Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani) -  1er dimanche de l'Avent - 13 novembre 2016

 


Mes amis, nous entrons dans le temps liturgique de l’Avent.


La liturgie nous fait revivre tous les grands moments de l’année. L’Avent est un temps essentiel, car c’est un temps qui vient nous interroger sur notre capacité à vivre la vertu théologale de l’Espérance.


Quelle est notre espérance en ce monde ? Non pas l’espoir, qui pourrait être broyé ici ou là par tel ou tel événement, de nature politique, économique, sociale, culturelle, religieuse, …mais l’espérance, car quoiqu’il advienne, nous savons que nous sommes aimés, sauvés parce que, à un moment donné, non pas nous avons cru en une religion, en un Dieu, mais nous nous sommes sentis rejoints, appelés. C’est ce que je ne cesse de vous proposer au travers du thème de l’événement fondateur.
L’événement fondateur de notre foi, ce n’est pas une simple croyance, mais ce que, tout à coup, nous avons été saisis par un appel.


La liturgie de ce matin vient nous faire redécouvrir ce sens profond de l’appel. Si nous sommes là, c’est que nous avons été des appelés. Le chrétien ne peut pas dire « je crois », s’il n’a pas vécu cette expérience de l’appel. Un appel que l’on peut entendre directement par le Seigneur, à travers la prière, dans les relations que nous vivons avec nos amis, parents, familles, éducateurs, ce que l’on va appeler la transmission de la foi.


Dans l’évangile de St Jean, que nous avons entendu, on voit que Jésus va constamment appeler. Mais son appel est relayé aussi par les premiers disciples, les premiers apôtres. C’est bien André, qui, saisi par l’appel du Seigneur au travers de son maître, Jean le Baptiste, va lui-même appeler son frère Simon. C’est Philippe, qui, appelé par le Seigneur, va lui-même mettre en route Nathanaël. Ainsi, l’appel du Seigneur est à la fois direct, d’ordre vertical, dans le saisissement du cœur intérieur, et aussi dans l’horizontalité de notre histoire et de nos histoires, nous sommes en charge de cette transmission de la foi. Au delà de nos humanités, nous devenons des appelant les uns pour les autres.


La grande question posée à travers cet appel, c’est le thème de la liberté. Nous ne sommes libres que si nous savons entendre l’appel et répondre à cet appel.


En ces temps très marqués par le New Age, on entend que nous serions prédestinés par des histoires ou une histoire. Le philosophe, Emmanuel Lévinas, aimait à dire que l’Histoire ne précède pas le destin, mais suit le destin. Autrement dit, nous sommes en capacité d’inventer notre histoire, parce que le destin qu’est le nôtre, n’est pas pré établi, écrit, mais il va être déterminé par notre capacité à entendre l’appel du Seigneur et à y répondre. S’il y a une forme de prédestination, c’est l’amour absolu, radical de Dieu qui, partant de cette nature d’amour, ne cesse de nous appeler. Au vu de cette blessure de l’homme, que l’on appelle le péché, c’est-à-dire, une forme d’amnésie qui nous empêche de viser l’essentiel, le Seigneur vient nous visiter. Ce sera le sens de l’Emmanuel, Dieu parmi nous. Il vient nous visiter et dans cette visitation, il nous appelle, nous interroge, nous interpelle. Notre capacité à répondre à cet appel fera de nous des hommes et des femmes, des jeunes, des enfants, des vieillards libres, car la liberté, ce n’est pas d e dire je fais un caprice et je veux ceci ou cela, mais la liberté, c’est d’être capable d’entendre l’appel de Dieu et de répondre, car répondre à l’appel, c’est répondre à la vie.


Ainsi, nous percevons mieux, avec plus d’acuité, la portée de cette première lecture, tirée du Livre du prophète Isaïe. Le prophète, dans cette vision nous parle de cette conscience qu’il a eu de la distance qu’il y a entre le fait d’être appelé et de contempler l’immensité de l’amour de Dieu, de la sainteté qui vient de lui, et la misère, la pauvreté de nos réalités humaines. Dans cette distance, il s’est senti comme écrasé et il a eu cette vision de cet être spirituel qui venait mettre un brasier sur ses lèvres. Cette image du brasier qui enflamme les lèvres, c’est l’image de l’Esprit Saint, parce que, par moi-même, je ne serai pas capable de répondre « me voici, Seigneur » et de discerner l’appel, de répondre à cet appel, mais je puis entendre l’appel et y répondre, si, par le baptême que j’ai reçu, je vais trouver en moi cette fleur que l’on appelle le Souffle d’en haut, le Souffle du Père, l’Esprit Saint. Si je prie l’Esprit, je pourrai lui demander la grâce d’entendre celui qui ne cesse de m’appeler, de m’investir et de me mettre en route. 


Le grand théologien et exégète Chouraqui, d’origine juive, avec la grâce de l’hébreu a fait un lien entre le bonheur et le fait de se mettre en route. Ainsi, il traduit les béatitudes par en marche au lieu de heureux. Le plus grand bonheur, c’est de nous mettre en marche, de répondre à cet appel qui va venir nous signifier qui nous sommes. Nous ne sommes pas une identité à partir de laquelle nous ferions quelque chose, mais notre identité va se décliner dans notre capacité à se mettre en route. En ce sens, nous pouvons entendre l’appel de Simon pat Jésus « désormais, toi qui a été appelé par ton frère André, je te reconnais comme appelé et tu ne seras plus Simon, mais Képhas, Pierre.


La vocation s’inscrit dans la capacité à répondre à l’appel, parce que la vocation, c’est tout à coup, entendre que le chemin que nous prenons va dire ce pourquoi nous sommes ici. Je ne peux pas me réduire à ce que moi je crois, à ce que moi je veux dans ma petite famille, dans mes petits projets, dans ma petite Eglise, dans ma petite religion, mais je dois me mettre sur un chemin où, constamment, je vais être déplacé. De déplacements en déplacements, je vais pouvoir vivre la rencontre de la Terre promise. O combien nous devons vivre la patience, dont parle l’Epître de St Jacques. La patience, c’est cette force de croire que, quoiqu’il advienne, quelles que soient les embuches du chemin, nous sommes appelés, promis et nous ne pouvons pas désespérer. Parce qu’il y a eu ce choix, cette promesse, je dois, nous devons rester des hommes et des femmes debout, proclamant la dignité de la personne humaine, la valeur de la vie, le sens de la communion, de la solidarité, le respect de la nature qui nous environne, parce qu’elle fait partie intrinsèquement de ce que nous sommes et de ce pourquoi nous sommes. Toutes ces déclinaisons s’inscrivent ainsi dans cette vertu théologale de l’Espérance.


Soyons donc, par cette patience, pleins d’espérance, car quoiqu’il advienne, tout se réalisera. Mais pour que tout se réalise, encore faut-il que mon histoire suive mon destin et mon destin, ton destin, mon frère, ma sœur, c’est que tu as été appelé et que cet appel donne tout le sens de ta vie. Alors lève-toi et marche à la suite de celui qui nous dit : vous verrez de grandes choses encore, vous verrez le Fils de l’homme s’élever et descendre ses anges. Ainsi la gloire de l’homme, c’est de contempler le Dieu vivant qui fait de nous des êtres vivants. Amen