Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani) - dimanche 12 octobre 2014


Dn 9, 14 à 19
1Co 1, 4 à 8
Lc 5, 17 à 25



Mes amis, comment entrer ce matin dans l’Evangile du paralytique ?
Selon la présentation de St Luc, il est assez intéressant d’entendre que ceux qui portent la civière n’arrivent pas à accéder à Jésus et cherchent un passage. Chercher un passage, c’est vraiment chercher ce mouvement de Pâques, la Pescha, passer. Comment passer ? 


Cette première question est essentielle. Cette année, notre Evêque nous a demandé de réfléchir sur la question de la fraternité. Comment vivons-nous la fraternité, véritablement, déjà entre nous, dans notre communauté paroissiale, dans notre Eglise, pour la partager, la propager, la proposer autour de nous dans le monde qui nous incombe, c’est-à-dire là où nous sommes, très concrètement ?


Pour vivre la fraternité, la première question est de s’interroger sur : comment passer ? Comment passer les uns vers les autres ? Mais pas seulement passer de manière très superficielle, mais passer en profondeur. Cet épisode du paralytique devient intéressant parce qu’il s’agit de faire passer le paralytique. Autrement dit, pour entrer en relation de fraternité les uns avec les autres, il faut arriver à faire passer ce paralytique qui est en chacun de nous.


Dimanche dernier, nous avons médité sur les deux grands commandements " tu aimeras ton Dieu et tu aimeras ton prochain " et nous disions que la véritable signification, n’est pas de dire : tu aimeras ton prochain comme toi-même, mais tu aimeras ton prochain car il est toi. Dès lors, faire passer ce paralytique, c’est accéder à ce qui est paralysé en l’autre et accéder à ce qui est paralysé en soi. Ce travail de recherche de ceux qui portent le paralytique pour trouver le lieu du passage, c’est vraiment la fonction de l’Eglise : chercher la brèche qui va devenir passage, la brèche qui va devenir Pâques, la brèche qui va donner une ouverture nouvelle et qui fera que, ni les uns, ni les autres ne resteront engoncés dans leur paralysie, mais pourront accéder à cette Parole qui libère, à ce Verbe fait chair, à Celui qui réellement est là pour nous relever de toutes nos blessures quelle qu’en soit la nature.


Dans un deuxième temps, Jésus va effectivement guérir le paralytique. Ce faisant, il se trouve en contradiction avec la loi, au sens où il apparaît d’une prétention redoutable puisque, guérissant, il accompagne ce geste de la parole " tes péchés sont pardonnés ". 


Là, nous sommes non seulement dans ce mouvement de passage, la fonction de l’Eglise étant de trouver la route qui va nous permettre d’accéder à notre blessure et à la blessure d’autrui, blessures qui vont devenir le manque par lequel on va pouvoir aspirer au Divin, mais il y a la fonction où, ayant trouvé cette route, ce chemin, pour accueillir le Christ, nous entrons dans ce qu’est par nature l’Eglise, le sacrement. 


Le sacrement c’est toujours un geste, un acte accompagné d’une parole.
Le geste du Baptême, c’est l’eau ; et la parole talikatoumi, relève-toi d’entre les morts, car aujourd’hui tu ressuscites avec le Christ. 


Le geste du sacrement de Mariage c’est la rencontre de deux êtres dans l’échange des consentements et la parole devient : par cet amour, nous signifions l’amour au monde. 


Le geste du sacrement de Confirmation est l’imposition des mains, mais la parole, c’est dire : aujourd’hui tu es réintégré dans l’amour primitif, dans l'amour premier de ton Dieu.


Nous percevons que dans chacun des sacrements, il y a toujours le geste et la parole par lesquels nous entrons dans la corporéité du Christ, Celui qui se donne à nous. Ce Christ est présent dans la personne de Jésus, mais il est au-delà de la personne de Jésus, car permettant au paralytique de retrouver la marche, c’est-à-dire le mouvement, et entendant la parole,- tes péchés sont pardonnés -,Jésus agit en tant que Christ, dans sa personne humaine. Mais il est Christ dans sa personne divine, dans sa personne au-delà de sa corporéité, il est déjà dans la gloire parce que, ce faisant, posant ce geste et disant cette parole, il nous introduit dans la réalité du Christ par l’Eglise. Il devient déjà l’Eglise, il devient déjà ce corps mystique qui va nous entraîner et nous ne pourrons pas rester comme désintéressés par cet acte qui se passe en se disant : "c’était il y a deux mille ans, ils ont eu de la chance, mais aujourd’hui nous ne sommes pas concernés." Mais, en réalité, ce mouvement de recherche du passage, c’est ce qui nous est proposé aujourd’hui en Eglise ; cette possibilité de trouver l’acte qui va nous mettre debout pour entendre la Parole de vie, c’est ce que l’Eglise nous permet de vivre aujourd’hui fraternellement entre nous, mais fraternellement avec Celui qui, se faisant homme, prenant notre condition, nous introduit dans la déification, dans la divinisation, dans la réalité divine du Père, du Fils et du Saint Esprit.


Aussi ce dialogue entre les pharisiens et Jésus, à savoir : " qui a le pouvoir de remettre les péchés du monde " ? est essentiel car, réellement, nous entrons là dans l’identité même du Christ en Jésus, et de l’identité du Christ par Jésus en Eglise, Celui qui nous sauve et nous donne accès au salut. Ainsi la fraternité dont il est question pour nous, ce n’est pas d’être dans une sorte de bienveillance les uns envers les autres, mais fraternellement cela veut dire que sortant de nous pour aller vers le frère, le frère sortant de lui pour aller vers nous, dans cette sortie, nous touchons à l’être du Christ, à l’être divin, à l’être incréé qui vient toucher notre création et qui nous met en mouvement vers ce que nous devons être profondément depuis les commencements de cette création, je veux dire depuis le temps de l’Eden.


Aussi nous pouvons entendre l’Epître de St Paul et la parole de Daniel, c’est ce mouvement de vie qui nous est proposé, c’est vers cela que nous devons nous lever et aller porter du fruit et que ce fruit demeure. 


Notre petite Eglise est tellement contestée en ce monde car nous ne sommes pas réellement orthodoxe, dans le sens d’une canonicité, nous ne sommes pas des catholiques romains, nous ne sommes pas non plus des protestants, et dans le cheminement de ce petit reste, nous ne sommes pas meilleurs que les autres ; mais nous devons apparaître comme ceux qui vont chercher ce chemin de rencontre, nous devons apparaître comme ceux qui vont réveiller le paralytique dans nos églises, nous devons apparaître comme ceux qui vont donner la matière et le Verbe pour que réellement nous soyons en mouvement de résurrection, nous devons apparaître comme ceux qui font vivre l’Eglise dans sa fonction fondamentale et en cela nous ne pouvons être que oeucuméniques, que interreligieux : mettre en mouvement tous les chemins du Christ qui conduisent à sa personne. C’est cela notre vocation, c’est cela notre fondation, c’est en cela que, méditant sur la fraternité cette année, nous devons être dans cette vérité qui nous décorsette de nous mêmes pour vivre l’altérité fondamentale, ce Dieu qui se dit toujours autrement et qui nous dit : " deviens l’autre pour toi même et pour ton frère." Amen