Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani) - samedi 29 novembre 2014


3ème dimanche de l’Avent

Dn 7, 13 à 14
Rm 15, 8-13
Mt 24, 42-51


Je me souviens qu’il y a quelques années, nous chantions un cantique qui disait « C’est Noël tous les jours ». C’est ce que nous disent les textes de ce troisième dimanche du temps de l’Avent. 


Autrement dit, quelle est notre attente de la venue du Seigneur ?


C’est ce que Jésus nous dit dans l’Evangile de ce soir : Veillez et priez, soyez réellement dans cette attente qui consiste, non pas à être passifs, mais à être dans une espérance, une certitude, la certitude que le Christ est déjà venu, qu’il a déjà tout accompli, mais qu’il va revenir.


Quel est le sens de ce retour du Christ ? Quel est le sens véritable de la parousie, le retour définitif ? Chaque fois que nous célébrons une liturgie et quand nous entrons dans des temps liturgiques, comme ceux de l’Avent, de Noël, nous ne sommes pas simplement dans une sorte d’anniversaire, nous préparant à fêter Noël un 25 décembre, comme si on se rappelait que le Seigneur est né il y a près de 2000 ans. C’est quelque chose de plus profond, nous faisons mémoire de ce qui a été et de ce que nous sommes ici, maintenant. Nous faisons donc mémoire de ce Seigneur, autrement dit, de ce Dieu qui a pris notre condition d’homme, qui s’est incarné, qui a vécu notre histoire, notre réalité ,nos peurs, nos doutes et qui est allé jusque dans l’événement de la mort pour ressusciter. Cette mémoire nous fait nous rappeler, elle nous place dans une contemplation de ce qui nous habite et nous permet d’affirmer ce qui doit advenir.


Lorsque nous célébrons des temps liturgiques comme celui de l’Avent, nous ne sommes pas simplement dans une attente de la venue du Seigneur comme s’il n’était jamais venu ; il est déjà venu, mais nous creusons cette réalité de la venue du Seigneur qui ne cesse de cogner à la porte de notre cœur, qui ne cesse de cogner à la porte de notre âme, qui ne cesse de cogner à la porte de notre vie.


La question de ce soir est quel est le sens de cette venue ? Le Seigneur est venu dans la nuit de Noël simplement. Si nous étions dans une telle attente nous serions des enfants, des nains de la foi, mais ce n’est pas cela. Ce temps vient profondément nous interroger sur la qualité du regard que nous portons, les uns les autres, sur nos existences.


Le passage du Livre de Daniel peut nous paraître éthéré, le Fils de l’Homme qui vient dans les nuées En réalité, ce texte poétique est d’une profondeur qui vient éclairer notre cheminement. Quelques versets plus haut, le prophète Daniel parlait des monstres, de ces animaux terribles ; on peut se dire que c’est de l’imagerie, mais ces monstres c’est notre monde, toutes ces idéologies que nous trimbalons au travers du nihilisme, du matérialisme, de ces fausses idées qui nous feraient croire que tout se joue ici bas. Voilà les monstres avec lesquels nous nous battons, des monstres qui nous tirent vers le bas. Les textes bibliques nous disent toujours que les monstres sont dans le bas des eaux. Ils nous ramènent à l’adama, tirés vers la terre. Or Daniel nous dit « Voici que le Fils de l’Homme va apparaître sur des nuées. La nuée, c’est l’évocation symbolique de la venue de Dieu. Le Fils de l’homme est à la fois celui qui est dans les épousailles avec ce monde qui se bat et se débat avec ces monstres, avec tout ce qui fait notre quotidien : l’économie difficile, le chômage pour certains, la violence de partout, les guerres, les injustices, les indignités, la maladie, le vieillissement, la mort. Et ce Fils de l’Homme qui vient dans les nuées est celui qui élève vers le Divin.


Nous retrouvons alors ce Christ, celui qui, dans les épousailles avec ce monde difficile, nous hausse à partir de cette incarnation vers cette dimension d’éternité, de plénitude, ce que nous appelons le monde divin. Voici que la venue du Fils de l’Homme est la venue de celui qui va mettre en communication. Ce monde pourrait sembler perdu, sans histoire, ayant perdu le sens et, tout à coup ce monde trouve le sens, la compréhension parce qu’il est élevé au-dessus de lui-même et renvoyé à la vérité profonde : voici pourquoi tu es fait.


