Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani) - VIGILE PASCALE - 15 avril 2017

Gn1, 1-2,2 

Rm6,, 3b-11 

Mt 28, 1-10


Vigile Pascale 


Les enfants qui courent autour, c’est la vie, c’est beau, mais ça nous rappelle aussi que nous sommes invités à courir dans nos existences … à courir. 


Cependant mes amis, parfois nous courrons et nous ne savons plus après quoi nous courrons. Nous sommes comme emportés par le flot de l’existence et les situations se présentent, les évènements arrivent. Nous sommes étonnés, surpris, nous répondons ; mais nous répondons à quoi ? Alors, nous disons : « j’ai la foi, je crois en Dieu ». Oui, mais ce Dieu devient une sorte de représentation que nous nous plaçons pour nous rassurer. Mais est-ce cela vraiment la foi ? Est-ce vraiment le sens de la résurrection que nous proclamons cette nuit, dans cette nuit de Pâque ? 


Cette année mes amis, nous avons un signe extraordinaire : Cette année est particulière ; les Chrétiens Orthodoxes ; les Chrétiens Catholiques romains, les Chrétiens protestants, tous les Chrétiens célèbrent cette nuit la Pâque. Vous savez que ce n’est pas toutes les années, vous savez puisque suivant les calculs du calendrier Julien ou grégorien on n’a pas la même réflexion sur le placement des planètes donc on n’a pas toujours la même datation pour Pâque. Et cette année, nous sommes tous sur la même date, comme un signe et un signe qui vient rappeler à ce monde tellement en danger, avec des risques de guerre qui se profilent, tellement en danger avec des êtres qui meurent sur la mer, parce qu’ils fuient la misère, tellement en danger parce qu’il y a ces exclusions un peu partout, que ce signe vient comme nous bousculer, comme bouscule souvent le Pape François qui vient bousculer pour dire : « Oh ! Homme où es-tu ? » Oui, où sommes-nous dans nos existences mes amis ?


Et là nous avons entendu cette première lecture que Matthieu nous a proclamée, la lecture de la création : Premier jour, deuxième jour, troisième jour, quatrième, cinquième sixième jour pour arriver au shabbat. Cette création mes amis, bien sûr, c’est une parole symbolique qui vient dire que Dieu est créateur. Mais cette lecture symbolique nous dit aussi la création de nous-mêmes.


Nous ne nous sommes pas faits à notre naissance. Nous ne nous sommes pas faits à notre enfance. Nous ne nous sommes pas faits dans notre vie adulte. Nous ne nous sommes pas faits dans notre vie de vieillard, nous sommes toujours à faire ; et ce déploiement de la création dans les six jours pour arriver au shabbat , c’est une manière de dire que comme se déploie la création depuis la nuit des temps, chacune de nos histoire dans sa singularité est un déploiement, et donc, nous ne pouvons jamais désespérer parce que la résurrection est en marche, parce que ce septième jour, ce shabbat nous le portons, les un les autres, au plus secret de nos cellules, au plus secret de nos histoires, au plus secret de nos passions, nous portons le goût du shabbat, le goût de l’accomplissement, le goût de cette Résurrection qui est à venir, qui est en marche mais qui n’est pas complètement accomplie, sinon en hiéschoua, Jésus le Christ qui nous présente cet accomplissement , et vers lequel nous montons inexorablement collectivement avec toute la création qui aspire à son achèvement comme nous le disait St Paul, et en même temps individuellement, singulièrement oui, nous montons vers ce temps du shabbat .


Ensuite, nous avons entendu le livre de l’Exode qui parle de ce passage de la mer rouge à pieds secs, qui permet la libération de la servitude pour aller vers la terre promise. Qui d’entres-nous n’a pas vécu des enfermements ? Qui d’entres-nous n’a pas vécu des servitudes ? Qui d’entres-nous n’a pas vécu des aliénations ? Nous sommes des êtres aliénés ! On se laisse aliéner parfois par une pulsion ; une pulsion affective, une pulsion sexuelle. On se laisse parfois aliéner, enfermer par le goût de l’argent, par le besoin du pouvoir. On se laisse aliéner par cette folie qui nous laisserait croire que le matériel de la tablette, le téléphone, de tout ce qui nous environne serait le bonheur. Voici nos servitudes, voici l’Egypte. L’Egypte, ce n’est pas un vieux conte raconter il y a près de 5 000 ans ; l’Egypte c’est chacune, chacun de nous ! Nous vivons cette Egypte et nous tendons vers une terre promise ; mais une terre que nous connaissons si mal. Une terre que nous espérons , mais une terre que nous voyons toujours très loin, et les briques qui étaient fabriquées du temps de Pharaon, nous les portons tellement en nous que à nouveau ce peuple a construit le veau d’or, parce que, en nous, nous avons à nouveau construit les veaux d’or dans l’histoire de l’humanité, parce que en nous, il y a toujours cette tentation de dire : « Ah du temps de l’Egypte, peut-être que nous étions en prison, mais nous avions les viandes grasses , et nous disions dans les temps de dessert, dans les temps où il nous faut traverser, où nous ne savons pas trop où nous mène cette terre promise, mais si Dieu existait, cela ne serait pas. Si Dieu existait il ne nous protègerait. Si Dieu existait, il nous donnerait ce dont nous avons besoin. Nous doutons ! Et la terre promise apparaît tout à coup dans l’enfant qui nous est donné ; apparaît tout à coup dans un projet qui réussit : apparaît tout à coup dans un couple qui va vivre l’Amour ; apparaît tout à coup dans un vieillard qui ferme les yeux dans la paix. Tout ceci nous paraît normal, naturel. Là, nous oublions presque Dieu en disant « c’est normal ». C’est au temps de la famine que nous crions, mais au temps de la fécondité, nous sommes comme repus. Et bien ce passage nous rappelle, et bien que oui, nous pouvons nous déployer comme la création s’est déployée en sept jours. Mais pour se déployer, il faut quitter ; quitter les esclavages anciens, et ainsi cette nuit de Pâque, c’est une anamnèse, une façon de se remémorer. Nous avons tellement de choses à quitter qui nous empêchent d’être libres pour aller, allez de l’avant et vivre le renouveau, l’altérité, l’autrement, la résurrection en arche.


