Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre ( Colombani ), dimanche 20 janvier 2013

Recteur de la paroisse


Jérémie 2,  1 - 7

Colossiens 3,  5 - 15

Matthieu 20,  1 - 16


Ce matin, par cet Évangile de Saint Matthieu, nous sommes invités à regarder le sens de la temporalité, pourquoi sommes-nous venus au monde ? Pourquoi naître pour tant souffrir ?  Pourquoi naître et finalement mourir ? Les opposants à l'idée de Dieu disent que la foi en Dieu, les religions, ne sont que des formes d'expression de l'homme face à sa peur devant cette incohérence, devant ce fait du hasard et devant l'éventualité de néant après notre venue ici bas. Et nous-mêmes sommes traversés par ces questions : pourquoi ?  Pourquoi naître ?  Aujourd'hui, par cet Évangile, il me semble que le Christ nous apporte une réponse. Il l'apporte dans le sens où il montre que le déploiement du temps est un déploiement qui permet à l'homme d'exercer non seulement sa liberté mais surtout d'exercer sa conscience. Car si nous nous regardons les uns les autres, si nous faisons un véritable examen de conscience, nous devons reconnaître que, quand bien même nous disons avoir été touchés par la grâce, avoir rencontré le Christ, combien il est difficile, profondément, véritablement de répondre.


  L'épître de Saint-Paul à la communauté des Colossiens nous est habituelle. Oui nous savons qu'il nous faut aller de ce vieil homme qui est en nous vers l'homme nouveau. Oui nous sommes persuadés qu'il faut vivre l'amour, l'agapé et la charité, pour que finalement la paix s'inscrive en nous. Et pourtant tout ce que décrit Saint-Paul, combien cela nous marque : les jalousies, les emportements, les calomnies, les critiques, parce que nous sommes pétris de ce besoin de reconnaissance, parce que nous oublions la question essentielle de la vie ; et donc parfois nous sommes tellement engoncés dans ces incohérences par rapport à ce  que nous voudrions être,  à ce que nous voudrions croire, que nous désespérons de nous-mêmes et que nous nous disons finalement : à quoi bon ? Je suis tellement éloigné de Toi Seigneur que je préfère t'oublier, car j'ai tellement démérité.


  L’Évangile de ce matin nous dit le contraire. Ce denier  nous a été promis au commencement, c'est-à-dire, comme le rappelait le prophète Jérémie : " toi mon peuple n'oublie pas, je t'ai tiré de la maison d'esclavage. "  Ce denier que nous avons reçu, cette capacité de pouvoir répondre, cette révélation qui nous a été faite en Jésus-Christ, eh bien constamment le Seigneur vient nous le redire, nous le répéter, nous le représenter, et par des signes multiples, par des événements, Il est là à tendre à nouveau la main et à proposer à nouveau son alliance. Ainsi cette temporalité de notre existence, ce temps n'est pas là par hasard, c'est vraiment cet espace qui nous est offert pour répondre, et quand bien même nous n'y arrivons pas, que nous nous sommes trompés, que nous nous sommes laissés emporter par nos passions, nos pulsions, le Seigneur à nouveau nous propose son chemin. C'est quelque chose d'extraordinaire qui nous est dit ce matin. La foi en la Résurrection nous ouvre un chemin où Dieu  ne désespère jamais de l'homme mais toujours lui offre ce salut. Dès lors, comment nous-mêmes nous pourrions  désespérer de Lui, comment nous-mêmes nous pourrions désespérer de nos frères ?  Aussi tout ce qui a été décliné par l'Eglise pendant des siècles en termes de morale, il faut que nous le balayons, Il ne s'agit pas de s'aimer par générosité, ou pour plaire à Dieu, mais chaque fois que nous sommes capables de pardonner au frère, à la soeur ou à nous-mêmes, plus qu'une morale, plus qu'une éthique, nous sommes dans cette temporalité où nous faisons l'expérience de la Résurrection, l'expérience de la re-création, l'expérience de ce Dieu qui, dans sa patience, nous arrache de cet homme ancien pour nous conduire vers l'homme nouveau.


