Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani) - dimanche 29 septembre 2013


Za 3, 1 à 5

Éphésiens 4, 22 à 28

Matthieu 22, 1 à 14


L’Évangile de St Matthieu ce matin nous invite, me semble-t-il, à aborder deux versants : deux versants de la foi, deux versants de la liturgie eucharistique, deux versants de notre chemin spirituel. Le premier versant, c’est d’abord celui de l’appel. Nous ne sommes pas venus par nous-mêmes, ce matin. Nous ne sommes pas des Chrétiens par nous-mêmes ; mais nous sommes des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards, inscrits dans la foi parce qu’appelés, choisis. C’est d’ailleurs le chapitre 15 de l’Évangile de St Jean qui nous le rappelle par ces propos de Jésus « ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis, qui vous ai institués pour que vous alliez, et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure ».

Dès lors, le premier versant de ce que nous avons entendu dans cette parabole que Jésus nous propose, c’est réellement cette dimension de l’appel : comment nous laissons-nous appeler. Et là, sans tomber dans la culpabilisation, effectivement on sent bien que déjà à l’époque de Jésus, il y a ces tourments, c’est à dire « oui, Seigneur, nous sommes prêts à te suivre, mais il y a le champ dont il faut s’occuper, et il y a ce monde auquel nous sommes conviés ». Et donc nous sommes dans une tension entre le désir de répondre à cet appel irrépressible du Seigneur, et puis par ailleurs, nos engagements, nos responsabilités, nos désirs d’hommes, de femmes, d’humains. Et par conséquent nous sommes toujours dans des tiraillements, et dans des dualités. Et la parabole nous présentant cette dimension de l’appel, insiste donc pour que nous comprenions que véritablement la foi, ce n’est pas simplement une espèce d’adhésion à un système de pensée, mais que nous sommes appelés par un Autre, et que cet Autre ne cesse de nous espérer, de nous convier, et de recommencer dans cet appel. Au point que certains, qui ne répondent pas à l’appel, seront remplacés par d’autres. Et plutôt que de voir une espèce de déchet qui serait fait, c’est à dire certains qui seraient laissés sur le bord de la route, et puis d’autres au contraire qui auraient répondu et qui iraient jusqu’au bout, il me semble que nous pouvons l’inscrire dans nos propres histoires. Il y a eu ces moments où nous n’avons pas répondu, où nous sommes restés au bord de la route. Et puis il y a ces moments où nous nous remettons en route. Et finalement, autant ceux qui sont délaissés que ceux qui sont invités, sont les mêmes. Et nous voyons là toute la pédagogie divine qui se déploie, et qui nous dit que c’est toujours et encore possible. Et là alors, dans ce premier versant, nous saisissons à quel point la promesse qui avait été faite à Abraham par Dieu : « Ta descendance sera aussi nombreuse que les étoiles dans le ciel », cette promesse, elle est passée par la pédagogie divine au travers de la loi mosaïque. Le Seigneur a donné cette loi, et par cette loi il a essayé d’éduquer son peuple, et à travers ce peuple, d’éduquer l’humanité. L’éduquer à l’éveil, à l’écoute, à être prêt à entendre pour répondre à l’appel. Oui, ce premier versant, c’est vraiment l’éducation pour répondre à l’appel, pour répondre à l’invitation. Car nous sommes des êtres convoqués, élus.

