Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani) - samedi 25 avril 2015 

Messe anticipée du 3ème Dimanche après Pâques


Ac 2, 22-28
1Th 4, 1-8
Jn 4, 5-42


Le passage de l’Evangile de Jean à propos de la Samaritaine, nous renvoie à l’image assez étonnante du puits de Jacob.


Ce puits, ce sont ces profondeurs dans lesquelles l’homme doit creuser pour aller chercher l’eau de vie. Ce puits, ce n’est pas simplement l’image d’un homme qui avait puisé de l’eau, mais c’est l’image de l’homme qui, de par sa foi, est allé chercher profondément pour devenir, non plus Jacob, mais Israël, celui qui a combattu avec l’Ange, dans le livre de la Genèse, et qui va basculer d’une humanité ancienne à une humanité nouvelle. Cet homme qui a tellement creusé dans la terre, l’adama, pour aller chercher cette source, c’est-à-dire la signification de son existence, et, malgré sa foi, malgré tout ce qu’il a pu investir, il en est toujours à la même quête de sa foi, c’est-à-dire un espoir en un Dieu, un espoir en un au-delà, mais il n’a pas encore trouvé. Il est dans une quête où les uns vont dire « il est sur le Mont Sion», les autres « sur le Mont Garizim » et, dans cette quête, creusant de plus en plus le puits, il dit le divin, il dit la source, dans le prisme de cultures et de religions différentes. Arrive alors le Christ qui pose la question : « Donne-moi à boire. Me donneras-tu à boire ? »


Dieu demande à l’homme de boire. Il y a une inversion. C’est l’homme qui, dans sa quête, au travers du puits, a cherché à boire de cette eau. Et c’est Dieu, qui vient dire à travers Jésus : « Donne-moi à boire. Me donneras-tu à boire ? » 


Qu’allons-nous donner à boire à Dieu, nous qui sommes des êtres limités, finis, nous qui sommes des êtres mortels ?


Dans cette rencontre du Christ Jésus, Dieu fait Homme, face à la Samaritaine, il y a un renversement des valeurs. Dieu se fait mendiant de chacune et de chacun. Il ne peut y avoir de véritable résurrection si nous ne sommes pas capables de nous donner à Dieu. 

 
Ainsi, ce qu’il nous faut entendre dans cet Evangile, c’est que nous ne serons jamais véritablement convertis tant que nous ne serons pas capables de nous donner, de donner de notre humanité, de donner totalement de nous-mêmes à Dieu. Lui qui nous dit « donne-moi à boire », Il nous demande de réellement nous abandonner à Lui et de ne plus être dans cette recherche où on creuse dans ce puits et où il va falloir désormais ne plus creuser, mais s’élever, non plus sur le Mont Sion ou Garizim, mais au plus haut de sa conscience. Si tu savais le don de Dieu.


Que serons-nous prêts à donner ?


Le Christ, dans la personne de Jésus, a donné sa vie.


Si tu savais le don de Dieu, alors ne serais-tu pas prêt à donner de toi-même, à te donner totalement plutôt que de chicaner sur tel ou tel aspect de ta vie, matériellement, spirituellement, affectivement, humainement ? 


Cette femme avait cinq maris et le sixième n’est pas son mari. Une manière de comprendre que la femme n’est jamais la femme du mari, le mari n’est jamais le mari de la femme, car nous ne nous appartenons pas, mais nous sommes ordonnés à un Autre. Le Christ vient faire comprendre à cette femme que nous devons être prêts à tout donner si réellement nous avons saisi le sens de la Résurrection.


Ainsi, dans la première lecture tirée des Actes des Apôtres, Pierre rappelle que ce Jésus que nous avions crucifié, Dieu L’a ressuscité. Tout ce que nous allons pouvoir donner au Seigneur, sera ressuscité. Arrêtons de nous cramponner, comme si notre vie n’était qu’ici bas. Arrêtons d’être là toujours dans des jalousies, des possessions, sortons de ces schémas anciens, allons dans la nouvelle naissance.


Ce que dira St Paul, dans son épître aux Thessaloniciens, ce n’est pas autre chose que de viser véritablement la Résurrection en devenant des saints. Le saint n’est pas quelqu’un de parfait, mais c’est celui qui abandonne le puits de Jacob, abandonne toutes ses fausses recherches pour être véritablement dans le don de lui à Dieu. Ainsi il ressuscite.


Alors, ce soir, la question qui nous est posée à travers la Samaritaine, c’est : « Qu’allons-nous donner de notre vie ? » Descendons dans nos humanités simplement, que l’on soit marié, célibataire, veuf, veuve, parent ou enfant, retraité ou actif, où que nous soyons, que pouvons-nos donner réellement au Seigneur ?


Dans le spectacle que nous offre le monde, dans ces batailles entre religions et idéologies, qu’est-ce qu’il y a derrière sinon toujours cette illusion folle que l’homme pourrait arriver à détenir une once de pouvoir, de vérité en possédant, en possédant la terre, la chose, les idées, la foi. Si tu savais le don de Dieu. Tout ce que nous possédons, ne nous appartient pas, cela vient de Dieu et retournera à Lui. C’est un don qui nous est fait. Aussi, plutôt que de nous arque bouter sur nous-mêmes, il nous faut rendre ce qui nous a été confié et vivre comme des jardiniers de Dieu. L’apparition de Jésus, au matin de Pâques, que Marie Magdeleine prendra pour le jardinier, vient nous dire que, désormais, à l’image du Ressuscité, nous devons être des jardiniers, c’est-à-dire ceux qui jardinent l’Eden, la terre nouvelle, ceux qui ne sont plus arque boutés sur eux-mêmes, mais complètement ouverts à un Autre. Ceci entraîne que mon enfant n’est pas mon enfant, que mon mari ou ma femme n’est pas ma chose, que ma terre n’est pas ma terre, que mon bien n’est pas mon bien, que tout n’est que circulation, communion. Lorsque le Seigneur dira « Heureux les pauvres de coeur », Il veut nous faire entendre que, désormais, nous devons être véritablement route, chemin, acte de résurrection. Entendons cela et vivons comme des ressuscités, sinon vaine est notre foi.
Derrière la Samaritaine, c’est tout le déplacement de nos catégories humaines qui est posé, car la Samaritaine est l’hérétique, la personne exclue de par sa féminité, et c’est vers elle que le Saigneur va aller, manière de nous faire entendre qu’en nous il y a encore des zones d’ombre, des terres, des territoires, des humanités qui résistent. Chanter qu’Il est ressuscité, ce n’est pas rester en extériorité, en disant « je suis chrétien », mais c’est s’approprier cette parole pour aller encore creuser plus loin cette terre, non plus comme un puits où on creuserait sans fin, mais travailler cette terre en comprenant que, désormais, il nous faut l’offrir. Si tu savais le don de Dieu, tu comprendrais que tout est donné et que, à ton tour, tu dois devenir don à Dieu.


Ainsi, ce soir, par cette liturgie, accueillons cette parole et derrière demandons la grâce de l’Esprit pour nous laisser véritablement ressusciter et faire de nos existences, non plus des forteresses fermées, mais des lieux d’ouverture, d’accueil, de partage, de communion et de pardon, car Il est ressuscité, en vérité Il est ressuscité.