Ce livre de l’exode nous parle d’une liberté, mais il n’y a pas de liberté sans choix.
Dans la première lecture, Dieu nous posait la question : Où es-tu ? Dans la deuxième il nous dit : Que choisis-tu ?
Arrive alors cette troisième lecture que nous avons entendue après Magdeleine qui nous avait proclamé la deuxième, voici que Claudine est venue nous parler de ce prophète Isaïe.


Le prophète Isaïe nous dit quelque chose d’étonnant ; il nous dit : « La Parole de Dieu, ce n’est pas un vieux parchemin. La Parole de Dieu ce n’est pas la Bible, la thora, le Coran ; la Parole de Dieu c’est une parole vivante : une parole qui descend, qui descend du ciel ; le ciel n’existe pas, c’est une image ? Qui descend du ciel cela veut dire qui vient de notre cœur, qui vient de notre conscience, qui vient de notre esprit et une parole qui vient dans notre esprit, dans notre cœur, dans notre conscience mais qui vient d’ailleurs ; une Parole qui vient pour féconder la terre asséchée qui est la notre. Cette Parole, le prophète Isaïe lorsqu’il en parle, n’a pas encore les mots de St Jean qui nous dira : « au commencement était la Parole, au commencement était le Verbe, au commencement était le logos ». Mais nous sentons bien dans cette prophétie d’Isaïe que lorsqu’il nous parle de cette parole qui vient féconder le monde, féconder la terre, c’est bien du Christ dont il est question ; c’est bien de la Parole dont il est question ; une parole qui permet la Vie. Et lorsque nous célébrons la Résurrection du Seigneur, nous célébrons cette Parole qui vient casser tous les schémas d’enfermements, tous les schémas mortifères pour faire de nous des vivants ; parce que le schéma mortifère mes amis, c’est quand je dis ; « je ne te supporte plus…, c’est lorsque je dis : « tu as menti, tu es menteur », c’est lorsque je dis : « tu as volé, tu es voleur » mais que je ne donne plus un avenir à l’autre.


La Parole vivante, c’est celle qui vient appeler le meilleur en moi ; oui tu as menti, oui tu as volé, oui tu t’es trompé mais tu es plus grand que cela. Et la parole qui appelle, c’est cette Parole vivante qui dit : « aller, quitte tes vieux oripeaux, aller, quitte ces mensonges, aller quitte tout cela parce que cela n’est que l’objectivation de tes peurs ; et ces filtres si tu les quittes, tu seras libre mon fils.
Ainsi dans cette troisième lecture, nous avons entendu Dieu qui nous dit : « Que fais-tu de ma Parole ?
Après nous avoir dit : « Où es-tu homme ?
Après nous avoir dit : « Que choisis-tu homme ? » Il nous dit : « Que fais-tu de la Parole ? » nous l’entendons comme : « Es-tu capable de méditer ? » ; « es-tu capable de prier ? » ; es-tu capable de t’arrêter dans l’horizontalité de ton histoire pour te laisser transpercer par cette verticalité de la Parole qui te dit : » tu es fait pour la vie car moi je suis le Vivant, moi qui t’appelle Dieu ».


