Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani) - LA PASSION - Vendredi Saint - 14 avril 2017


Is 52, 13-53

 He 4, 14-16 ; 5, 7-9, 8-10

Jn, 18,1-19,42


La Passion du Seigneur


Ce récit de la Passion mes amis, nous le connaissons par cœur. Nous l’avons si souvent entendu et travaillé. Et pourtant, à chacune de ses lectures, nous entrons davantage dans le mystère avec peut-être trois aspects qui ressortent particulièrement:


Premier aspect : C’est celui qui est évoqué particulièrement dans cette 1ière lecture que nous avons entendue, tirée du Prophète Isaïe : Le serviteur souffrant. Isaïe, bien des siècles auparavant nous annonce ce serviteur souffrant qui se révèle sous nos yeux en Jésus ; et dans cette évocation du serviteur souffrant, ce qu’il faut entendre mes amis, c’est la liberté de Jésus parce qu’il ne subit pas quelque chose qu’on lui imposerait, mais il choisit jusque dans cette Passion, jusque dans la mort, d’être fidèle au Père. Et par là, il vient nous questionner, il vient nous instruire jusque dans notre propre liberté. Car la liberté, cela ne veut pas dire « je choisis A ou B. La liberté ce n’est pas être comme un enfant qui fait un caprice pour avoir tel ou tel jouet. La liberté ce n’est pas de se laisser conduire par ses pulsions ou ses rêves. Mais la Liberté c’est de rencontrer réellement qui nous sommes. C’est à dire cette femme, cet homme appelé à la vie ; et à partir de cette rencontre qui nous fait contempler le Vivant, la source au plus profond de nous mêmes ; rester fidèle à la vie quoi qu’il en coute. Et Jésus, qui manifeste le Christ, vient montrer la Liberté véritable : C’est de dire le oui ; le oui total au Père, le oui quoi qu’il advienne, le oui qui fait que…, on aura beau le blesser, le crucifier, le tuer, il restera dans ce regard ver le Père, uni au Père ; tel est le sens de la Liberté que nous révèle Jésus ; tel est le sens du serviteur souffrant, non pas que ce soit d’être soumis à une loi, à une épreuve, mais celui au travers de cette loi injuste, dans cette épreuve reste debout et jusqu’au bout va dire le oui. Ce oui qui nous ramène au oui de Marie, ce oui que nous avons dit à notre baptême, par la bouche de nos parrain/marraine pour certains ou pour d’autres comme catéchumènes qui ont fait ensuite cette démarche baptismale, ce oui, ce oui total que nous devons dire à Dieu.


C’est le premier enseignement, et derrière cet enseignement, résonnent alors alors toutes les formes de trahisons et notamment une trahison qui est manifestée par le visage de Pierre ; Pierre qui va renier son appartenance au Seigneur parce qu’il a peur ; et là il perd cette liberté. Il perd cette fidélité. Il sera pardonné, il sera racheté. 


Le deuxième enseignement que nous pouvons entendre, dans ce grand récit de la passion du Seigneur, c’est ce moment où il va dire à Jean et à Marie mère de Dieu : « Jean voici ta mère, Marie, voici ton fils ». Et là nous voyons une éclosion extraordinaire qui est celle de l’Eglise. Et au moment où Jésus dit à Jean qu’il devient fils de Marie, et à Marie lui disant « tu es la mère de ce fils », il se situe comme le « grand Prêtre », celui dont il est question dans l’Epitre que nous avons entendue, cette Epitre aux Hébreux qui nous dit qu’il n’y a qu’un seul prêtre le Christ ; et c’est lui, en tant que Grand Prêtre qui va instituer Marie. Et derrière Marie, entendons l’image symbolique de l’Eglise. L’Eglise qui n’est pas à Rome ; l’Eglise qui n’est pas à Constantinople, l’Eglise qui n’est pas à Moscou ; l’Eglise qui n’est pas catholique Romaine, qui n’est pas Orthodoxe, qui n’est pas Protestante, mais l’Eglise qui est tout cela. Et cette Eglise, elle porte le visage de Marie. Et cette Eglise, elle n’est pas conçue, construite par telle ou telle théologie, par te ou tel apôtre, par telle ou telle tradition, mais elle est portée par le Christ ; l’unique prêtre. Et quand Jésus dit à Marie « voici ton fils », il fait naître l’Eglise ; et lorsqu’il dit à Jean « voici ta mère », il fait naître l’Eglise ; il nous fait naître, il nous fait devenir ; mais ce n’est pas seulement à Jean qu’il dit cela mais c’est à chacune et à chacun de nous qu’il le dit, parce qu’au jour de notre baptême, au jour de notre chrismation, au jour de notre confirmation si on est catholique, et bien, cette parole de Jésus, « voici ta mère » c’est cette parole que nous avons pu entendre, c’est cette parole que nous aurions dû entendre, c’est cette parole qu’il nous faut à nouveau entendre « voici ta mère ». Voir l’Eglise, c’est voir sa mère ; non pas une mère comme çà éthérée, mais une mère dans le sens ; où dans le sens nous sommes profondément devant cette réalité qui va nous enfanter.