Et puis il y a le deuxième versant. Ce versant qui est tellement étonnant : un homme est là, mais il n’est pas revêtu de la robe des noces. Quelle est donc la signification de cette robe des noces ? Alors immédiatement nous allons dire « mais bien sûr, c’est la robe des baptisés ». Mais s’agit-il simplement d’un signe qui correspondrait à un culte ? À une sorte d’expression religieuse ? La robe des noces, mes amis, c’est peut-être bien sûr, le signe du baptisé, mais cela va bien au-delà. La robe des noces, c’est le temps de l’Église. C’est à dire le temps où non seulement je me suis laissé convoquer, appeler, mais je me laisse recréer. C’est à dire que je vais me laisser travailler par plus que moi, par plus grandque moi, par le souffle divin qui passe en moi, qui passe en l’autre, qui passe en nous, l’Esprit Saint. Et là bien sûr résonne alors cette parole de l’apôtre dans son épître aux Éphésiens, « quittez le vieil homme, revêtez l’homme nouveau ». Et cette parole, nous ne pouvons pas simplement la réduire à entendre qu’il nous faudrait être meilleurs en ne volant pas, en ne tuant pas, en ne mentant pas. Mais bien plus fondamentalement, si tu as été élu, choisi, que fais-tu de ce choix ? Et donc, comment es-tu traversé par ce souffle qui fait de toi un être nouveau ? Tu ne t’appartiens plus, tu n’est plus à toi-même, tu n’est plus à la vieille humanité, mais tu es à l’humanité nouvelle. Et là alors, nous passons le cap de la pédagogie de la loi mosaïque, et nous saisissons pourquoi St Paul dira « ce n’est plus de l’ordre de la loi, c’est de l’ordre de la foi ». Oui, nous devons passer par la loi de Moïse, nous devons passer par des préceptes religieux, nous avons besoin de l’Église, nous avons besoin des institutions, et cela pour entrer dans cette loi ontologique : le Christ m’habite. Et là alors, nous retrouvons la première élection, nous retrouvons la promesse qui se réalise. Depuis Abraham, tu es enfant de Dieu. Et si tel est ton état alors, laisse-toi travailler par l’Esprit, laisse-toi régénér. Et cet homme qui n’est pas revêtu de la robe, c’est celui qui est entré dans l’élection, mais il y est rentré comme un religieux, c’est à dire il y est rentré comme on entre dans toutes les institutions religieuses, pour être dans une sorte d’habitation cultuelle, culturelle, mais il n’est pas dans le saisissement, il n’est pas dans cette régénération, il n’est pas dans cette transmutation, il n’est pas dans ce Christ qui vient nous habiter, et qui fait que l’homme ancien vient à mourir, pour que ressuscite en nous l’homme nouveau.

Ainsi dans ce deuxième versant, nous pouvons alors comprendre le sens de la fête des Archanges. Car l’Archange St Michel n’est pas simplement celui qui va combattre le mal, comme on le présente souvent. L’Archange St Michel est vraiment celui qui nous brise dans cette tendance à l’orgueil, où l’homme se prend pour l’égal de Dieu et où l’homme doit accepter de se recevoir d’un Autre. Et ce Dieu tout autre qui nous échappe toujours nous met dans un mouvement. Porter la robe blanche, c’est porter le Christ en nous, qui nous fait toujours aller plus loin dans la quête de ce Tout Autre.

L’Archange St Gabriel c’est ensuite celui qui nous dit que Marie qui a pu porter en elle, dans sa virginité, le Fils de Dieu, nous apprend cette Bonne Nouvelle : c’est que nous qui sommes blessés par le péché, nous pouvons renaître de cette blessure, et toucher à la virginité d’Abraham. Ainsi, avec l’Archange St Gabriel, nous entrons dans l’impossible de Dieu, où les lois humaines sont bouleversées, où tout redevient possible, où l’avenir s’ouvre et où en ce monde où l’on nous annoce toujours des catastrophes, comme le GIEC d’avant-hier, ce monde n’a pas le dernier mot. Car ce monde appartient à Dieu seul, et Lui seul ouvre l’espérance à l’homme, ouvre le Salut à l’homme.

Et enfin, l’Archange St Raphaël, qui nous dit que, pour nous permettre d’entrer dans ce chemin d’espérance et de pouvoir trouver ce Dieu tout autre, qui est toujours au-delà, il nous faut nous laisser guérir, guérir de nos maladies. Oui, nous sommes des êtres cabossés par la vie, oui nous sommes tous des êtres blessés, cabossés. Mais, dans ces blessures, le Seigneur ne nous dit pas : « je suis venu t’appeler parce que tu es bien portant », mais : « je suis venu t’appeler parce que tu es malade ». Et dans cette maladie, je te révèle l’autrement de toi-même. Et ainsi jaillit en nous l’homme nouveau.

Frères et sœurs, au travers de ces trois manifestations des trois Archanges, entendons que toute la révélation divine se donne à nous, dans cette pédagogie qui est passée par Moïse. Mais qui en Jésus-Christ nous replace dans Abraham, et fait de nous des êtres non seulement élus, mais investis de Dieu, par Dieu, et pour Lui seul. Si nous vivons ainsi, notre vie aura réellement été accomplie. Amen.