Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani)samedi 13 avril 2013 

Recteur de la Paroisse


Actes  3,  1 - 13

1 Pierre 2,  21 - 25

Jean 10,  11 - 16


         Depuis le mois de septembre dernier, notre thématique pastorale choisie a été : Quelle est notre foi en Jésus-Christ ? Il y a 15 jours nous avons fêté la Résurrection du Seigneur, et ce soir, écoutant ces passages de la Bible, comment les accueillir et comment nous situer face à cette problématique qui est notre quête de la foi en Jésus Christ .

         L'Évangile de Jean nous rapporte ces paroles de Jésus : " Je suis la porte. " Je suis la porte par laquelle  les brebis doivent passer. Écoutant cette présentation allégorique de la porte, nous pourrions nous interroger : comment alors, tous ceux qui ont été avant Jésus, le Jésus de l'histoire sont-ils considérés ? Tous ceux qui dans la foi d'Israël ont annoncé Dieu ? Tous ceux qui ont annoncé Dieu en dehors de la foi d'Israël ? Tous ceux qui ont annoncé une divinité hors de ce champ du monothéisme, et puis tous ceux qui viendront après, en dehors de la tradition judéo-chrétienne, seraient-ils donc dans une erreur absolue ?

         En réalité mes amis, la porte du Christ peut se révéler dans diverses traditions, mais elle est porteuse d'un sens tout à fait particulier dans l'Eglise du Christ. Parce que dans cette Eglise, non seulement nous témoignons de la société, mais nous témoignons que Celui qui a vaincu la mort nous permet nous-mêmes de passer dans nos morts pour aller vers la vie. Par conséquent nous ne sommes pas simplement regardant vers le ciel, espérant une divinité pour nous faire échapper aux aléas de l'histoire, mais cette histoire nous la saisissons comme l'espace d'un retournement où toutes nos formes de mort, toutes nos formes de limites sont les lieux de révélations de notre univers : Oui, c'est cela qu'est venu nous révéler, nous apprendre, le Christ.

         Aussi quand Pierre va proposer le baptême, que propose-t-il ?  Il propose à ces hommes et à ces femmes qui entendent la proclamation de la Bonne Nouvelle d'entrer dans une compréhension de leur histoire. Et si, ce faisant, ils acceptent de passer dans ce tamis du Christ, c'est-à-dire de regarder tous les processus de mort comme des lieux de révélation d'une autre vie, alors je vous le dis : ils passent par la porte du Christ.  C'est exactement ce qui est arrivé à Saint-Paul ; Saint-Paul qui fait mémoire de ce qu'a été sa vocation, lui qui a combattu les premiers chrétiens, lui qui a pu, avec zèle, porter le sens de la Torah, a été saisi, car tout à coup il est passé de la mort à la vie, il est passé des ténèbres à la lumière, il est passé, sur ce chemin de Damas, du terrassement à l'extase. Dans sa nuit il a vu celui qui l'appelait.  Ainsi notre foi en Jésus-Christ n'est pas une simple doctrine, mais elle est une manière d'être au monde, de respirer le monde, d'appréhender la vie qui fait que le Seigneur nous invite à être en lui, par lui et pour lui.

         Cette Résurrection du Seigneur, mes amis, nous introduit déjà en préfiguration dans deux grands mystères :  le mystère de la double nature,  et le mystère de la Sainte Trinité, que nous aurons l'occasion de déployer dans d'autres fêtes, mais qui sont déjà inscrits dans ce grand mystère de la Résurrection, car le Christ ressuscité se révèle à nous dans cette double nature : il est de notre monde et il est du monde de Dieu. Dans cette double nature il nous dit : " vous qui êtes de nature humaine vous pouvez toucher à la nature divine. Cela peut nous paraître éthéré comme discours, et lorsque nous voyons le spectacle de notre monde, comment ne pas être happé par cet esprit du monde qui toujours fait rouler  les pierres de la trahison, les pierres du mensonge, non pas parce que les êtres sont mauvais en eux-mêmes, mais parce qu'ils sont mus par le moteur de ce monde qui fait croire que la réalisation, que le bonheur c'est cet argent absolu en ce monde, c'est le pouvoir absolu en ce monde, c'est la jouissance absolue, et dans cet " à tout prix," ces êtres alors sont roulés dans leurs propres turpitudes, et nous ne sommes pas meilleurs qu'eux. Et pour trouver le chemin de la vie, justement il nous faut entendre que, dans cette nature humaine, la nature divine est possible ; mais cette nature divine ne va pas passer par une morale, par une éthique, mais elle va d'abord passer par une régénération du coeur, par une transformation de l'être, par une capacité à pouvoir répondre à un appel irrépressible venu du Père. La double nature du Christ, qui dit en préfiguration notre propre double nature est une bonne nouvelle qui s'inscrit dans le droit fil du tombeau ouvert de Pâques. Et alors cela nous conduit déjà aux prémices du mystère de la Sainte Trinité, car pour être dans cette régénération nous ne le pourrons pas par un acte volontaire mais nous ne le pourrons que par l'accueil de l'Esprit Saint, cet Esprit qui pourra nous faire crier : " Abba Père ! " Et qui pourra nous configurer au Christ Jésus et entrer dans l'anthropos nouveau, l'homme nouveau, l'homme ressuscité.

         Quand Pierre propose le baptême, il propose cette nouvelle vie dans l'Esprit. Quand St Paul parle de sa vocation, il peut en parler parce qu'il a été transmuté par l'Esprit. Aussi ce soir, nous qui portons cette interrogation : " Quelle est notre foi en Jésus-Christ ? " Ayons conscience que notre foi c'est d'assumer cette double nature. Une double nature qui nous mettra dans un cheminement trinitaire et qui fera que nous deviendrons des hommes et des femmes debout, dignes, capables de dire la grandeur humaine signifiant la grandeur de Dieu.

         Le monde a toujours été balayé par les vents de la turpitude, mais le monde nouveau est à nos pieds ; oserons-nous entrer dans ce monde nouveau en changeant notre coeur, et pour cela en nous tournant vers ce Père, par le Fils et par l'Esprit ? Cela passe par une vie de prière, cela passe par une vie sacramentelle dans l'Eucharistie, cela passe par une vie enracinée dans le corps mystique du Christ qu'est l'Eglise.

         Méditons cela et soyons habités de Celui qui nous dit : " Vous êtes mes enfants, passez par la porte et vous reconnaîtrez ma voix, qui vous dit : je vous aime ! "

Amen.