Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani) - dimanche 15 mars 2015 

4ème dimanche de Carême


Za 8, 19-23
Jn 1, 1-5
Jn 7, 14-30



Mes amis, en ce quatrième dimanche du temps de Carême, l’Eglise nous invite à méditer ce passage de l’Evangile de St Jean, qui nous ramène à cette grande thématique : Jésus n’est pas venu faire sa volonté propre, mais la volonté de Celui qui l’a envoyé.


Ce grand thème johannique, Jésus est l’envoyé du Père, est toute la thématique de l’altérité.
Jésus n’est pas simplement le fils du charpentier, mais le Fils du Père Céleste.


Pour entrer dans ce grand mystère, il nous faut d’abord entendre la deuxième lecture, la première épître de St Jean : « Ce que nous avons vu, ce que nous avons entendu, nous vous l’attestons : Dieu est lumière ». Dire cela veut dire qu’à un moment donné, dans notre humanité, dans tous ses méandres et difficultés, St Jean nous invite à nous poser, et, dans cette prière, à nous relier à la Source véritable, la source profonde, à Celui qui est le principe de tout, Celui qui nous a permis d’être, non seulement en tant qu’homme, mais en tant que création, en tant que tout ce qui existe. Nous tournant vers Lui, il nous invite alors à percevoir ce que les anciens appelaient la lumière incréée. Trouver la lumière, c’est trouver la connaissance, voir. Jésus le dira dans ses béatitudes : « Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu ».


Voir Dieu avec un cœur pur, cela veut dire qu’à un moment donné, toutes écailles de nos yeux sont tombées et que, dans cette profondeur de la prière, nous ne sommes pas en bute avec nous-mêmes, avec le frère, avec la réalité, mais nous sommes en train de chercher la supra réalité, Celui qui innerve tout, celui qui est à l’origine de tout, celui qui va véritablement éclairer la grande question existentielle : Adam où es-tu ? Me voici Seigneur. Une prière qui tout à coup m’arrache de toutes mes croyances, de tous mes a priori pour être là présent dans ce rendez-vous, dans ce face à face, préfiguration de l’éternité.
St Jean le dit dans son épître : ce que nous avons vu, nous vous l’annonçons, la vie éternelle. La vie éternelle, ce n’est pas d’être dans une passivité, dans une dormition où nous attendrions l’hypothétique d’un Dieu qui viendrait, mais l’éternité, c’est ce face à face, que nous pouvons dès aujourd’hui commencer dans la prière – Seigneur, me voici. Que me dis-tu ?- Que viens-tu déposer en moi, en terme de charismes, en terme d’espérance, de recréation parce que c’est ton souffle qui me fait être le vivant que tu appelles en moi. Alors oui, tu m’arraches pour que je devienne non plus l’époux, l’épouse, le père, la mère, l’ami, l’enfant, mais que je devienne cet être nouveau, resplendissant, vivant, ton fils.


Ainsi Jésus, lorsqu’il se présente au temple, il n’est pas le fils de Joseph, l’enfant de Nazareth, mais il est le Fils du Père Céleste.


Pour ce faire, pour entrer dans cette dimension là, il est allé chercher la lumière incréée qu’il va devenir en tant que Christ, mais qu’il trouve auprès de son Père. Si Jésus en tant que Christ peut dire ‘Je viens vous parler de Celui qui m’a envoyé’, c’est que toujours il se tourne vers son Père. La prière pour lui, n’est pas un temps, un instant, un moment, Il est l’incarnation même de la prière, parce qu’Il est Celui qui est complètement tourné, retourné. Cette dimension de la métanoïa dont nous parlons dans le Carême, se convertir, c’est cela, se retourner incessamment car prier, ce n’est pas rabâcher des mots, dans une posture méditative, mais c’est être dans ce retournement où, retourné, je retourne toute de ma vie, de l’histoire, de la création et je n’en reste pas à l’apparence, car cette apparence, ne l’oublions pas, nous le disions en commençant le Carême, le mercredi des Cendres : tu as été tiré de la poussière et tu retourneras à la poussière. Adam, Adama, tiré de la terre, tel est le sens de cette superficialité dans laquelle nous nous perdons, si souvent comme si l’objectif de notre vie était simplement une réussite professionnelle, matérielle, dans la reconnaissance sociale, dans son couple, sa famille, ses amitiés. Mais quelle est la plus grande réussite sinon de nous extirper de la surface pour aller à la véritable rencontre, être avec toi, ô Père et me reconnaitre comme ton fils, ta fille bienaimés.


Ces paroles tirées du prophète Zacharie sont exactement celles-ci : peuple de Dieu, allez annoncer ce que vous voyez, ce que vous entendez de votre Père, l’Eternel, Adonaï, Yahvé.


Pour se faire, nous devons être dans cette communion, dans cette communication. Réjouissons nous car nous sommes habités de la lumière incréée.


Quand bien même, nous traversons des temps de ténèbres parce que, pour celui-ci, il y a la maladie, le cancer, pour celle-là, la mort, pour ces peuples, il y a l'indignité, l’écrasement, pour ceux-ci, il y a l’injustice, le chômage. Tout cela sont les ténèbres, mais nous sommes appelés à entrer dans la lumière incréée.


Dire ceci , ce n’est pas être éthéré, être dans une posture d’une structure d’évitement, où nous voudrions oublier le monde avec ses difficultés. Bien au contraire. Mais nous ne pourrons rendre compte de la dignité de l’Homme, promouvoir la justice, développer la solidarité que si, réellement, nous nous dépouillons de notre ego, de nos attentes pour être simplement le tabernacle , le lieu de l’habitation où la lumière incréée vient nous régénérer.


Alors oui, nous pourrons pratiquer le pardon, la justice, l’amour, mais pas seulement par commandement, par un ordre hétéronomique, qui nous viendrait d’ailleurs et nous imposerait, mais parce que de l’intérieur, habités, tout deviendra pour nous l’évidence du baiser d’amour en Dieu.


Bon Carême, saint Carême. Approchons de ce temps de Pâques et réjouissons-nous car la Résurrection, que nous allons célébrer, n’est pas simplement un temps liturgique, un temps rituel, c’est le temps de Dieu qui nous est proposé. Vivons-le dans sa radicalité, sa profondeur, car c’est aujourd’hui que Dieu nous dit avec moi aujourd’hui viens dans cette vie éternelle. Amen