Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani) - dimanche 22 septembre 2013


Deutéronome 9, 14 à 19

1 Colossiens 1, 4 à 8

Luc 5, 17 à 25


Pour entrer dans cette année de la catéchèse, la Liturgie de ce jour nous propose de méditer sur ce thème de la foi. Quelle est notre foi ? L’Église nous invite à méditer ce thème à travers cet évangile de Luc, sur ce miracle du paralytique. Mes enfants, pour vous ces textes peuvent ne pas être faciles, mais je vous rassure, ils ne le sont pas plus pour vos aînés. Nous allons essayer de comprendre, dans ces trois textes, ce dont il est question.

 

D’abord, il nous est précisé dans le texte qu’il y avait beaucoup de pharisiens et de docteurs de la loi, qui étaient venus de Jérusalem et des environs, pour écouter Jésus. Et on sent bien qu’ils ne sont pas venus écouter Jésus pour ses paroles, mais bien pour essayer de le piéger, de trouver la faille. Et quelque part, ils nous ressemblent un peu. Parce que bien des fois nous disons « je crois », mais si, d’aventure, dans nos existences, quelque chose ne correspond pas à ce que nous avions voulu ou à ce que nous attendions, nous allons nous mettre à dire « Seigneur, que fais-tu ? Et puis, « Existes-tu vraiment, Dieu existe-t-Il ? »

Oui, nous sommes toujours dans cette espèce de regard critique, prêts à nous mettre en retrait, pour ne pas nous laisser saisir, pour ne pas être dans l’écoute véritable. Et ces gens-là étaient vraiment des docteurs de la loi, autrement dit ils étaient les représentants de  ce qu’il faut, ce qu’il ne faut pas, mais surtout que cela ne déroge pas aux habitudes.

Qu’est-ce qui se passe, dans cet Évangile ? D’abord Jésus dit à ces hommes, ces femmes, qui portent le paralytique : « Votre foi est belle ». En fait il ne sait pas s’ils ont la foi. Oui, ils portent un paralytique et ils ont peut-être la foi qu’Il sera un bon thaumaturge, c’est à dire un guérisseur. Mais est-ce que réellement, ils ont la foi ? En fait, il y a un petit signe qui nous est donné, un petit événement, je ne sais pas si vous l’avez bien entendu, les enfants.  Il y avait tellement de monde, qu’ils ne peuvent pas faire passer la civière du paralytique ; vous l’avez entendu ? Il y a tellement de monde que pour  accéder à Jésus, ils vont passer par le toit, ils vont défaire le toit.

Mais cela, vous voyez, c’est une image que Saint Luc nous donne, et qui nous fait comprendre qu’en fait ces hommes et ces femmes sont déjà dans la foi, ils comprennent qu’ils ne pourront pas avoir accès à la Parole de Dieu qu’est Jésus, que par l’humanité. Il va falloir passer par le haut : il va falloir passer par le toit que l’on va défaire. Autrement dit, il va falloir que nous passions par ce qu’il y a de plus haut en nous, et pour nous aussi, il va falloir, " défaire ". Qu’est-ce qu’il y a de plus haut en nous, mes amis ? Il faut que nous cherchions : c’est le désir de la vie, c’est le désir de la dignité, c’est le désir de bien faire, c’est le désir de l’absolu. Voilà, c’est cela qu’ils vont ouvrir. Et en ouvrant cela alors, ils peuvent descendre cet homme paralysé. Ainsi ces hommes, ces femmes, qui font ce travail, nous ramènent à nous, et nous disent : si vraiment tu défais en toi ta toiture, si tu défais en toi ce qu’il y a de plus haut, alors tu vas pouvoir faire descendre ce qui en toi est paralysé, ce qui en toi est mort. Et là, il va y avoir un phénomène de transformation, de régénération, de résurrection.

Ça c’est le premier enseignement que nous donne l’Évangile. Et là nous saisissons ce qu’est la foi : ce n’est pas simplement de dire « je crois, je crois ». Mais si réellement tu crois, vas-tu monter au plus haut de toi pour que tout ce qui en toi résiste, soit saisi et retourné ?

 Alors, la première question que nous devons nous poser ce matin, c’est : allons-nous nous " détoiturer " ? Allons-nous nous ouvrir de là-haut pour faire descendre cette partie paralysée en nous qui résiste : « je ne veux pas, j’ai peur, je ne peux pas, je n’y arriverai pas, à l’école j’en ai assez, je n’ai pas envie de me lever le matin, et d’aller travailler, je ne supporte plus mes parents ». Voilà, c’est tout cela qui résiste. Et vous savez, je le dis avec des mots qui vous rejoignent, parce que c’est ce que vous vivez, mais nous aussi, parfois nous n’avons pas envie d’aller travailler, parfois nous n’avons pas envie d’aller retrouver son mari, sa femme, son copain, son collègue de travail ; parfois nous n’avons pas envie de descendre en tout cela. On est comme paralysé, on n’y arrive pas. Eh bien pour y arriver, il faut que nous nous " détoiturions ", c’est à dire que nous partions du plus haut de nous. C’est cela le premier enseignement.

Le deuxième enseignement, ensuite, c’est cette confrontation avec les représentants de la loi, les docteurs de la loi, ils disent : « Comment ! mais tu fais cela le jour où c’est interdit, le jour du Shabbat  » C’est à dire qu’ils ne se laissent pas émerveiller par ce qui se passe, c’est à dire ces hommes, ces femmes, qui détoiturent la maison pour porter un paralytique, et que ce paralytique soit remis de ses péchés. Parce que Jésus va prononcer cette parole : « Tes péchés seront remis,  ils sont remis » ; ils sont ulcérés parce que Jésus ose prononcer ces paroles un jour de Shabbat, et puis surtout qu’il ose prononcer ces paroles : " tes péchés te sont remis ". Qui est-il pour cela ?