   Aussi, combien il nous faut entrer dans l'incarnation pour vivre cette relation à Lui et chaque fois que nous nous trompons, nous dire : oui, je me suis trompé mais ma liberté c'est de le reconnaître et d'apprendre à repartir, à répondre. Ainsi je ne peux pas entrer dans cette espèce de jalousie par rapport à celui qui se mettrait en chemin tardivement, car chacune et chacun de nous nous sommes ouvrier de la première heure mais aussi de la sixième et de la onzième heure. Ainsi il nous faut regarder cela comme cette puissance de la Présence : la présence de l'Emmanuel parmi nous, une présence qui fait que le monde est habité, et qu'il n'y a pas eu le moment où Dieu a créé, et le moment où Dieu viendrait nous juger. Nous sommes constamment dans cette présence, une présence qui se dilate dans cette propension à renaître, il y a toujours à faire en sorte que ce qui apparaît comme une blessure devienne le temps de la fécondité. Ce temps dit ordinaire il est extraordinaire parce qu'il est le moment de la praxis, de la pratique, de l'expérience de la foi. La foi, mes amis, ce n'est pas une idée, ce n'est pas un principe, la foi c'est une transformation de nous-mêmes et pour cela il nous faut être à l'écoute de Celui qui vient nous visiter, hier, aujourd'hui, demain. Aussi posons-nous cette question : " Seigneur quand t'ai-je  reconnu ?" Il nous faut, pour cela, prendre le temps d'abord de méditer, ne serait-ce que cinq minutes dans sa journée, avant de partir à ses activités pour dire : "  Seigneur, cette journée  je te l'offre." Prendre cinq minutes le soir pour faire la rétrospective et dire : " Seigneur, qu'ai-je vécu aujourd'hui avec Toi ? Et si ces dix petites minutes nous les prenons, jour après jour, nous allons contempler cette présence qui s'est faite au milieu de nous, par le conjoint, par l'ami, par le collègue de travail, et où il y a eu cet échange, où il y a eu cet appel : mon ami, pourquoi restes-tu au bord de la route, pourquoi restes-tu hors de ma vie ?


  Les derniers seront les premiers, les premiers seront les derniers, autrement dit ce qui nous est apparu comme premier, dans notre existence va devenir dernier. Tout ce qui apparaît comme essentiel, parce que nous nous disons ; nous avons été libérés de l'Égypte, nous avons rencontré Dieu, c'est pour cela qu'il viendra vers nous. Parce que, en dernier ressort, ce qui doit demeurer c'est cette fragilité en nous par laquelle nous serons capables de dire : " Seigneur sauve moi, sans Toi je ne suis rien."  Alors nous ne pouvons pas rester orgueilleux, enfermés en nous-mêmes, il nous faut rester comme des enfants en quête de leurs parents. Soyez des enfants.


  Prendre cinq minutes le matin et cinq minutes le soir pour demander, pour contempler, pour remercier. Prendre ensuite quelques minutes dans la semaine pour relire un verset d'Évangile et dire : oui, cela sera l'optique que je me donne pour la semaine et désormais, quand j'arrive à l'eucharistie le dimanche, ce que je vais placer dans le pain et dans le vin, c'est cette vie que j'ai réalisée petitement, mais tellement dans cette présence. Alors vous verrez à quel point vous vous sentirez, mes amis, portés, transformés. À quel point vous allez avoir un regard aérien, à quel point tout ce qui se passe autour de vous : ces guerres, cette violence, toutes ces crises, toute la réalité qui est aussi la nôtre, singulièrement tout cela sera présent, mais comme porté à incandescence pour regarder à quel point nous sommes dans un passage, une pâque, une préparation. Et là, au plus secret de la prière, nous comprendrons alors que cette temporalité, cette existence qui  apparait comme le fruit du hasard, est tellement en signe d'un fil rouge, d'un chemin, d'une vérité qui s'accomplit et qui fait que nous devenons vivants et incarnés.


  Mes amis, prions, soyons modestes et contemplons que nous devenons l'homme nouveau.              



Amen