Ainsi ce temps liturgique est vraiment le temps de l’attente, de l’espérance, de ce moment où nous ne sommes plus dans une séparation entre ce qui serait épouvantable et ce qui serait merveilleux, mais le merveilleux vient épouser l’épouvantable. Il n’y a plus rien d’épouvantable, pas même la mort, car nous sommes ainsi entrés dans cette plénitude de la vie.


Aussi lorsque le Seigneur va nous dire : veillez et priez, Il vient nous dire que le retour du Christ, que vous attendez en ma Personne, se réalise quand vous ne restez pas au niveau des monstres, c’est-à-dire au niveau de ces bêtes immondes qui animent le monde et qui pourraient vous faire croire que tout se joue ici-bas. Mais le Fils de l’Homme, pour vous, est une réalité. Le Christ vient naître en vous, c’est le temps de Noël pour vous quand vous êtes capables de vous élever au-dessus et, comme le Fils de l’Homme, d’être sur la nuée, c’est-à-dire voir haut, voir loin, autrement. Mais qu’est ce que la nuée ? C’est être ce Christ, prince de la paix, comme on le dira dans la nuit de Noël, autrement dit capable de rétablir les chemins qui semblaient obstrués, dans le couple, la famille, les amitiés, dans le travail, les activités, relations dans ce monde où, au moment où tout semble vaciller, être capables de dire : le monde peut être autrement. Et dans ce moment, s’élever pour dire : ne nous laissons pas aller au désespoir, car nous sommes faits pour la vie. Au moment où nous dirons cela, nous ne serons pas prétentieux de nous-mêmes, mais nous respirerons ce souffle divin qui nous est donné et nous serons comme élevés au-dessus de nous ; et comme la prophétie de Daniel, alors dans la nuée, nous regarderons haut notre histoire, avec le conjoint, avec le fils et la fille, l’ami et nous regarderons hauts ces moments où nous aurions pu basculer parce que nous n’arrivions plus à nous comprendre, à nous entendre et, élevés au dessus de nous, nous dirons alors, oui la paix est possible, shalom la réconciliation est possible, shalom tout est possible, nous pouvons remettre ce monde en mouvement. 


Ainsi, quand St Paul, dans son épître aux Romains, nous dit que ce Fils de l’Homme est venu pour le peuple des circoncis et pour le peuple des païens, il nous dit que désormais nous sommes faits pour cette plénitude, car, nous le savons, le peuple des circoncis c’est le premier testament, c’est le premier appel que nous avons reçu, c’est ce temps de Noël, il y a deux mille ans, c’est cette première venue du Seigneur. Mais ce peuple des païens, c’est le peuple nouveau. Lorsque Paul nous parle de ce peuple, n’entendons pas simplement ces nouveaux convertis vers lesquels il faudrait aller, car nous devons être, nous-mêmes, des nouveaux convertis. Nous sommes à la fois les premiers convertis, ceux qui avons reçu la foi, et nous sommes les nouveaux convertis, ceux qui doivent à nouveau se réveiller et être dans cet accueil nouveau aujourd’hui, parce que c’est aujourd’hui qu’Il vient, qu’Il vient dans la vie, dans mon couple, dans mes amitiés. Veillez et priez, c’est pour nous maintenant, car maintenant, c’est le temps de la parousie, du retour, de la contemplation.


Alors, la foi, ce n’est pas une habitude, un chemin poussiéreux, une culture, mais une béatitude de comprendre à quel point, non seulement nous sommes aimés de Dieu, mais nous sommes invités à devenir visage de Dieu, visage de la vie dans ce monde qui pourrait paraître comme le monde de la mort. Cette Noël, à laquelle nous nous préparons, c’est ce temps de rupture où, au coeur de la crèche, au cœur de ce qui apparaît comme impur, va naître Celui qui est la pureté même, le prince de la paix, le prince de l’Amour, le prince de la vie.


Puissions nous veiller et prier ainsi. Que notre prière ne soit pas un rabâchage de mots, mais soit contemplation, écoute, méditation, appel pour que, enfin, notre cœur s’ouvre à la présence de Celui qui nous dit aujourd’hui : avec moi, tu es dans le paradis. Amen.