Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani) - dimanche 10 mai 2015 


Ac 5, 12 -16
Jc 1, 22 - 27
Jn 16, 16 - 30


« Encore un peu et vous ne me verrez plus, encore un peu et vous me reverrez ». Ces paroles étranges de l’Evangile de Jean nous placent dans ce qu’on appelle l’espérance eschatologique, c’est-à-dire l’espérance dans la fin des temps. Ainsi cela nous ramène à ces paroles que nous prononçons parfois : « Ah, si nous avions vécu au temps de Jésus, si nous avions vécu avec Lui, alors notre foi serait plus grande ». Nous voyons que tout ce qu’ont vécu les apôtres, les disciples, qui étaient avec Jésus, qui ont cheminé avec Lui, qui ont vécu aussi ce grand basculement de leur doute au moment de la Passion du Seigneur et ce moment où ils ont été visités après la Résurrection, tout ceci ne les ont pas empêchés d’être dans cette peur, dans cette crainte « Tu vas nous quitter, qu’allons-nous devenir ? » En cela, ils sont bien de notre condition et nous sommes bien de leur condition, ce sont ces hommes. Que l’on ait vécu il y a deux mille ans ou que l’on vive au XXIème siècle, nous sommes toujours dans cette posture : « Seigneur, si je pouvais te tenir ». Ainsi, ce déjà et ce pas encore vient nous placer dans la grande question de la foi, de l’espérance, de la joie : que vivons-nous aujourd’hui ? Allons-nous simplement vivre dans une nostalgie d’un passé, il y a deux mille ans, Jésus qui a vécu en Palestine et qui a donné des paroles merveilleuses. Allons-nous vivre dans un espoir plus ou moins grand d’un jour où nous retrouverons éventuellement le Seigneur dans ce que l’on appelle symboliquement « le ciel » ? Quelle est notre foi ? Quelle est notre espérance ?


Ainsi, l’Evangile de ce matin nous replace dans notre aujourd’hui. Il ne s’agit pas simplement de regarder hier ou d’espérer demain « Encore un peu et vous ne me verrez plus, encore un peu et vous me reverrez », voici que ces paroles étranges nous placent dans une tension extraordinaire que nous vivons ici et maintenant, dans le présent, dans notre histoire.


St Jacques, dans son épître, vient nous dire : Attention, ne pensez pas que Dieu vous éprouve. Dieu ne vous éprouve pas. Vous vous éprouvez vous-mêmes parce que, dans vos doutes, vous finissez par perdre le sen et le chemin de Dieu, le contact avec le Divin. Ce n’est pas Dieu qui vous éprouve, c’est vous-mêmes qui vous éprouvez.


On voit ce que va donner la véritable foi de Pierre, dans les Actes des Apôtres. Tout à coup, les malades ressuscitent, dans leur corps, ils sont guéris. Oui, aujourd’hui, nous est posée la question de la foi et de l’espérance. 


Dès lors, tout ce que nous allons pouvoir dire du Seigneur, il y a deux mille ans, n’est pas à gommer ni à oublier, mais cela devient une anamnèse, une mémoire, un dépôt de foi, un socle, à partir duquel nous sommes investis, assis sur une parole qui nous a été transmise de génération en génération, et qui a suscité en nous cette expression de foi – me voici Seigneur-.
Nous sommes tendus dans une espérance, parce que nous savons que notre histoire personnelle et l’histoire collective de l’humanité ont un sens, une orientation et qu’un jour, nous serons tous en Dieu.


Aujourd’hui, il nous faut vivre à la fois ce temps de mémoire et ce temps d’espérance. Comment vivons-nous comme des ressuscités ici et maintenant ?


St Jacques vient nous éclairer quand il nous dit : ne soyez pas comme des auditeurs extérieurs à la Parole, comme si vous écoutiez une parole qui a été dite, prononcée, mais dont vous ne seriez pas investis. Il ne s’agit pas d’une catéchèse, d’une morale, mais il s’agit de la Parole, Logos, le Christ fait chair. Il est la Parole. SI nous accueillons cette Parole, nous devenons à notre tour la Parole, c’est-à-dire que nous recouvrons à notre tour le Christ. Jésus a ouvert le chemin ; c’est un chemin dans lequel nous devons désormais nous engager les uns les autres et, à la suite de Yeshua, devenir nous-mêmes Christ en étant de cette parole manduquée, priée, que nous allons devoir déployer.


