Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani), dimanche 9 décembre 2012 

Recteur de la paroisse 

4ème dimanche de l'Avent 


Is 54, 1 - 5 ;1Th 2; 19 - 20 ;Mt 11, 2 - 15


Oui, frères et soeurs, le prophète Isaïe nous invite à ne plus être les enfants de la délaissée, mais les enfants de l'épousée ; nous arracher de cette dimension de l'enfermement des enfants de la délaissée, ce délaissement, ce désespoir, pour aller vers ce temps des épousailles des enfants de l'épousée. 

Nous qui portons, cette année particulièrement, ce questionnement : " quelle est notre foi en Jésus-Christ ?" Par cette prophétie d'Isaïe il nous est proposé de comprendre qu'avec le Christ il ne s'agit pas simplement de croire en Dieu, mais avec le Christ, il s'agit de nous arracher d'un conditionnement, de nous arracher de certaines habitudes pour aller vers une nouveauté. Cette nouveauté ce n'est pas simplement de dire : " nous ressusciterons un jour," mais cette nouveauté c'est de l'inscrire au quotidien dans notre histoire. Ainsi dans l'Évangile de Matthieu, ce matin, Jésus nous pose une question terrible : " mais qu'êtes-vous donc allés voir au désert ?" Que sommes-nous donc allés voir au désert ? Car cette question ne se pose pas seulement aux contemporains de Jésus qui ont couru dans le désert pour écouter Jean le Baptiste, mais c'est une question qui nous revient à nous, hommes, femmes du XXIe siècle. Que sommes-nous donc allés voir dans nos déserts ? Le désert lorsqu'on vient de perdre un être cher, et que l'on vit cette douleur de la séparation ; le désert lorsque l'on doute, parce que tout semble s'écrouler autour de nous dans un monde difficile, violent, où que ce soit dans le monde, un monde marqué par le chômage, marqué par la crise. Oui nous sommes de ce désert ; que sommes-nous donc allés voir au coeur de ce désert ? 

Les contemporains de Jésus écoutant Jean le Baptiste leur annoncer la venue du Messie, n'étaient-il pas un peu comme nous lorsque nous courons pour cette annonce de la fin des temps, 21 décembre, peut-être avant, peut-être après, toujours à l'affût de quelque diseur d'aventure. Qu'allons-nous donc voir au coeur de nos déserts ? 

Le Christ dans l'Évangile de Matthieu ce matin est clair dans la réponse qu'il apporte d'abord à ces disciples de Jean : " Dites à Jean que, oui je suis celui qu'il a annoncé, et je le suis non pas par auto proclamation, mais je le suis parce que la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres, parce que les boiteux marchent, parce que les aveugles voient, parce que les morts ressuscitent. Ainsi la bonne nouvelle doit devenir réalité. Et cette bonne nouvelle, mes amis, comme le dit saint Paul dans son épître aux Thessalonissiens : la bonne nouvelle c'est nous. C'est nous si nous osons devenir non plus des enfants de la délaissée, mais des enfants de l'épousée. Et pour passer d'une réalité à l'autre, investis par l'Esprit Saint, alors il nous faut mourir et ressusciter ; c'est-à-dire délaisser l'homme ancien et pour cela entrer dans des libérations diverses, faire en sorte que l'on ne vive plus la relation difficile à l'autre, quelle que soit la nature de cet autre, comme un obstacle, mais comme un appel, un appel à nous grandir et faire que chaque jour ne devienne pas le temps difficile de l'Adama, mais devienne le temps de Dieu. Parce que je réponds à un appel et donc je ne me laisse pas enfermer dans mes peurs ou mes angoisses, mais comme tout homme marqué par ses peurs et ses angoisses, je crie vers toi Seigneur et je me laisse épouser par la venue de ton Esprit, par la venue de ton Souffle en moi, parce que je sais que je ne suis pas seul, et cette réalité de la communion à toi va passer par la réalité de la communion à l'autre : le conjoint, l'ami, le collègue de travail, le voisin. Entrer dans un autre rapport à autrui parce qu'on se laisse épouser dans le souffle de l'Esprit. 

Allez dire que les morts ressuscitent, que nous ressuscitons de nos morts. Allez dire que les aveugles voient, que les yeux s'ouvrent et nous voyons l'oeuvre de Dieu. Allez dire que la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres ; nous sommes ces pauvres, ces Alaouines de l'ancien testament, ces pauvres de tout et qui tout à coup sont investis de cette puissance de l'Esprit qui fait d'eux à la fois des petits, des pauvres et à la fois des grands parce qu'ils deviennent les enfants de l'épousée. 

Et puis il y a cet autre versant dans l'Évangile de Matthieu ce matin, ce moment où Jésus nous dit que Jean-Baptiste ferme le premier testament. Jean-Baptiste ferme le premier testament au sens où il ferme toutes les prophéties, C'en est fini du temps des prophètes, nous n'avons plus besoin des prophètes car le fils de Dieu s'inscrit dans l'incarnation. La prophétie c'est l'annonce, la prophétie c'est l'espérance. Et si le Christ est venu nous ne sommes plus dans le temps de l'annonce de l'espérance, au sens où nous attendrions la venue du Messie, mais nous sommes dans l'espérance au sens où nous savons que ce Messie est venu, qu'il est parmi nous, qu'il est l'Emmanuel, qu'il est Celui que nous allons célébrer à Noël. Par conséquent notre espérance c'est de vivre, à la fois une anamnèse et une eschatologie. Une anamnèse cela veut dire une mémoire, je fais mémoire de ce que je suis habité, que Christ m'habite, que Christ habite tous les hommes, toutes les femmes, toutes les réalités du monde. Et eschatologie, parce que si Christ habite tout et que nous portons cette mémoire, l'eschatologie, la fin des temps, cela veut dire que c'est la fin du temps de l'homme de la délaissée pour entrer dans le temps de l'homme de l'épousée. Tel est le Royaume en marche. 

Alors oui ce monde est ce monde, avec ses difficultés et nous n'avons pas plus que les autres de solution, mais parce que marqués, investis de cette mémoire qui remonte en nous, nous vivons une présence qui peut devenir lumière en un monde en quête de sens. Vivons de cette lumière mes amis et pour cela prions le Saint Esprit, appelons le Saint Esprit dans nos prières, une prière quotidienne, une prière simple, une prière sans grands mots, mais une prière qui fasse que l'Esprit nous saisisse et nous embrase et que, chaque fois que nous irons à l'Eucharistie ou au sacrement de confession nous ne serons pas rabougris dans une culpabilité du péché, mais investis de cette force qui nous fera dire : "je crois en l'homme parce qu'il est appelé à devenir l'enfant des épousailles." Bon chemin dans ce temps de l'Avent, mes amis, et que ces quatre bougies qui signifient les quatre dimanches avant Noël nous rappellent que nous sommes dans ce déploiement de la bonne nouvelle en nous. 

Amen