Paroisse Sainte Marie de Magdala

03 juin 2018

 par le Père Pierre Colombani

     Ex 24,3-8 //He9, 11-15 // Mc 14,12-16 ,22-26

                         Le Saint Sacrement

 

            Nous sommes dans une société qui n’aime pas beaucoup les contraintes ; vous n’avez qu’à voir aujourd’hui nous ne sommes pas très nombreux ; se lever le dimanche matin pour aller à la messe, ça semble souvent comme une contrainte.

Autrefois, dans l’ancien catéchisme on présentait la messe comme une obligation. La messe n’est pas une obligation, la messe n’est pas une contrainte. La messe est un grand mystère, et on en a le désir si on a fait l’expérience véritablement de ce lien au Christ.

Ce matin c’est donc la fête de l’Eucharistie, du Saint Sacrement. Et qu’est ce à dire ?

Nous avons entendu trois textes qui reprennent me semble-t-il tout le mystère de ce que nous célébrons chaque dimanche et voire parfois chaque jour et qui peut-être nous dépasse… même nous dépasse tous quelque soit notre niveau d’étude théologique car nous sommes véritablement devant un grand mystère.

Bien avoir ce livre de l’Exode qui nous rappelait que ce peuple qui errait dans le désert, ce peuple qui avait été anciennement esclave et qui allait vers la Terre Promise, ce peuple donc, en errance, reçoit ces Paroles divines. Et par ces Paroles qu’il va recevoir au travers de Moïse, il va y avoir cette injonction de célébrer cette Pâque au travers du Pain et du Vin. Le pain qui n’a pas eu le temps de lever tellement ils étaient dans la précipitation pour sortir de la maison d’esclavage. Le vin qui est en réalité est le sang ; le sang de l’agneau par lequel on a été protégé de la malédiction qui n’est pas tombée sur les maisons des Israélites, des Hébreux. Ainsi, nous avons par ce premier texte, l’évocation de ce grand symbole : le pain sans levain, le pain non levé, le pain de la précipitation pour aller en courses vers la Liberté. Ce sang qui est comme une protection qui permet donc, de laisser passer tout ce qui pourrait être maléfique et qui permet à ce peuple d’être en protection. Cette Pâque était donc célébrée toutes les années par le peuple Juif, et elle l’est toujours… Et au moment où Jésus rassemble ses amis avant sa propre Passion, il propose de vivre la Pâque à son tour. Et se faisant, l’Evangile de Marc nous donne une petite indication où Jésus dit : « Vous trouverez un homme qui portera une cruche d’eau ». Ce détail peut nous échapper, mais ce détail n’est pas sans nous renvoyer, nous rappeler un autre passage dans l’Evangile de Jean ; Jean qui fait commencer le ministère public de Jésus dans l’eau transformée en vin. Ainsi, cet homme qui porte une cruche d’eau porte d’une certaine façon la quête de la vie, car l’eau c’est la vie. L’eau c’est la vie, et l’homme qui porte l’eau, c’est celui qui est en quête de vie. Comme l’étaient ces jeunes mariés qui allaient faire la fête et qui tout à coup allaient manquer de vin ; et ce vin on allait pouvoir le transformer, mais à partir de l’eau : On va remplir six jarres, six cuves d’eau qui nous rappellent les 6 jours de la création, autrement dit, ce processus où nous sommes dans le règne du minéral, du végétal de l’animal, tous les règnes qui aspirent à la vie. Cet homme qui porte cette cruche d’eau, c’est comme la symbolisation de ce monde en quête de vivant… Mais qu’est-ce que la vie ?

Et c’est là que nous basculons alors dans la deuxième Alliance, que nous basculons véritablement dans cette Eucharistie : Le Christ va instituer véritablement la nouvelle Pâque.

