Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani) - FETE de la PENTECOTE

Dimanche 17 mai 2015 


Frères et sœurs, mes amis,
Depuis la nuit des temps, depuis qu’il y a un soupçon de pensée, de conscience dans ce que nous appelons frater, ce qui veut dire humanité, et qui a donné fraternité, les hommes et les femmes se sont battus au tour de la question de la vérité. Qu’est ce que la vérité ?


Chacun, pensant détenir la vérité, s’est souvent replié, refermé sur lui en accusant l’autre d’être dans l’erreur. Cela s’est vécu individuellement, communautairement, entre les peuples. Aujourd’hui encore, dans ce troisième millénaire, alors que nous avons engagé la deuxième décennie de ce XXIème siècle, regardons au tour de nous ces religions qui se fracassent, ces idéologies qui se perpétuent pour dire « Nous avons la vérité. Si nous avons la vérité, vous êtes dans l’erreur si vous n’embrassez pas ce que nous sommes, ce que nous croyons».


Aujourd’hui, dans l’Evangile de St Jean, Jésus nous parle de vérité. Nous pourrions aussi être dans cette posture : nous avons la vérité. Jésus nous parle de la vérité en nous disant que c’est l’Esprit Saint qui va nous donner accès à la Vérité.
Comment se décline cette Vérité ?


Les Actes des Apôtres viennent alors nous faire entrer dans cette contemplation de la Vérité véritable. En effet, ces langues de feu, qui descendent sur ces hommes et ces femmes, font que, tout à coup, tout le monde s’entend, tout le monde perçoit la portée de la parole. Ce n’est pas une perception qui consiste à dire que j’entends ce que tu me dis, ce que tu exprimes. Mais chacun entend dans sa langue d’origine, maternelle. Cet Esprit Saint, qui va se signifier dans une diversité de paroles, vient au cœur de chacune des personnes parler dans la terre d’origine, ancestrale, de là où l’on naît, de là où l’on vient. Ce n’est pas simplement une question linguistique, mais cela veut dire que chacun, chacune, avec nos histoires, nos blessures, nos compréhensions, nos hésitations, nos erreurs, nous sommes rejoints. Il n’y a pas celui qui sait, qui ne sait pas, qui est dans l’erreur, dans la vérité, mais nous sommes tous rejoints. 


Comment alors pouvoir bénéficier de cette proximité du Souffle qui dit : je te rejoins dans ce que tu es ?


L’épître aux Galates nous répond à travers Paul : l’Esprit Saint nous aide à faire mourir en nous tout ce qui est de l’ordre de la chair, pour n’être qu’esprit. La chair ne se réduit pas à la sexualité, à l’esprit du monde, mais cela concerne profondément cet esprit égotique qui consiste à dire « moi seul, je puis arriver, ma terre ancestrale est la seule ». Si nous entendons que l’Esprit est tout à coup venu envahir toutes nos terres ancestrales, nous pouvons entendre que, pour accueillir la puissance de cet Esprit, il nous faut mourir à nos attentes, à nos conceptions, à tout ce que nous voulions de façon enfermée, limitante, pour accueillir profondément la fécondité de ce Souffle Divin. Ce Souffle vient innerver chacune des terres et nous fait entendre que nous sommes tous issus de l’unique terre, frater, la fraternité, l’humanité. Nous sommes hommes et femmes lorsque nous revenons à cette essence, à cet essentiel.


Revenu à cet essentiel, St Paul nous dit que, si nous nous laissons porter par cet Esprit, nous serons dans la paix, la joie, non pas de façon idéalisée, utopiste, mais parce que, en réalité, si je suis porté par le Souffle de Dieu, je n’ai plus peur de toi, mon frère, je n’ai plus peur de ta différence, de ton altérité, mais au contraire, ce que tu es et ce que je ne suis pas devient une fête, une invitation, une respiration qui me met sur le chemin de la vie. C’est cela naître à l’Esprit de vérité, non plus une vérité qui exclut, qui oppose, mais une vérité qui assume la différence et qui, au cœur de cette différence, nous dit la réalité de Dieu.
Si nous entendons cela, nous pourrons entendre que être de Dieu, être du Fils de Dieu, être du Christ, c’est, non seulement, assumer nos différences, mais au coeur de ces différences, nous laisser toujours transporter dans une autreté, autreté de l’attente de l’autre, de sa culture, de sa croyance, l’autreté qui fait que, chaque matin devient un champ d’amour, car je vais être tendu vers toi pour que tu viennes m’enseigner et que je puisse t’enseigner. C’est cela le souffle de Dieu, l’Esprit de l’Evangile, non pas un discours de morale, où l’on nous obligerait à nous aimer parce que Dieu nous aimerait, mais parce que la réalité de Dieu est une réalité d’énergie exponentielle qui, mettant tout en mouvement, nous dit : si tu veux être la Vie, comme je suis moi, Principe de Vie, entre dans cette puissance exponentielle, ouvre ton cœur, ton esprit, ton corps, toutes tes pensées et va de l’avant, dans la Vie.


En ce troisième millénaire, le témoignage que nous avons à porter n’est donc pas de dire nous sommes la vérité, mais de dire que ce principe unificateur au cœur des différences est vraiment là le Principe de Vérité que nous avons reçu et que nous devons partager avec d’autres.


Quelle contemplation ! Dieu n’est plus dans le ciel, l’homme n’est plus sur la terre, mais la terre et le ciel s’épousent quand nous sommes dans cette capacité de sortir de nos a priori. Dieu n’est pas une abstraction, une énergie, Dieu est cette réalité personnelle dans le visage de Jésus qui dit : chaque fois que tu seras capable de t’ouvrir, tu deviendras à ton tour visage de Dieu, visage de l’Eternité, visage de la Vie.


Il peut y avoir l’échec, la mort, la souffrance, nous pourrons toujours rebondir, repartir, la vie va pouvoir se réinventer car, dans chacune de ces difficultés, de ces blessures, surgit l’autreté du chemin, dont l’altérité nous dit : va, vis et ainsi tu seras dans la Vérité de Celui qui te dit : aujourd’hui, je t’ai contemplé. Alléluia. 


Viens Esprit, viens en nos cœurs. Viens Esprit, viens en nos esprits. Viens Esprit, viens en nos corps, dans nos corps personnels, sociaux, culturels, viens nous embraser. Fais de chacune de nos histoires l’instrument de ta réalité pour que ce monde soit amour. Viens, Esprit.