Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani) - dimanche 23 novembre 2014


2ème dimanche de l’Avent

Jr 31, 31-33
Rm 8, 1-6
Mt 3, 1-12


Mes amis, ce deuxième dimanche du temps de l’Avent est axé sur le thème profond de la conversion. Se convertir.


Pour se replacer dans ce thème de la conversion, il nous faut repartir de l’Epître de St Paul aux Romains. Comment allons-nous envisager le rapport entre la loi et la foi ?


St Paul nous parle de l’esprit de la chair et de l’Esprit Saint, la loi et la foi.


Il ne s’agit pas simplement d’avoir, sur ce texte de Paul, un regard en terme de chair, comme s’il s’agissait seulement de question de corps ou de sexualité, mais il vient nous interroger sur notre façon de vivre la foi. Est-elle intérieure ou extérieure ? L’extériorité de la foi est d’être toujours dans un émotionnel, dans un sentiment, dans une émotion qui fait qu’on va avoir l’imagination qui se met en marche et qui nous fait dire ce que nous ressentons.


Dans cette extériorité, nous allons prendre les événements comme étant antinomiques à ce que le Seigneur nous demande, nous fait vivre, et nous serons toujours dans une sorte de conflit en regardant notre vie comme étant abîmée, secouée par une réalité qui ne correspond pas à ce que nous recherchons.


Le rapport entre l’esprit de la chair et l’Esprit Saint, c’est d’être dans une foi qui est toujours d’émotion, l’émotion du Seigneur.
Or, St Paul nous dit qu’il nous faut être dans l’Esprit Saint. 


L’Evangile de Matthieu nous fait réentendre les paroles de Jean le Baptiste : vient celui qui ne nous baptisera plus dans de l’eau, mais dans le feu, dans l’Esprit Saint. 


L ‘eau, c’est la symbolique de la psyché humaine. Nous avons besoin de l’eau. En venant au monde, nous sommes portés dans le ventre de notre mère et nous sommes dans l’eau. L’eau, c’est la symbolique qui nous ramène au principe de la vie, au principe du Vivant. Mais ce n’est pas suffisant pour entrer dans la communication avec le Divin. Celui qui nous dit, " voici arrivé celui qui va nous baptiser dans l’Esprit Saint," Jean, nous annonce donc que le Christ est Celui qui vient et nous ouvre le souffle de Dieu, un souffle qui vient brûler en nous toutes les scories et qui va nous inspirer, nous conduire, nous mettre en mouvement et nous ne serons plus alors dans une émotion, dans un ressenti, mais dans une habitation. Car être du Christ, être baptisé dans l’Esprit du Christ, c’est être baptisé dans ce feu puissant qui fait que ce n’est plus moi qui vit, mais le Christ qui vit en moi.


Quand le prophète Jérémie nous annonce une nouvelle alliance où Dieu dit, par son prophète : " vous serez mon peuple, je serai votre Dieu," Il ne nous dit pas autre chose. Sortez de vos extériorités, ne soyez pas dans une foi qui n’est que le prolongement de vos attentes, mais que votre attente devienne l’espérance de Celui qui va vous investir, vous habiter. La préparation à Noël n’est pas autre chose que de devenir la crèche vivante, ce lieu où va naître le Christ en nous. Ce temps de l’Avent est alors véritablement pour nous la grande question : comment sommes-nous habités du Seigneur ? Comment sommes-nous investis de ce Seigneur ? Comment sommes-nous pétris de sa présence ? Ce temps liturgique est un temps privilégié où il nous faut réentendre cela. Quand Jean Baptiste va dire : arrêtez de vous référer à Abraham, car le Seigneur, de ces pierres, peut faire des enfants d’Abraham ; il nous dit : arrêtez de vous dire chrétiens, que vous avez la foi, que vous avez l’émotion qui vous fait sentir le Seigneur, car il ne s’agit pas de cela, il s’agit d’accueillir Celui qui vient nous retourner, nous saisir, nous travailler. Pour cela, il nous faut implorer l’Esprit, le demander, le prier. 


En ce deuxième dimanche du temps de l’Avent, posons-nous cette question : quelle est notre prière à l’Esprit Saint, à ce souffle divin qui nous vient du Père et que le Seigneur nous transmet ? Quelle est notre prière à l’Esprit pour faire en sorte que ce ne soit plus nous qui parlions, mais Lui qui parle par nous : au travers du couple, de la famille, du travail, de nos relations les plus diverses ? Pour prendre la dernière place et laisser la première place à l’Esprit Saint, encore faut-il en avoir la conscience, le désirer, l’appeler, l’implorer, le prier. 


Dès lors, notre prière doit être colorée par ce désir, pas un simple désir de Dieu, du Christ, mais un désir de Dieu en Christ, par l’appel en nous de l’Esprit. Ô Esprit Saint viens m’embraser, que je puisse avoir un regard autre, nouveau, sur tout ce qui m’est donné de vivre et que je puisse découvrir cette parole du prophète Jérémie, vous serez mon peuple, je serai votre Dieu, autrement dit l’alliance nouvelle est renouvelée parce que j’entre autrement dans mon existence. Autrement, ce matin je me lève, autrement, je vais à mon travail, autrement, j’approche l’être aimé, autrement, j’approche mon voisin et ne pas dire à priori : elle est comme ceci, il est comme cela. Parce que, si nous sommes toujours dans ces postures, nous ne sommes pas du Christ dans le feu de l’Esprit, mais des croyants de l’eau, c’est-à-dire de la surface, de la psyché, des émotions, et nous allons continuer à nous invectiver les uns les autres, à nous lancer des à priori, je sais à priori ce que tu es, je sais à priori ce que tu penses. Mais comment va pouvoir fleurir le couple, notre communauté, si nous sommes toujours dans des à priori les uns sur les autres ? La conversion est d’entrer dans cette jeunesse de la vie. Tout recommence, tout refleurit, tout est possible, le feu de l’Esprit est de brûler en nous l’homme ancien, l’être ancien pour rentrer dans cette jeunesse dans le Divin. Me voici Seigneur.


Ainsi ce baptême dans l’Esprit, dont nous parle Jean, c’est véritablement notre recommencement de vie. Nous sentons à quel point ce dimanche de l’Avent, porté par la prière de Jean le Baptiste, est une préfiguration de ce que nous vivrons à Pâques, mais tout est relié et que nous ne pouvons pas vivre comme des ressuscités si nous ne sommes pas dans ce temps de l’Avent pour nous préparer à Celui qui vient naître en nous.


Alors, que cette Noël qui s’approche soit pour nous, véritablement, ce chemin qui se creuse en nous. Je prends la dernière place pour te laisser la place, Seigneur. Te laisser la place, cela veut dire que, dans ma prière, je t’implore, Ô Souffle Divin. Dans cette Eucharistie, je sais que c’est Toi qui m’es donné. Dans la méditation de l’Ecriture, je sais que l’interprétation qui va me venir, vient de toi. Dans tout cela, que j’apprenne à entendre, à regarder, à sentir que tous les événements vécus autour de nous sont les événements qui viennent poser la question : Aujourd’hui comment te situes-tu dans ta foi ?

 
Si nous portons ainsi la question, nous ne serons pas des enfants d’Abraham, d’une foi passagère, mais des enfants d’Abraham qui auront quitté leur vieux pays, leurs vieux parents, c’est-à-dire tous les enfermements intérieurs, pour naître au pays de Dieu où coulent le lait et le miel, c’est-à-dire la vie en plénitude. Amen