Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre ( Colombani ), dimanche 13 janvier 2013

Recteur de la paroisse


Isaïe 12,  3 - 6              

1Corinthiens 10,  1 - 4

Matthieu 3,  13 - 17



Nous allons méditer ce matin, devant cette eau, sur ce grand thème essentiel : le baptême. Toute la foi chrétienne a été portée par ce mystère du baptême. Un mystère qui a une triple signification.


La 1èresignification du baptême, bien sûr, c’est de nous faire revivre le mystère du Christ qui est l’annonce de Jésus, (même les historiens le reconnaissent comme ayant existé), qui n’est pas un simple homme ; Et que dans cette humanité et dans sa propre humanité, Il révèle l’affiliation en Dieu. Il se révèle comme le fils de Dieu. Et les Evangiles vont porter cette bonne nouvelle, cette annonce. Tout le travail des évangélistes consistera à n’avoir de cesse que d’avancer, de proclamer, de confesser cette foi : Il est le Christ, le Sauveur. Aussi, pour aller au Christ, nous ne pouvons pas faire l’économie de Jésus, et de son Eglise, car il y a un lien profond en Christ, entre Jésus et l’Eglise. Oui, si nous voulons avoir accès au Christ, il nous faut passer par Jésus. C'est-à-dire que le Christ qui signifie : " Celui qui a reçu l’onction de Dieu," s’incarne, se manifeste dans cette personne toute humaine. Et tout à coup, Lui qui est tellement investi de Dieu accepte de passer par Jean pour être immergé dans cette eau du Jourdain. Par là, Il veut signifier quelque chose de profond. Car dans la mentalité des anciens, les eaux dans leur profondeur étaient habitées par des forces maléfiques. Et Lui, en tant que fils de Dieu va pouvoir totalement habiter toute la dimension du créé et venir restaurer toute cette dimension en la présentant à Dieu. Il n’y a plus la face cachée qui consisterait à laisser grouiller des forces maléfiques, obscures, en opposition à Dieu, mais tout est ressaisi, récapitulé pour être présenté à Dieu. Ainsi, quand Jésus va accepter d’être immergé dans ces eaux du Jourdain par Jean, non seulement Il se laisse reconnaître comme le fils de Dieu, mais ce faisant, Il vient dominer, maîtriser ce que Dieu avait dit à Adam : « Maîtrise la terre, gouverne la. » Ainsi, Il devient le nouvel Adam et Il va ressaisir cette terre pour la présenter au Père. En cela, Jésus est vraiment Celui qui va nous investir dans le Christ et nous ne pouvons pas comprendre le Christ si nous ne passons pas par Jésus, car Il montre que dans son humanité, Il devient Celui qui signifie Dieu à la mesure de ce que nous pouvons vivre, nous humains. Et donc, il y a un prolongement en Christ entre Jésus et l’Eglise, car si nous disons le Christ par Jésus et que nous restons en dehors de l’Eglise, alors nous n’avons pas compris la dimension, la portée, le mystère de ce Jésus. Car Il n’est pas un simple homme, mais Il est le fils de Dieu. Et lorsqu’Iil va nous proposer son Eglise par le baptême, et bien Il nous propose lui-même d’entrer dans cette gouvernance, de toutes ces profondeurs qui pourraient nous habiter et venir comme des forces obscures pour nous empêcher d’être à même de répondre à Dieu. Et par le baptême, ainsi ce qui nous est proposé, c’est de plonger dans notre psyché des profondeurs, de plonger dans tout ce qui nous habite pour que tout soit restauré et puisse resplendir en Dieu. Ainsi, cette fête du baptême du Seigneur, fête de la Théophanie est dans le droit fil de la fête de l’Epiphanie que nous fêtions la semaine dernière.  L’ouverture aux nations n’est pas simplement l’ouverture à d’autres Hommes dans un prosélytisme, mais c’est l’ouverture à la totalité de nous-mêmes. L’Epiphanie cela veut dire, l’universalité de nous. La totalité de nos êtres doit être investie de Dieu et donc par ce baptême en l’Eglise, nous sommes invités constamment à replonger dans le Seigneur pour devenir image divine à la ressemblance, à la mesure du Christ en Jésus. Voilà, la 1ère signification du Baptême du Seigneur.