Ainsi la Résurrection n’est pas un vain mot. Elle n’est pas simplement une attente qu’un jour notre corps resurgira du tombeau, mais c’est aujourd’hui que je dois sortir du tombeau de mes doutes, de mes angoisses, de mes fatigues, de mes découragements pour devenir le Vivant, dans mon couple, dans ma famille, dans mes relations, mes activités, mes responsabilités. Et je suis vivant, non pas parce que je consomme la vie, mais parce que je respire la parole du Christ, et je la transmets en aimant comme Lui Jésus nous a aimés.


Nous sommes au-delà de toute morale, de toute éthique. Nous sommes véritablement dans une parole qui appelle de nous une transformation, une régénération. Comment vivons-nous cette résurrection ? Comment allons-nous vers cette Ascension du Seigneur dans le ciel ? Si nous sommes toujours à regarder la foi comme une simple religion, alors que le Christ, c’est Dieu qui s’est incarné et qui dit à l’homme d’aujourd’hui : « Surgis de tes ténèbres, ne te laisse pas enfermer car aujourd’hui est le temps de Dieu. »


Que veut dire le temps de Dieu ?


C’est le déjà là et le pas encore. Le déjà là parce que tout a été réalisé, manifesté, tout s’est déjà concrétisé. Nous portons dans nos corps cette mémoire. Dès lors, arrêtons d’être obnubilés par la question du péché originel. S’il y a un originel en nous, c’est d’abord la création voulue par le Créateur, un acte indicible d’amour, qui va jusqu’à nous sauver, nous relever de notre finitude, de toutes nos limites. Nous portons cette deuxième mémoire : il est ressuscité, nous sommes ressuscités.
Nous portons ce qui s’est passé dans nos corps physiques, dans notre corps moral, éthérique, spirituel. Il faut le faire éclore, le faire sortir de nous. Nous savons aussi que tout ne se joue pas ici bas.


Que l’on soit dans l’espace politique, économique, culturel, familial, religieux, partout nous est posée cette question : te rappelles-tu d’où tu viens, où tu vas et comment vis- tu ce rapport entre ce qui a été et ce qui sera ?


Ce matin, ce dernier dimanche de Pâques, qui nous prépare à l’Ascension du Seigneur, puis à la fête de Pentecôte, est vraiment un dimanche particulier où nous devons observer notre existence comme le temps où nous pouvons déployer notre identité.


Je ne suis pas l’enfant de l’histoire de mes parents, ni l’enfant d’une histoire collective, mais, à travers tout cela, je suis d’abord l’histoire de l’enfant de Dieu que je dois affirmer.


Partant, il n’y a plus le divorcé remarié qui est rejeté, le menteur que je vais enfermer dans l’acte répréhensible, celui qui a menti, trahi, celui qui s’est trompé, mais il y a l’être, l’être qui peut toujours se réveiller de toutes ses torpeurs pour devenir celui qui, à l’exemple de Marie, va dire « Oui, me voici ».


Comme l’ouvrier de la onzième heure, même si nous nous réveillons au dernier moment de notre existence, encore et encore, nous est donnée cette possibilité. Oui, me voici. Temps d’espérance, temps de joie. Notre vie humaine, existentielle, historique n’est pas une parenthèse, mais le temps où nous pouvons faire éclore tout ce que nous sommes potentiellement, et qui a besoin de fleurir.


Soyons donc comme le printemps qui permet cette floraison, devenons des bouquets fleuris, laissons jaillir de nous la vie. Soyons Dieu manifesté au travers de nos visages et montrons que la foi n’est pas un vieux parchemin, dans lequel on irait chercher des principes et des préceptes de permis ou d’interdits, mais que le foi est une joie de répondre à la vie en devenant de plus en plus de vivants.


Oui, que notre foi soit synonyme de joie, d’espérance. Alors, quand bien même on nous parle de crise, de guerre, de rupture, le monde sera à l’image de ce que nous serons capables de faire resplendir au plus profond de nous.


Pour cela nous avons l’Eucharistie, le sacrement de Réconciliation, la prière, la méditation des Ecritures, tout un arsenal de moyens pour être dans ce déjà là et ce pas encore et vivre à l’image du Ressuscité, au plus profond de nous. Alléluia.