Une réalité corporelle, une corporalité que nous constituons en tant que frères et sœurs et où nous faisons naitre ; naitre notre humanité en Dieu. Chacune, chacun, naitre le frère, la sœur dans ce Christ. Naitre ! renaitre ! vivre ! mourir pour ressusciter !
Combien nous sommes médiocres quand nous sommes là à ergoter pour dire ; « je n’ai pas le temps de venir à une liturgie, j’ai d’autres projets, j’ai d’autres choix à faire. Combien nous sommes médiocres de ne pas entendre qu’il ne s’agit pas simplement d’une activité culturelle ou même cultuelle, qu’il ne s’agit pas d’une simple activité que l’on pourrait avoir en périphérie, mais il s’agit de réponse à cette question de Jésus : « Veux-tu naître de Marie ? autrement dit, « veux-tu naître de ma mère ? Veux-tu naître de son sein, veux-tu naître de cette nouvelle réalité ? et nous, nous passons le chemin…. Indifférents que nous sommes ! Noue pouvons regarder Judas, nous pouvons regarder Pierre, mais nous devrions nous regarder nous-mêmes quand nous ne sommes pas capables de répondre à une telle invitation. 


Et quand Jésus se tourne vers Jean pour dire : « Voici ta mère » ; il se tourne aussi vers Marie pour lui dire : « Voici ton fils », il appelle toute la sollicitude, toute la miséricorde de la Mère divine sur nous.


Dans nos prières, nous devons invoquer Marie parce que de nos petites humanités, elle nous conduit vers une dimension autre.


Enfin, il y a un troisième enseignement dans cette évocation de la Passion et de la mort de Jésus dans cet Evangile de Jean : C’est le moment du tombeau. Ce moment du tombeau où la pierre va être roulée. Et là voyez-vous mes amis, ce que le Seigneur vient nous dire, c’est que le drame de l’histoire, c’est que nous vivons comme des tombeaux fermés. Nous sommes toujours dans des enfermements ; nous roulons les pierres, autrement dit, nous nous emprisonnons parce que nous sommes toujours dans la peur : la peur de mal faire, la peur de ne pas y arriver, la peur de ne pas avoir le pouvoir, la peur de ne pas avoir assez d’Argens, la peur de ne pas être reconnu, la peur de ne pas être aimé…, et c’est toutes ces peurs qui font que nous sommes dans des formes de violences, des formes de refus, des formes de jalousies, dans des formes de médisances. Et pour sortir de ces jalousies, de ces médisances, de ces méchancetés ; il ne s’agit pas simplement d’être dans une morale, mais il s’agit de vivre l’éthique, c’est-à-dire de vivre cette réalité du bien, du beau et du bon, en faisant « rouler les pierres », en faisant qu’il n’y ai plus ces barreaux à nos fenêtres, ces barreaux à nos portes, qui font que nous sommes des êtres emprisonnés, enfermés.


Quand le Seigneur ressuscité apparaîtra et viendra dire à ses amis qui étaient verrouillés dans leur maison : « La Paix soit avec vous, Chalom…Chalom ». Alors oui, nous pourrons nous souvenir que Barrabas, veut dire : bar, le fils ; abas, le fils du Père. Et dans cette amnésie dans laquelle nous sommes, parce que nous avons tout verrouillé, nous pourrons dans la nuit de Pâque, demain, faire rouler nos pierres de nos tombeaux et dire : Abba Père, « me voici », comme savait le dire Marie.


Puissions-nous en ce vendredi Saint, nous rappeler que nous sommes promis à devenir Christ avec Jésus ; ressusciter avec Lui. Non pas après notre mort, mais dès aujourd’hui, dès ici-bas. Et que si nous roulons ces pierres loin de nous et les faisons tomber, alors nous gouterons … nous gouterons à la liberté, nous gouterons à cette filiation en Dieu, et nous deviendrons le Corps mystique du Christ et alors nous saurons vivre avec le Vivant, malgré toutes les morts de ce monde.


Amen