La Vie, ce n’est pas simplement de vivoter, de subir les évènements quand ils viennent heureux, malheureux et de faire en sorte que Bon an, mal an, nous puissions avancer. La vie c’est tout autre chose, la Vie c’est le Don ; le don de soi à l’autre. Cette Vie, elle est révélée au tout commencement de la Bible, au tout commencement de la Création. Dieu donne la Vie en permettant l’éclosion de la Création ; et le grand Bonheur que nous pouvons vivre mes amis, c’est de comprendre à travers ce Don de Dieu qui nous offre la création dans le minéral, dans le végétal, dans l’animal, dans l’humain, dans tous les plans les plus subtiles, ce Don de Dieu nous invite nous-même à donner, à devenir des Vivants. Et ce don, le Christ va le signifier en donnant sa propre vie, non pas comme un kamicase qui irait se suicider. Mais donner sa vie, cela veut dire qu’il va aller jusque dans la mort pour dire la grandeur de l’homme, jusque dans la mort, pour dire la beauté de la vie. Quand bien même vous me tuerez, je crierai encore la beauté de Dieu, la grandeur de Dieu. Dieu au-delà de toutes les morts que vous voulez infliger vous les hommes. Ainsi, le sang du Christ mes amis, ce n’est pas un rituel qui reprendrait les anciens rituels tels qu’on les faisait dans les anciennes religions en sacrifiant au mieux des animaux et ou pire parfois des humains ; mais ce sang, c’est véritablement l’expression symbolique qui signifie : « Si tu veux être vivant comme cet homme qui portait la cruche d’eau ; si tu veux être vivant, soit capable de te donner, de donner ta vie. Donner sa vie dans l’amitié, donner sa vie dans la vie conjugale, donner sa vie dans la vie familiale, donner sa vie dans la vie politique, économique, culturelle, religieuse. Donner sa vie…autrement dit : donner le meilleur de soi. Quel que soient nos talents, nos charismes, donner ce dont nous sommes dépositaires et par là permettre la vie, la vie de l’autre qui est manquant, qui est mendiant de ce dont nous sommes dépositaires ; et nous-mêmes, nous sommes mendiants de ce que l’autre est dépositaire et qui vient à nous manquer à nous-mêmes.

Ainsi, l’Eucharistie mes amis, nous fait revenir au sens profond du symbole ; non pas une simple image, mais symbole -> symbolium ; ce qui est divisé, épart et qui lorsqu’il se rassemble prend toute sa signification, tout son sens : Qu’est ce qu’un homme sans une femme ? qu’est-ce qu’une femme sans un homme ? Qu’est-ce un ami sans l’autre ami ? Qu’est-ce un conjoint sans l’autre conjoint ? Qu’est-ce un parent sans son enfant ? Qu’est-ce un enfant sans le parent ?

Et ainsi, l’eucharistie est véritablement l’invitation à être dans le don ; mais pour vivre le rassemblement, l’unification, la récapitulation de tout ce qui était épart pour signifier la Vie…la Vie, encore la Vie. Et ceci se passe au travers d’un peu de pain, d’un peu de vin ; autrement dit au travers de quelque chose qui pourrait apparaître tellement insignifiant ; et qui pourtant fait le cœur de notre repas. Et par ces éléments tellement insignifiants, Christ nous dit : « Le don de soi n’est pas d’un ailleurs, n’est pas dans un acte extraordinaire, le don de soi se fait dans les replis de la quotidienneté de l’histoire. C’est là, que vous êtes attendu, c’est là que vous pouvez vivre l’Acte Divin. Car lorsque vous vous donnerez, vous mourrez un peut à vous-mêmes, mais vous ressusciterez parce que vous accueillerez l’autre. Dans cette altérité de l’échange, vous sentirez à quel point vous devenez plus grand que vous-même ; et que vous entrez dans le processus de ce qu’on appelle la déification ; car le Divin n’est pas un barbu dans les étoiles, mais le divin, c’est cette capacité à vivre un amour qui nous tisse les uns par les autres et qui nous grandit et qui nous aspire et qui nous étire de nos petitesses pour devenir l’être nouveau, l’être debout, l’être réconcilié. Alors oui, l’Epitre de Paul aux Hébreux peut-être entendu dans le sens où véritablement cette nouvelle Alliance dans le Christ c’est une reconstruction de nouvelles. Et quand nous parlons de ce pain et ce vin qui deviennent le Corps et le Sang du Christ, quand nous parlons de la transmutation du pain et du vin en Corps et Sang du Christ, lorsque nous évoquons ce mot barbare de transfiguration ou de transmutation, ou de transsubstantiation, et bien, nous évoquons notre propre corporéité qui devient la présence divine.

N’oublions jamais que l’Eucharistie ne se réduit pas à la matière de ce pain et de ce vin que nous recevons ; mais que le Corps et le Sang du Christ est inscrit en chacun et chacune de nous.

Devenons ce Corps ! Devenons ce Sang ! Et en recevant la communion devenons l’image sacrée de Dieu en Christ. Alors oui, nous serons des Vivants. Pour la plus grande gloire du Père, comme le disait Saint Iréné.

Amen.