Il en est une 2ème, c’est que ce baptême du Christ nous introduit dans une régénération. Mais au-delà même, elle nous introduit dans une transformation, un Salut. Nous avons besoin de Salut, mes amis. Cela veut dire que plus nous nous approchons du Christ et moins nous allons nous culpabiliser. Nous allons avoir une conscience qui s’ouvre, qui nous permet de voir ce qui fait obstacle en nous et nous permet de discerner, de voir dans notre vie pas simplement l’obstacle en tant que limitation,  mais Celui qui vient nous interroger et devient une parole divine.  Et là, nous retrouvons le livre de Job qui commence par ce prologue, ce dialogue entre Dieu et le diable et où le diable vient dire à Dieu : « Mais Job, il est fidèle à toi parce qu’il a tout, mais mets- le à l’épreuve et tu verras qu’il ne te répondra plus. » Et Dieu rentrant dans cette espèce de défi va mettre à l’épreuve Job. C’est un texte mythologique extraordinaire qui nous fait comprendre que dans toutes nos mises à l’épreuve, dans toutes les difficultés que nous traversons, Dieu ne joue pas avec nous mais Il nous interroge au travers de ce qui résiste pour nous dire : « Alors où es-tu ? Que crois-tu ? Quel est le sens de ta vie ? »Et plutôt que de dire : « Mais Dieu n’existe pas, car s’Il existait nous ne pourrions pas vivre ce que nous vivons. » Par le baptême, nous sommes invités à rentrer dans ce discernement. Chaque obstacle, réalité, évènement devient le signe de Dieu pour moi, Son temps pour moi, la question où Il me dit : « Alors qu’espères-tu, m’aimes-tu ? Oui la 2èmesignification de ce baptême du Seigneur et de cette fête de la Théophanie c’est la signification de l’alliance. Car le Salut, cela veut dire que nous sommes invités à être en alliance, en communication, en communion. Il ne sert à rien de dire : " je crois en Dieu," s’Il n’est pas pour nous une Présence, une intimité, un rendez-vous journalier : « Ô oui, Seigneur, me voici ! »  Et si je suis présent à Toi, alors je suis présent à l’Homme, à l’histoire, à Ta création.


Enfin, une 3èmesignification et qui est dans le droit fil de ce que disait le prophète Isaïe, relayé par Pierre dans les actes des Apôtres. C’est la fête de la Théophanie. Le baptême du Seigneur, c’est la manifestation de ce que l’Homme est appelé à être en Dieu, à devenir comme Dieu, à devenir Dieu avec Dieu.  Le péché des origines a consisté en Adam, à ce que l’Homme se prenne pour Dieu sans Dieu. Et nous en voyons les effets tous les jours dans les crises écologiques, politiques, sociales, économiques, culturelles, l’égoïsme partout, le chacun pour soi. Mais dans tout cela, il y a l’Homme qui s’oublie en tant qu’être relié, et l’Homme qui se prend pour le centre et se pense Dieu.


La fête de la Théophanie, c’est de se laisser inspirer, habiter, transporter par un autre. C’est la fête de l’altérité, le mouvement d’aspiration vers Lui qui fait que nous sommes remplis de cette Présence. Moi Homme, je ne suis rien, mais avec Toi Seigneur, je  deviens cet être "plus," meilleur,  au-delà,  éthique.  Oui, cette fête est la fête de l’éthique. L’Homme qui va tendre vers le beau, le bien, le bon. L’Homme qui va s’extirper de tous ses emprisonnements pour devenir libre et pouvoir dire : « Oui Seigneur, me voici ! »

Et ce dialogue entre le Fils et son Père et le Père et le Fils, révèlé dans l’Evangile de Mathieu ce matin, est le dialogue qui doit s’inscrire au cœur de chacune de nos existences.

Alors bonne fête de la Théophanie à chacune et à chacun ! Grande fête ! Et soyons convaincus que dans cette fête nous sommes invités à nous laisser porter par Celui qui est tout Amour et qui nous dit : « Avec toi pour toujours, je serai. » 


Amen