Et puis, nous avons entendu Ezéchiel, au travers d’Arlette qui nous a rappelé que bien sur je ne peux pas répondre à Dieu, je ne peux pas choisir Dieu, je ne peux pas me mettre en prière, si je ne me laisse pas habiter. C’est tout le thème de l’habitation car Ezéchiel vient nous parler de ce cœur nouveau ; ce cœur nouveau cela veut dire , une chair qui est retravaillée, qui est retravaillée par le Souffle parce que le Christ ressuscité, il nous a été révélé il y a 2000 ans, en hiéchoua ; mais le Christ ressuscité , il y est depuis les commencements du monde, le Christ ressuscité, il est jusqu’à la fin des mondes, il est manifesté pleinement en hièchoua, en Jésus qui a vécu l’incarnation, qui a vécu la mort, et qui s’est relevé d’entre les morts, qui est ressuscité. Cette résurrection, elle est en marche depuis le commencement et jusqu’à la fin des temps ; elle est l‘alpha et l’oméga, autrement dit : cette résurrection mes amis, c’est le Souffle, c’est le Souffle qui vient du Père. Et Ezéchiel ne nous parle pas d’autre chose ; que du Souffle, c’est-à-dire de l’Esprit Saint. Comment pourrions-nous nous mettre à répondre à Dieu, à choisir Dieu, à prier Dieu, si nous n’étions pas habités, transpercés, traversés, animés par le Souffle ? Que faisons-nous du Souffle ? Ce Souffle qui fait que dans le pain et dans le vin que nous allons partager, il n’y a pas que le pain et le vin, mais il y a la réalité du Ressuscité qui fait que je vais recevoir le Corps et le Sang du Christ. Ce Souffle qui fait que oui, ce soir nous sommes rassemblés, et nous savons que nous mourrons un jour. Que nos corps que nous travaillons tellement dans l’esthétique plastique ; ces corps pourriront dans les tombeaux. Mais ce Souffle fait que, au-delà de la mortalité de nos corps, nous sommes faits pour la Vie ; et non seulement qu’un jour nous ressusciterons totalement mais que la vie qui est dans nos corps elle, ne s’éteindra jamais. Et cette vie là, c’est le Souffle, le Souffle de Dieu, l’Ahouar en hébreux, le pneuma en grec, le Souffle Divin, le Saint Esprit. Voici tout ce déploiement qui nous a été donné jusqu’alors, par cet Epitre que notre cher ami, Père Daniel nous a proclamé avec tant de foi, avec tant de fougue, avec tant de passion ; St Paul qui nous rappelle ce mystère du Christ ressuscité. Une résurrection, mes amis qui l’Evangile de Jean prend des accents tout à fait étonnants parce que nous, nous voudrions des récits extraordinaires, parce que nous, nous aurions voulu avoir un texte qui nous dit « Il était là, étincelant, brillant ! » hors le texte nous parle de deux témoins. Témoins qui ont accompagné yéchoua pendant trois ans dans son ministère public, témoins qui tout à coup entendent de la part de femmes qu’il ne serait plus là, qu’il serait peut-être ressuscité. Témoins qui sont tout troublés, témoins qui entrent dans le tombeau, témoins qui ne voient que le vide, ; témoins qui diront devant ce vide : oui, nous nous rappelons qu’il nous avait annoncé cette résurrection, et nous le croyons : Il est ressuscité !


Là alors mes amis, nous entendons profondément que si le livre, le livre de la Genèse nous parlait de notre propre création, si le livre de l’Exode nous parlait de notre propre libération, que si le livre d’Isaïe nous parlait fondamentalement de cette Parole qui nous saisie, que si Ezéchiel nous parlait du Souffle qui nous anime, que si St Paul, nous annonçait ce mystère de la Résurrection, cela veut dire que nos existences ne sont plus des lieux vides , que nos existences ne sont plus des lieux absents, mais que nos existences, au delà du vide sont des lieux habités, des lieux résurrectionnels. Mais vous l’avez entendu dans l’Evangile, pour que ce lieu soit vraiment habité, il a fallu que la pierre du tombeau soit roulée. Alors pour les jeunes, la pierre du tombeau cela ne veut rien dire … Moi qui commence à vieillir j’ai connu dans mon enfance ces grosses roues en pierre qui permettaient de broyer le grain et faire le blé. Ces grosses pierres servaient autrefois en Palestine pour fermer les tombeaux. Ces grosses pierres sont la manifestation, la symbolisation de toutes les pierres que nous mettons sur nos chemins, parce que quand j’ai peur, j’ai peur de l’autre, quand j’ai peur de moi-même, je mets des pierres. Quand je parle des frontières, pour me protéger je mets des pierres ; quand je dis que l’étranger est vraiment quelqu’un qui me met en danger, je mets des pierres. Quand je parle en termes toujours de rupture, de se laisser séparer par la haine, par la peur, je mets des pierres. Et ces pierres là, si nous voulons vivre la résurrection, il faut les faire rouler. Alors, en cette nuit de Pâque, si vraiment nous voulons chanter Christ est ressuscité, demandons la grâce de l’Esprit Saint, demandons la grâce de la Parole Divine, d’être sur le chemin de l’exode d’être dans la recréation, et pour cela, par le Saint Esprit de faire rouler toutes nos pierres pour devenir des tombeaux vides, vides de la haine du monde, mais rempli de l’amour de Dieu. Alors je vous le dis, nous ne serons plus des corps mortels, nous ne serons plus des tombeaux vides, nous serons des êtres résurrectionnels en marche vers la Résurrection.


Prions pour cela, proclamons une dernière fois : Christ est ressuscité, en vérité il est ressuscité !