Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani) - Mardi 24 décembre 2013


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Veillée et fête de NOËL



            Frères et sœurs, si vous avez bien écouté les textes que nous venons d’entendre, il y a cette proclamation : " un Sauveur nous est né." La première question que nous pourrions nous poser ce soir : avons-nous besoin d’un sauveur ? Et si nous cherchons un sauveur, de quel salut s ‘agit-il ? Avons- nous besoin d’être sauvés et sauvés de quoi ? Quelle est notre vie ? Quelle est notre histoire ?

Icône de la Nativité de la Vierge Marie            Dans ces trois textes, il y a ce rapport entre la lumière et les ténèbres. Le prophète Isaïe nous rappelle qu’une grande lumière vient éclairer les ténèbres. Et l’évangile de St Luc, nous dit que cette grande lumière, c’est le Christ. Mais depuis que le monde est monde et que l’homme est homme, nous avons toujours créé des religions, nous avons toujours cherché des divinités, et dans ce rapport entre l’ombre et la lumière nous avons toujours été dans une forme de dualité, entre le bien et le mal, ce qu’il faudrait et ce qu’il ne faudrait pas. Mais nous sommes toujours à dire que tout ce qui serait à caractère divin, serait lumineux et au contraire ce qui est à caractère humain serait ombreux. Eh bien,  il me semble que le véritable salut qui nous est révélé dans la nuit de Noël, c’est justement le fait qu’il n’y a pas d’un côté la lumière et de l’autre, l’ombre, mais c’est au cœur même de notre ombre,  au coeur même de ce qui peut nous blesser,  au coeur même de ce qui nous parait comme indigne, que vient la lumière.

            Car en cette nuit très sainte de Noël, la Bonne Nouvelle est d’abord annoncée à des bergers, autrement dit à des personnes qui, à l’époque, étaient considérées comme impures, comme étant dans les marges. Et c’est à ceux-là, qu’est d’abord annoncée cette grande nouvelle. Et ce n’est pas une façon de dire que Dieu voudrait d’abord les pauvres, mais la révélation judéo-chrétienne, nous apprend ceci : si nous voulons trouver Dieu en nous, nous ne devons pas d’abord regarder ce qu’il y a de plus réussi dans nos existences, ce qu’il y a de plus lumineux dans nos existences, mais au contraire, il faut d’abord que nous descendions dans nos crèches intérieures, il faut que nous descendions dans ce qui nous fait mal, il faut que nous descendions dans ce moment où le couple a vacillé, où l’on s’est séparé, ce moment où la famille s’est séparée, ce moment où on a perdu un être cher et qu’on était désespéré devant la mort, ce moment où on tremble parce qu’il y a la maladie du cancer, du cœur ou autre chose, bref, ces moments où l’homme est tellement pris dans la peur de sa finitude, qu’il en vient à vouloir camoufler tout ce qui serait futile et à rêver d’un Dieu qui le conduirait à sortir de l’ histoire, à oublier l’histoire, à nier  son histoire. Mais çà, mes amis, ce sont les chemins par lesquels nous ont conduit depuis toujours, toutes les religions.

            Or la grande Bonne Nouvelle du Christ, en son Eglise, c’est de nous dire : n’ayez pas peur, descendez dans votre crèche, descendez dans ce qui vous blesse le plus, car c’est là  que je viens naître, c’est là que je vous rejoins, c’est là que je viens faire alliance avec vous, c’est là que je vais vous relever, c’est là que je vais vous mettre en réaction, en salut,  en vie nouvelle, en vie possible. Alors, il n’y a plus le divorcé qui ne pourrait plus se remarier, il n’y a plus le malade qui serait exclu par sa maladie, il n’y a plus les exclusions de toutes sortes, mais au contraire, il y a la vie possible, et  recommencer une vie que rien ne peut arrêter.

            Nous savons déjà dans cette nuit de Noël combien nous sommes très proches de ce qui sera révélé dans la nuit de Pâques. Ainsi dans cette nuit très sainte de Noël, quand les bergers vont accueillir cette bonne nouvelle, ils nous ramènent à chacun d’entre nous. Oserons nous être les bergers de Noël, oserons-nous être les pauvres, non pas parce que nous n’aurions pas beaucoup d’argent, non pas parce que nous n’aurions pas de position sociale, mais parce que tous, nous sommes quelque part des êtres blessés, abîmés et au cœur de ces abîmes entendre celui qui nous dit :" allez, allez, n’aie pas peur, renais, renais de cette peur," et ta vie peut prendre une dimension tout à coup autre et nouvelle.

            Dans cette nuit très sainte, désormais nous entendons que là où il y avait l’ombre, il y a aussi la lumière ; Il n’y a pas le bien ou le mal, mais notre manière d’appréhender la vie peut devenir un bien ou un mal.

            Aussi, cette nuit, mes amis, prions, prions non seulement pour tous les conflits de par le monde, mais prions d’abord pour nos propres conflits, nos conflits intérieurs, tout ce qui peut nous faire si peur, et demandons au Seigneur d’être éclairés, par cette lumière, par cette étoile de Bethléem. Qu’elle devienne pour nous la lumière de l’espérance en un monde qui a si peur, en un monde où on parle toujours de crise, puisse cette étoile de Bethléem nous éclairer et nous donner l’espérance, non pas un espoir humain, un espoir qui de toute manière serait puéril car bien sûr nous sommes des êtres marqués par la finitude, mais l’espérance. L’espérance qui fait que, quand bien même j’ai perdu l’espoir, quand bien même je suis au pied de ce mur de mon humanité blessée, il me reste cette grandeur de mon âme, qui me dit je suis plus grand que les actes posés et que j’ai ratés, je suis plus grand que le chemin de mon existence car je suis  fils,  fils de Dieu,  fils de la lumière.

            Ainsi, si nous entendons cela, cette fête de Noël ne sera plus pour nous simplement l’évocation d’un petit Jésus, mais ce sera véritablement, l’évocation de l’enfant nouveau-né, de notre propre enfant attiré à la lumière divine. Et alors, l’Emmanuel, Dieu parmi nous,  ce ne sera plus seulement un être fabuleux, qui aurait vécu il y a deux mille ans, mais l’Emmanuel, Dieu parmi nous, ce sera pour nous aujourd’hui, car aujourd’hui, nous est né ce Sauveur, pour nous tous, enfants de ce XXIème siècle, et dans cette espérance, nous portons cette conviction profonde  : il est venu, Il reviendra, mais Il est là chaque fois que, pour nous, la crèche devient, non pas le lieu de la peur, de l’échec, mais la crèche devient le lieu de l’étoile. Alors, oui, notre vie sera illuminée. Soyons illuminés et chantons avec tous les anges dans le ciel, c’est-à-dire tous ces êtres spirituels, tous ces êtres célestes, tous ces êtres subtils : gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. Amen