Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani), jeudi 1 novembre 2012 

Recteur de la paroisse 


La Toussaint


Par définition, frères et soeurs, si ce matin nous célébrons la fête de la Toussaint, nous célébrons notre fête à nous tous. Nous pourrions nous demander quelle résonance a notre propre prénom sur chacun d'entre nous ; car ce prénom que nous portons et qui fait référence à une Sainte ou à un Saint, nous structure, nous baptise, nous permet d'entrer dans une filiation, dans une identité, dans une promesse. 

Cette année, nous avons pris comme thème pastoral : " Quelle est notre foi en Jésus-Christ " ? En célébrant la Toussaint, nous célébrons tous ceux qui, à un moment donné, ont osé ce cri : " je crois, je crois que tu es le Christ de Dieu ! " Que pourraient dire ces paroles pour ces hommes et ces femmes qui se sont mis en chemin et ont dit ce : " je crois ! Tu es le Christ de Dieu." Ce Christ, frères et soeurs, incarné, révélé, manifesté dans la personne de Jésus, nous signifie de quelle humanité nous devons être. Une humanité burinée par ces mots : " heureux les pauvres de coeur, heureux les doux, heureux les artisans de paix, de justice, etc." Oui ce sont là les maîtres mots ; ces béatitudes sont le message essentiel du Christ, et nous sommes venus pour cela en ce monde et dans l'autre monde, car tous ces mots révèlent le sens de ce qu'est le Christ. Le Christ c'est celui qui oint, qui oint par Dieu, et être oint par Dieu c'est vivre dans cette communion, dans cette relation qui fait que je reconnais que je ne m'appartiens pas, mais que je suis fait pour un autre ; c'est cela le sens de la pauvreté de coeur ; toute ma vie n'est pas orientée sur moi, sur mes désirs, sur mes plaisirs, mais orientée sur l'adoration d'un Père, qui nous appelle, qui nous convoque et qui nous offre cette Création. Comme Saint François d'Assise le dira : " Oui, tout autour de nous chante la gloire de ce Père." Alors lorsqu'on ose dire sa gloire, nous devenons des pauvres pour être enrichis de Lui. Ensuite la douceur, la douceur c'est ce coeur qui se purifie, ce coeur qui s'en remet à ce Dieu, un coeur qui n'a plus peur par les aléas de l'histoire mais un coeur qui est dans la confiance et qui, par cette confiance, peut se laisser purifier, apaiser. Ainsi, les coeurs purs qui marcheront sur la terre promise pourront toucher à la paix, la paix qui est cette confiance, cet abandon. De là pourra naître la justice, de la pourront naître tous ces chemins harmonieux. Oui, reconnaître le Christ c'est reconnaître cet homme nouveau en chacune et en chacun de nous. Et tous ceux qui ont dit ce : " je crois en toi Christ, en Jésus " ont inauguré cette terre nouvelle et ont permis que leur propre humanité entre dans cette élection. Regardez Saint-François-d'Assise, cet homme qui a quitté toutes ses richesses pour être au service de Dieu ; regardez un Saint Luc, qui était médecin, laissant tout pour suivre le Seigneur ; regardez une Sainte Claire, une Sainte Thérèse qui se sont laissées embraser pour être au service de ce Dieu. Oui, la fête de la Toussaint c'est la fête de ces êtres qui disant : " je crois au Christ," ont laissé saisir leur humanité de ce Christos et sont devenus des élus. Et de cette humanité a jailli la Terre Promise. La terre promise, mes amis, n'est pas un lieu géographique, ce n'est pas un lieu où nous irons, la terre promise c'est cette promesse qui est en nous d'être parfaits comme notre Père est parfait, et cette perfection elle est pour maintenant, pour aujourd'hui. Alors laissons nos vaines histoires, laissons nos jalousies, nos médisances, arrachons-nous de cet homme ancien, détestons cet homme ancien en nous, chaque fois que nous sommes saisis par ce besoin de critiquer l'autre, de revenir à nos petits égoïsmes, à nos certitudes ; arrachons-nous de cela, plantons la Croix en nous, mourons avec Jésus et ressuscitons avec Lui, pour être cette Terre Nouvelle, cette terre où la douceur apparaît, cette terre où s'installe la paix, cette terre où tout est ajusté, cette terre où nous touchons au Christ, cette terre où Dieu n'est pas un vain mot, mais une réalité, une Personne, un face-à-face, une communion, un amour. 