C’est très intéressant, parce qu’ils ont raison. Pouvons-nous pardonner par nous-mêmes ? Est-ce que vous pouvez pardonner à votre frère, à votre sœur, à votre copain à l’école quand vraiment ils ont été très méchants ?  Alors toi, Estéban tu dis oui, parce que tu es sans doute un petit saint, mais nous, les grands, au fur et à mesure que nous vieillissons, nous n’osons plus parler parce que nous savons que nous n’arrivons pas à pardonner. Et là les docteurs de la loi ont raison, en disant : " Mais qui es-tu pour pardonner ? Dieu seul peut pardonner ". Ils ont raison, sauf que ce Jésus, ils le regardent comme un homme. Mais s’ils comprenaient qu’il est Dieu, alors ils saisiraient pourquoi Il peut pardonner.

Et là ça nous ramène à quoi ? Ça nous ramène au fait de se "détoiturer". C’est à dire que, si nous croyons que nous allons pouvoir pardonner comme ça, par nous-mêmes, c’est comme si nous voulions avoir accès à Jésus sans passer par la toiture, en poussant les autres, et en disant : voilà, je t’emmène ma paralysie. Ça ne marche pas. Il va falloir se détoiturer, c’est à dire qu’il va falloir aller chercher le plus haut en nous, et le plus haut en nous c’est le Christ, placé en nous depuis le jour du baptême. Oui ce Christ a été placé en nous, et c’est par Lui que nous allons pouvoir recevoir le pardon, le " par-don " qui est le don parfait. Je ne te pardonne pas de ce que tu as mal fait, puisque c’est mal fait, il va falloir le refaire, ça, c’est indiscutable. Si tu as menti, le mensonge est haïssable, c’est indiscutable. En revanche, le pardon c’est que tu vas pouvoir refaire parce que tu vas aller puiser au don parfait. Et le don parfait, c’est Dieu, que le Christ nous révèle et que nous portons en nous, tous, si nous nous laissons " détoiturer ".

Alors, comme ils sont très lourds, comme nous, parce que nous ne comprenons pas toujours, il va aller plus loin, et il va dire, à cet homme : « Lève-toi et marche ». Mais ce n’est plus simplement la guérison d’un simple guérisseur, d’un thaumaturge, mais c’est véritablement Celui qui nous fait comprendre qu’au travers de cette guérison Il nous guérit de tout, Il nous remet en marche. Et que le pardon des péchés, c’est vraiment d’aller puiser au don parfait pour retrouver en nous une perfection qui nous rend beaux, grands, forts.

Alors dans la première lecture, tirée du livre de Daniel, qu’est-ce qui se passait ? Au deuxième siècle avant Jésus-Christ, le roi de Syrie, qui s’appelait Antiochus III Épiphane, est venu détruire  et piller le Temple de Jérusalem. Alors le prophète Daniel, plutôt que de dire « c’est injuste, si Dieu existait ça ne se ferait pas ! », essaie de comprendre :« Mais si ça arrive, est-ce que nous n’avons pas failli dans notre foi ? ». Et quelque part il va faire comme ces hommes et ces femmes, il va se "détoiturer", il ne va pas vouloir dire directement à Dieu : « Mais enfin, tu as donné une Parole qui nous annonçait que nous étions un peuple libre, que tu es venu nous libérer de l’Égypte, de l’esclavage ; et aujourd’hui nous sommes devenus les esclaves de ce nouveau roi de Syrie ». Non, il va se dire « si ça arrive, c’est que c’est nous qui avons péché ». Et se détoiturant, alors, il va dire « Seigneur, ce n’est pas à cause de ce que nous avons pu, à un moment donné, faire de bien que je te demande la miséricorde, mais c’est à cause de ton Saint Nom, Toi qui n’est que le don parfait, le don parfait qui veut dire le pardon ; regarde où nous en sommes et viens nous relever ».

Et Saint Paul, dans son épître aux Galates, va ramasser tout cela en disant : « Affermissez-vous dans la foi, seul le Christ peut vous affermir, seul le Christ peut vous donner cette puissance de marcher sur le chemin et de toujours aller chercher dans la foi le don parfait, pour être des hommes et des femmes debout ». Et ainsi dans cette épître, Saint Paul nous fait comprendre que la foi c’est une recherche. En ouvrant cette célébration j’ai donné à quelques-uns d’entre vous un article qui paraîtra dans quelque temps sur notre site, ( je regrette d'ailleurs que  que si peu d'entre vous aillent visiter le site de la paroisse,) et dans cet article je cite le Pape François qui ces jours-ci disait quelque chose d’essentiel, il disait : « Attention, la foi ce n’est jamais acquis ; celui qui dit je crois sans douter n’est pas un croyant ; le croyant c’est celui qui cherche, le croyant c’est celui qui doute, le croyant c’est celui qui se remet en question, le croyant c’est celui qui discerne».

Eh bien, frères et sœurs, et j’en terminerai par là, pour être des hommes et de femmes " détoiturés ", pour être des hommes et des femmes accueillant l’Esprit par le haut, pour descendre dans la bassesse de nos paralysies, il nous faut être constamment sur ce chemin du recommencement, et demander la foi et l’espérance en disant à ce Seigneur « aide-moi, puisse-tu être pour moi cette énergie qui m’affermit dans ce que je recherche ». Alors je vous le dit, nous serons comme ce paralytique, nous pourrons prendre notre civière et aller dans "Beit", c’est à dire dans notre maison intérieure, et y retrouver l’Arbre de Vie perdu,         Amen.