Paroisse Sainte Marie de Magdala

« La Conscience de l’Humanité est née au Ciel… » - Décembre 2013

 

Nelson Mandela est devenu, au fil du temps, la conscience de l’Humanité tout entière et ce pour trois raisons majeures. Il fut respectivement l’homme de la justice, de l’espérance et du pardon.

Le combat contre l’injustice s’est d’abord caractérisé, chez lui, depuis les années soixante, jusque dans les années quatre vingt dix, par son refus irrépressible et sa dénonciation constante du système de l’apartheid et de toutes les disparités, entre noirs et blancs, qui en découlaient. Un combat où nombre de ses amis y perdirent la vie et où, lui-même, devait y engloutir vingt sept années de son existence, croupissant dans les geôles des Afrikaners. Il n’acceptait pas de se soumettre à un système injuste, à des lois iniques, à un ordre non naturel qui consistait à institutionnaliser la ségrégation en fonction de la couleur de peau des personnes. Certes, il ne fut pas l’apôtre de la non-violence à l’image de Martin Luther King, mais il ne cherchait pas tant à promouvoir la haine contre les Afrikaners, qu’à réclamer l’égalité entre les êtres, au-delà de leur appartenance ethnique et culturelle.

Il fut ensuite l’homme de l’espérance. Durant vingt sept longues années, il resta debout dans ses convictions, malgré l’internement dans une cellule si étroite, qu’il y avait de quoi perdre la raison et la foi. Emprisonné, du fond de son cachot, tel Jean le Baptiste enchaîné et hurlant à Hérode son infamie, Mandela n’a cessé de crier son indignation sans jamais désespérer. La figure de cet homme est alors devenue celle du symbole de la foi, qui ne dévie pas de la voie droite et qui inscrit le temps dans une espérance que le destin ne puisse qu’aboutir à une résolution positive. Mandela a, de la sorte, incarné la foi et l’espérance, en demeurant vivant et inspiré, malgré l’instinct de mort inoculé par un régime détestable dans le concert d’une humanité hypocrite.

Il s’est, enfin, révélé comme l’homme du pardon, en devenant Président de l’Afrique du Sud. Son obstination aura été de pardonner à ses anciens bourreaux et d’œuvrer à la réconciliation des communautés anciennement ennemies, pour en faire une nation, un peuple uni. Il s’est heurté à l’incompréhension de beaucoup et, notamment, de ses plus proches. Mais il a porté ce message avec passion, en signifiant que le pardon soulage l’âme et libère l’esprit de l’homme. Ainsi, a-t-il souhaité l’Afrique du Sud Arc-en-ciel. Le pardon présenté comme l’expression de la véritable libération. Quand des religions entières déclinent des mots depuis des siècles de façon vide et stérile, des hommes, en leur pauvre singularité, réalisent des actes par leur courage et leur engagement et créent ainsi l’Histoire Sainte et montrent le sens du chemin en Dieu. Mandela est de ceux-là !

Ces trois caractéristiques de la vie de Mandela font réellement de lui la nouvelle conscience de l’humanité. Il nous délivre un message essentiel. Un seul homme, s’il est habité de la conviction de la justice et de l’amour, peut transformer la vie de millions d’autres. En une époque où les religions s’arc-boutent sur leurs convictions canoniques et dogmatiques, contemplons cette figure pour y trouver l’inspiration à la recherche de la justice, de l’espérance et du pardon. Car, en écho à ce chemin de Mandela, nous avons, nous aussi, à combattre nos propres formes d’apartheid !

Ainsi, notre combat pour un Christianisme épuré des condamnations et des sentences étroites s’inscrit dans ce combat pour la justice. Notre foi dans le Christ n’est pas le chemin d’une morale de la vérité, mais l’expérience de la vérité de l’Amour qui fait rejoindre l’Homme, en sa question ontologique et existentielle, afin de lui révéler qu’il est aimé au-delà de tout. Entendre les paroles du Maître nous interpeller : « J’ai eu faim, j’ai eu soif, j’étais malade ou en prison… » et toi, où étais-tu ? La radicalité de la question ramène la foi, non à l’académisme de quelques théologiens cloisonnés dans leurs certitudes sectaires, elle appelle à vivre le grand large de la liberté de l’audace dans l’amour. À l’image de Marie, Mère de Dieu, oserons-nous répondre : « Me voici Seigneur, qu’il m’advienne selon Ta Parole ».

Autour de la dépouille de Mandela, la comédie humaine s’est déversée dans ces spectacles de tous ceux qui, dans leur silence, ont longtemps cautionné l’ignominie de l’injustice et dont, à présent, les postures révèlent toute l’hypocrisie et le mensonge d’un monde de l’apparence.

Veillons à garder le véritable héritage de Mandela en portant haut le flambeau de l’amour et de la dignité, en œuvrant à la promotion de la justice, dans l’espérance, tout en pardonnant aux contrevenants de l’Amour.

Et, surtout, entendons, avec Mandela, que rien, en ce monde, ne peut se réaliser, sans l’engagement de chacun. Car, l’inachèvement de la création, est ce par quoi Dieu appelle l’homme à vivre en Alliance avec Lui, par l’engagement. Mon frère, ma sœur, tu ne seras un vivant que si tu es un homme, une femme engagé(e). Va au large de ta vie pour entendre l’inspiration de l’Esprit qui permit à Mandela d’être « le Capitaine de sa vie ».

+ Père Pierre Colombani

Prêtre orthodoxe, Docteur en théologie