésus Christ, il est la tête de l’Eglise ». Mais l’accomplissement total du Christ ce n’est pas simplement Jésus, l’accomplissement du Christ, c’est l’Eglise. C’est son corps. Autrement dit c’est l’engagement de chacun de nous, c’est la participation de chacun de nous. Et là, nous entendons tout à coup, que cette fête de l’Ascension, ce n’est pas un dieu qui s’évaporerait comme cela dans le ciel, mais c’est un dieu qui nous oblige à ne plus le réduire à une appréhension au travers de traits du visage d’un homme, d’un lieu, d’une culture, mais c’est un Dieu qui à partir de ce pointage qui s’est produit il y a 2 000 ans vient embrasser tous les visages, embrasser toutes les cultures, embrasser toutes les réalités et s’inscrire au cœur de toutes ces réalités pour dire :« Je suis le Christ » en mettant Christ en chacun de vous, Christ par chacun de vous, Christ pour chacun de vous . Et là, nous entendons à quel point il y a comme une corrélation intime, entre le fait de dire « je crois au Christ »et être envoyé en mission, non pas pour planter une religion quelconque comme il en existe tant, mais pour être envoyé en mission pour faire advenir ce Christ, ce Christ en moi, ce Christ en toi, mon frère, ma sœur, ce Christ les uns par les autres, ce Christ qui vient brasser, qui vient nous travailler, qui fait éclore le monde nouveau, l’humanité nouvelle, cette dimension haute de la vie, par laquelle nous saisissons à quel point nous sommes faits pour les hauteurs . Alors oui, soyons des Théophile, soyons des aimants de Dieu, mais en entendant que le retirement de Jésus en tant qu’expression visible est une présence qui vient imprégner tous les replis de l’histoire ; est une présence qui vient imprégner tous les replis de nos généalogies, est une présence qui vient imprégner toutes les cellules de nos corporéités physiques, mentales, morales, spirituelles, pour tout à coup nous ouvrir à la dimension du Père. Là réellement, nous devenons Bonne Nouvelle ; là réellement nous serons témoins du Très-haut car le témoignage que nous avons apporté n’est pas une revendication d’une divinité parmi d’autres, mais c’est vraiment l’expérience d’un divin qui fait nos histoires et qui fait l’Histoire.
Bonne fête de l’Ascension, et puissions-nous être à la hauteur de cette vocation à être des Théophile dans le souffle de l’Esprit qui nous sera renouvelé le jour de Pentecôte ; alors l’espérance nous habitera car jusqu’aux extrémités de nos terres intérieures et extérieures le Seigneur nous dit : « Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps » Amen !