Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani) - dimanche 7 septembre 2014


Ct 8, 4 à 7
He 11, 11 à 16
Mt 7, 7 à 8


Nous célébrons aujourd'hui la Nativité de la Vierge Marie, la Théotokos, la Mère de Dieu. Très souvent la liturgie de l’Eglise nous propose comme méditation soit l’Evangile de Luc, l’Evangile de l’Annonciation, soit l’Evangile de la petite enfance, soit le commencement de l’Evangile de Matthieu où on voit toute cette généalogie dans laquelle s’inscrit Marie.
Or ce matin, dans ce que nous propose l’Eglise dans la liturgie de la Parole, c’est de revenir sur ce passage de Matthieu, où il nous est dit : "demandez et vous recevrez, frappez et on vous ouvrira." Si l’Eglise nous propose cela, c’est véritablement pour nous faire entrer dans ce qu’est la profondeur de ce mystère de Marie. Mère de Dieu, Marie ne le sera que parce qu’elle est dans cette intention profonde, ( comme disent les philosophes : dans cette intentionnalité,) d’être donnée à son Dieu. " Qu’il me soit fait selon ta Parole ", tel sera le saisissement de Marie au moment de l’Annonciation. Oui, elle est celle qui est dans cette quête divine, dans l’espérance divine, celle qui demande à pouvoir vivre profondément sa vocation, réaliser le projet de Dieu.


Nous sommes devant un grand mystère, car souvent nous nous disons, mais comment Marie pouvait-elle dire non à l’appel de Dieu ? Elle était comme prédestinée. Oui, Marie aurait pu dire non, elle aurait pu refuser, elle aurait pu ne pas accueillir cette proposition du Seigneur au travers de l’Ange Gabriel lorsqu’il l’appelait. Nous réalisons à quel point le grand mystère de Marie se contient dans un mot : sa foi, cette foi dont nous parle l’épître aux Hébreux, la foi qui a animé Abraham, la foi qui a animé Sarah, cette foi qui leur a permis de pouvoir porter l’enfant de la promesse, cette foi qui a constitué Jacob, qui deviendra Israël, et cette foi qui nous est demandée aujourd’hui. Comme le dit le Cantique des Cantiques, cette foi se décline dans l’Amour. L’amour, c’est à dire plus qu’un sentiment, une relation d’être à être, car lorsque Marie est dans la foi, elle n’est pas dans un amour éthéré, mais vraiment dans un amour de son Seigneur à son Seigneur. " Mon Seigneur, mon Dieu, aide-moi à découvrir ce que je dois être pour Toi dans ton plan." 


Marie, Mère de Dieu, est Mère de l’Eglise parce qu’elle nous introduit profondément dans notre vocation de baptisé. Le baptisé n’est pas simplement celui qui pourrait se qualifier de chrétien, comme on pourrait être autre chose, mais véritablement le baptême nous fait entrer dans l’Eglise comme Chrétien en tant que ceux qui doivent faire naître en eux le Christ. Nous sommes tous enfants de Dieu, mais, par le baptême, nous allons mettre au monde le Christ. Telle est notre vocation ! Et Marie nous initie à cela, comment faire naître le Christ en soi par la foi ? Et la foi de Marie n’est pas une foi toute simple, voire simpliste comme on a pu nous la présenter, mais la foi de Marie, c’est d’être la porte-parole ; celle qui donne son corps, va se laisser insuffler. Notre vocation de baptisé est de nous laisser insuffler, de nous laisser inspirer, de faire que notre humanité devienne un chemin de rencontre avec le Seigneur. 


Regardez notre monde. On pourrait dire qu’il va mal. Nous perdons les repères. Mais de toute époque, le monde a semblé aller mal, car si nous ne sommes pas dans cette grande inspiration, nous pouvons dire que rien n’a de sens, que tout est le fait du hasard, tout s’entrechoque, où allons-nous ? Mais depuis toujours, il y a cette capacité à trouver cette grande inspiration pour ceux qui ont la foi. La foi n’est pas une croyance, la foi n’est pas simplement de dire :je crois en un Dieu. La foi est véritablement cette fidélité (fides), fidélité à une inspiration.


Aussi, mes amis, en cette grande fête de la Nativité de la Vierge, nous pouvons nous interroger : à partir de quel moment je me suis senti personnellement inspiré ? Comment mon baptême est-il devenu une réalité ? Suis-je seulement l’enfant d’une éducation chrétienne, ou, à un moment donné, ai-je fait ce basculement pour rencontrer mon Seigneur et le contempler dans une intimité ? Intimité dans la prière, où je vais l’entendre, et l’entendre, pas simplement dans le texte sacré, l’entendre pas seulement dans cette émotion profonde qui émane de mon corps, mais l’entendre dans cette récapitulation des événements vécus en famille, en vie conjugale, dans les relations professionnelles, dans tout ce qui nous entoure et tout à coup tout devient, non pas un champ dévasté où tout semble incohérent, mais au contraire, comme une énigme où on perçoit de plus en plus cet appel incessant : Où es-tu ? Où es-tu mon enfant ? 


Comme Marie l’a entendu, Où es-tu Marie ? Nous sommes tous convoqués. Où es-tu ? Où es-tu dans tes relations professionnelles ? Où es-tu dans tes relations interpersonnelles ? Où es-tu avec ton voisin ? Où es-tu avec ton ami ? Où es-tu en tant que chrétien ? Es-tu signe d’espérance ? Es-tu signe de vie ? Es-tu signe de fécondité ? Alors oui, tu deviens un chant d’amour qui n’est pas simplement une émotion, mais une capacité à recommencer le monde, à retisser les liens, à faire que cette création puisse prendre toute sa dimension. Et là véritablement, mes amis, si nous répondons à cet appel, nous sommes mariaux, nous devenons des êtres inspirés comme l’a été Marie et nous entrons dans cette virginité : la terre qui n’est pas souillée en nous, le terre qui n’est pas souillée par le vieil Adam. Comme Abraham nous allons pouvoir ouvrir la fécondité, comme Sarah qui n’était pas capable d’enfanter, nous allons pouvoir réenfanter le monde. On ne cesse de nous dire que le monde est désenchanté. Le réenchantement passe par l’accueil de l’Esprit, par ce souffle divin, comme Marie a su le faire. Regardez à quel point, dans son chemin, elle est restée humble. Elle apparaît comme celle qui a échoué, puisqu'elle conduira son Fils jusque sur la Croix et elle pleurera au pied de cette Croix son Fils brisé. Mais, ô combien la foi de Marie n’a jamais été brisée et dans cette fidélité dans sa foi, elle a montré le vrai chemin de la rencontre car jamais elle n’a douté.


Portons cette foi de Marie et devenons de véritables baptisés, c’est-à-dire des aimants du Seigneur, capables d'enfanter le Christ pour l’homme de ce monde du XXIème siècle. 


Alors oui, nous serons réellement des inspirés de Dieu. Amen