Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani), dimanche 23 décembre 2012

Recteur de la paroisse 

6ème dimanche de l'Avent 


Isaïe 11, 1 - 9 

2 Théssaloniciens 2, 1 - 8 

Luc 1, 26 - 38


Frères et soeurs, comment allons-nous accueillir ce matin cet Évangile de saint Luc : L'annonciation faite à Marie. Nous arrivons, pleins de ce monde avec ses questions, ses tribulations ; beaucoup de nos contemporains sont encore pétris de cette peur de la fin du monde. Nous sommes tous marqués par les propos des médias sur la crise, sur les violences, et nous voici à la veille de Noël écoutant ce passage tellement connu, pour nous, l'annonciation faite à Marie. 

Oui, comment allons-nous accueillir ces Paroles ? Je vous propose d'abord de vous rappeler que Marie est le prototype de la nouvelle humanité, elle est le prototype des nouveaux croyants, du nouvel homme, de l'anthropos véritable. Oui Marie nous montre le chemin, elle est l'exemple en ce qu' elle a su s'étonner et en même temps accueillir cette Parole là. Mais si Marie est le prototype c'est que, en sa personne, elle résume ce que nous devons vivre, et que nous pouvons vivre, ce qui nous est proposé de vivre. D'abord il y a cette visitation faite à cette jeune fille, et là, cela nous replace dans ce qu'a été pour nous tout ce temps de l'Avent. Si Marie est capable d'écouter l'ange, d'accueillir l'ange, c'est qu'elle est dans ce désir messianique, elle est dans l'attente de la venue d'un Sauveur. Elle n'est pas simplement, humainement, plus ou moins dans une foi, mais elle est dans une quête, un désir profond, et c'est parce qu'il y a ce désir qu'elle va pouvoir entendre frapper, à la porte de son âme, de son esprit, de son coeur, Celui qui se présente comme l'ange Gabriel. Oui, mes amis cela nous renvoie à notre propre cheminement parcouru au cours de ces six semaines, le temps de l'Avent c'est le temps de la quête, c'est le temps de l'attente, et nous l'avons dit et redit : Quelle est mon attente du Christ ?. Quel est mon désir de toi ô mon Seigneur ? Suis-je dans le désir d'être sauvé ? Et si oui, ai-je conscience de ce besoin de salut ? le salut dans quel domaine, quels sont les espaces de ma vie où j'ai besoin d'accueillir ce salut, où j'ai besoin de T'accueillir pour être révélé, où j'ai besoin d'être avec toi pour vivre cette restauration. 

Et puis il y a ce dialogue étonnant de l'ange avec Marie. Il lui annonce qu'elle va porter le fils de Dieu en elle. Et Marie de dire: " comment cela se peut-il puisque je suis vierge ". Deuxième temps de réflexion mes amis : La virginité de Marie doit nous amener à contempler nos propres virginités, car c'est dans la terre qui n'est pas ensemencée, dans la terre qui n'a pas été blessée par la semence du monde, par l'esprit du monde, que va pouvoir se vivre la rencontre entre nous et Dieu. Oui, Marie en disant : " je n'ai pas été connue par l'homme ", nous fait comprendre qu'elle n'a pas été connue dans un espace d' elle-même par l'Adama, par le premier Adam, qu'elle n'a pas été touchée par le péché. Cette parole de Marie, loin d'être comme la parole de Sara qui doute, est celle qui nous ramène à la terre primordiale, à celle où on est encore à l'orée de l'Éden, là où on n'a pas perdu cette pertinence de Dieu. Et tous nous sommes porteurs de ces terres essentielles, primordiales ; et tous nous sommes capables de pouvoir nous reconnecter à ces terres vierges qui n'ont pas été ensemencées par le mal. Car depuis notre baptême il nous a été rendu cet espace vierge où nous pouvons toucher, non pas au péché, mais à la grâce. Marie, lorsqu'elle dit : " je n'ai pas connu d'hommes ", est dans cette dimension où elle n'est que par Dieu, où elle n'est que pour Dieu, où elle n'est qu'en Dieu. Oui, elle n'a pas connu d'hommes, ce n'est pas une virginité à dimension gynécologique, c'est une virginité ontologique, c'est une virginité totale, profonde, celle à laquelle nous sommes réellement invités, car nous ne pourrons pas toucher à l'anthropos véritable si nous ne rejoignons pas nos terres vierges. 

Et là, à partir de ces terres, elle va pouvoir entendre "l'évangelios", la Bonne Nouvelle : " Un fils te sera donné, le fils du très haut " oui Marie, là encore, nous rejoint car depuis notre baptême ce qui nous est proposé ce n'est plus seulement de croire en Dieu, d'espérer en Dieu, de viser Jésus, de viser le Christ ; ce qui nous est proposé c'est de faire naître en nous le fils, la fille de Dieu. De ces terres vierges faire jaillir l'Adam nouveau dont nous parlait Saint-Paul, l'Adam qui n'est plus enraciné dans la matière, mais l'Adam qui, à partir de la terre de la création, est bien celui qui nous relie à Dieu. Et fait que désormais l'échelle de Jacob, qui va et vient entre le ciel et la terre, et la terre et le ciel, n'est plus une espérance ou une image, mais est une réalité. Nous sommes l'échelle de Jacob, nous sommes la terre vierge qui vient d'être ensemencée par cette nourriture divine, qui fait que, de nous va jaillir l'homme nouveau, de nous va jaillir le Christ, de nous va jaillir l'Emmanuel, Noël, Dieu en nous, Dieu parmi nous. Et Marie qui porte en elle le Fils de Dieu nous dit que nous sommes rendus capables de le porter ce Fils de Dieu. 

Et puis il y a encore cette annonce faite : " Ta cousine Élisabeth en est à son sixième mois de grossesse, elle qu'on appelait la femme stérile." Nous sommes rendus à ce sixième dimanche du temps de l'Avent ; et de toutes nos stérilités voici que le Seigneur, par son Eglise, va nous rendre féconds et nous dit que nous devons être dans cette attente de la venue du Christ en nous, que c'est une promesse qui est sur le point d'être réalisée. Mes amis, les premiers chrétiens ont vécu ce déjà là et ce pas encore. Déjà là parce que le Christ est déjà venu, pas encore parce qu'il doit revenir, la dimension de la parousie. Ainsi, dans ce double mouvement d'une "déjà venue" et d'un "pas encore réalisé" nous sommes dans cette articulation entre la fin de l'Avent et le temps de Noël et c'est toute notre histoire. Car nous avons été investis du Christ par le baptême, mais toute notre existence nous est offerte pour réaliser cette venue en nous du Christ, cette incarnation en nous du Christ. Il nous faut la demander cette incarnation, la désirer, la prier. Aussi au cours de cette liturgie, à partir de cette liturgie, prions avec passion, prions avec foi incessante, prions l'ange. L'ange, mes amis, c'est une Théophanie, c'est-à-dire une manifestation du divin et cet ange se propose à nous chaque jour à condition que nous soyons capables de le reconnaître, de le discerner, d'ouvrir nos yeux comme les pèlerins sur le chemin d'Emmaüs. Ouvre nos yeux Seigneur à la présence divine que tu nous offres, ainsi avec Marie nous pourrons dire : " Qu'il me soit fait selon Ta Parole." Ainsi le Verbe fait chair prendra corps en nous. 

Amen.