Dans son épître, Saint-Jean nous le dit, et cette épître est reprise, ce matin, par celle de Paul : " Oui, nous sommes aimés de Dieu, nous sommes les enfants de Dieu." St Paul de plus nous dit dans l'épître aux Corinthiens : " je pourrais être l'être le plus extraordinaire dans la foi, s'il me manque l'amour je ne suis rien." Ainsi cette longue foule de ceux qui ont cru, dont parle le livre de l'Apocalypse, nous entourent dans l'invisible, dans le subtil, et nous soufflent : n'aies pas peur, aies confiance. Alors si nous nous mettons à l'école de notre propre Saint, que l'on s'appelle Antoine, que l'on s'appelle René, que l'on s'appelle Thérèse, Marguerite, peu importe, mais si nous nous mettons à l'écoute de notre Saint, nous entrons dans cette école de ceux qui ont vécu cette humanité restaurée, régénérée. L'intercession des Saints, c'est cela mes amis, tous ceux qui marchent de l'autre côté du voile et qui nous soufflent : " aies confiance, ne crains pas, crois, prie."..! Et nous, nous sommes là enfermés parce que nous sommes toujours dans notre ego, toujours dans nos égoïsmes, toujours dans nos certitudes ; mais jamais dans cette ouverture du coeur ; en tout cas pas suffisamment. 

Ce matin, ce qui nous est demandé, c'est cela, par cette grande fête de la Toussaint entrer dans ce mouvement. Cessons d'être des hommes et des femmes de croyances, devenons des hommes et des femmes de la foi ; car la croyance est vaine, au sens où elle nous met toujours dans une projection de nous-mêmes. La foi c'est la fidélité à un Autre qui nous conduit sur des chemins insoupçonnés dont nous n'imaginons pas la réalité, la portée, parce qu'Il est bien au-delà de toute définition, et pour cela, Il est Lui, l'Eternel. Fête de la Toussaint, fête de tous ceux qui ont cru, c'est donc la fête de l'Eglise, c'est la fête de cette corporéité nouvelle ; lorsque nous sommes réunis ensemble mes amis nous ne sommes pas seulement un groupe d'amis, nous ne sommes pas là simplement par plaisir de nous retrouver, mais ensemble nous devenons cette corporéité, cette matière autre ; et quand l'un tombe, l'autre le relève, et cahin caha, boitant comme celui qui permettra l'éclosion d'Israël dans Jacob, nous devenons le Corps du Christ, nous devenons l'expression du Christ ; à la suite de Jésus nous participons de ce Christ. Et donc aimons cette vie, chérissons cette Eglise, " détestons " les institutions, mais aimons l'Eglise. Car c'est en Eglise que nous devenons ce Christ, c'est en Eglise que nous touchons à cette vague de ceux qui ont été les témoins du Seigneur bien avant nous et après nous, c'est en Eglise que nous ne sommes plus dans la temporalité du chronos, mais que nous touchons à ce kairos ici et maintenant, hier, demain et aujourd'hui en Eglise. 

Cette fête de la Toussaint nous permet aussi de communiquer avec la Jérusalem d'en haut, nous qui sommes encore dans la Jérusalem d'en bas. En église nous vivons cette communion des Saints, et cette iconostase nous rappelle qu'il nous faut toujours passer du monde du visible vers le monde de l'invisible, et que nous sommes constamment dans des va-et-vient, comme sur l'échelle qui se dépliait dans le songe de Jacob, ainsi nous devons constamment monter pour descendre, descendre pour monter. Tout acte vécu en humanité, avec son épouse, son époux, avec son enfant, avec son père avec sa mère, avec son voisin, son collègue de travail, avec son ami, son ennemi, tout acte vécu en humanité est comme relayé dans le ciel. Et dans ce ciel, qui n'est pas un lieu, mais une réalité subtile, tout ceci est ressaisi et travaillé par le monde des anges. Ce monde qui est porté par ces êtres spirituels, et dans lequel se sont engouffrés tous les Saints, tous ceux que nous chérissons, tous ceux que nous prions et qui essayent, avec nous, d'améliorer notre condition. Ainsi, cette imperfection humaine, cet inachèvement de la création devient ce creuset par lequel le Seigneur nous dit : " je t'ai fait à mon image, ainsi contemple à quel point tu deviens ressemblant à moi." Ne vivons plus nos inaccomplis, nos blessures comme des malédictions, comme des handicaps, vivons les comme la Parole de Celui qui nous dit : " viens et suis moi. " Alors les béatitudes ne seront plus une litanie de mots, mais ces béatitudes deviendront cette armure que nous ferons tomber pour que jaillisse l'être frêle, l'être fragile, l'être titubant mais l'être se laissant aimer. 

Oui Père, en cette fête de la Toussaint nous voulons T' honorer, car Toi seul es saint, et de Ta sainteté Tu nous irradies, ainsi nous sommes déifiés dans nos humanités. Pour la plus grande gloire du Père, du Fils et du Saint Esprit. 

Amen