Paroisse Sainte Marie de Magdala

Homélie du Père Pierre (Colombani) - dimanche 7 juillet 2013 


Siracide 24;  9 - 17

Romains 6,  15 - 23

Matthieu 7,  15 - 21


         A notre époque cette terminologie : d'esclave, de soumission, peut nous paraître désuète, un peu dépassée et quelquefois même nous choquer. Nous ne sommes plus au temps de l'esclavage, et pourtant si nous regardons nos existences avec un peu d'honnêteté, que d'esclavage dans nos vies, que de soumission dans nos vies. Qu'est-ce qui conduit le monde, et au-delà du monde, qu'est-ce qui nous conduit nous, les uns les autres ?

         Depuis plusieurs dimanches la liturgie nous propose de réfléchir sur notre façon de vivre la foi et de nous enraciner dans la prière. Il me semble que, ce matin, nous entendons dans cet Évangile une sorte de conclusion. Si nous ne sommes pas enracinés dans le Seigneur nous devenons des esclaves. L'esclave, c'est celui qui n'obéit pas, mais qui est soumis, y a-t-il une différence entre obéir et être soumis ? Lorsque je suis soumis je subis une autorité, et dans l'esclavage nous subissons un certain nombre d'autorités car il n'y a pas la conscience, et cette absence de conscience nous amène alors à être comme des esclaves : esclaves d'un monde de consommation, esclaves d'un monde d'images qui nous détruisent peu à peu, d'images qui nous abîment, esclaves aussi de nos pulsions, de nos peurs, de nos psychismes  perturbés ; voici ce qu'est subir, voici ce qu'est l'esclavage. Celui, ou celle qui obéit entre dans un autre processus, car l'obéissance, "obérer", c'est écouter ; et si j'écoute cela signifie que je suis relié à quelqu'un qui parle, à une parole, à un vivant, une parole qui, par ce phénomène là, va me mettre en mouvement et c'est tout le sens de la prière.

         Dès lors, lorsque le Seigneur nous interroge sur le bon arbre ou le mauvais arbre, sur le bon fruit ou le mauvais fruit ;  ne l'entendons pas seulement dans une forme de jugement, comme s'il y avait les bons et les méchants, mais en réalité le Seigneur nous interroge : sur quoi repose notre existence ? Quel est le socle de notre vie ? Quel est le terreau dans lequel notre âme est plantée pour que la bonne sève monte ?

         Là alors, arrive cet enseignement vraiment radical : " il ne suffit pas de me dire Seigneur, mais il faut faire la volonté du Père."  Oui, dire : " Seigneur " c'est se décliner chrétien, croyant, je vais porter peut-être une étiquette, je vais me positionner dans un débat ecclésial, mais être habité du Christ, c'est tout autre chose.  Faire la volonté du Père  c'est d'abord, mes amis, reconnaître ce Père. Et si nous reconnaissons ce Père, Abba, cela veut dire que nous nous définissons comme fils et filles, et ce faisant il nous faut entrer dans une complicité, une intimité, une relation, une communion, un être avec, une alliance. Les mots ne suffisent pas pour dire le sens de cet espace, nous sommes dans la rencontre.  Alors comment soignons-nous la rencontre avec le Seigneur ?  Est-il véritablement pour nous le point focal de notre histoire, le sens de notre histoire, le bonheur de notre histoire, le goût de notre histoire, le sel de notre terre.  Est il réellement cela ? Abba Père ! Si je dis : Abba Père, cela veut dire que nous sommes dans une histoire d'amour, Toi et moi -  moi et Toi. Et si je reconnais cette relation, immédiatement je suis décentré, mais non pas replié sur moi, car si je reconnais cette histoire entre Toi et moi je la reconnais aussi pour l'autre qui est relié à Toi, et j'entre dans une grande fratrie.  Faire la volonté du père, c'est donc d'abord se reconnaître dans cette identité, et par là, entrer dans le grand mouvement trinitaire ; ensuite c'est : écouter, obéir, ordonner,  écouter, obéir. " Je t'écoute Ô mon Seigneur ! "

         La, nous pouvons ré-entendre cette Parole de l'Évangile de Luc où Marie dira, à l'approche de l'ange Gabriel, lorsqu'elle reçoit cette annonce formidable : " Qu'il me soit fait selon ta Parole." Obéir, écouter ; il ne suffit pas de dire Seigneur, mais il faut écouter et par là  se mettre en mouvement : " Me voici Seigneur, me voici !  Fais de moi ce que tu voudras. " Et là l'épître de Saint-Paul aux Romains nous fait véritablement entrer dans la proposition de la foi en Christ.  Il ne suffit pas de dire Seigneur, mais, répondant à l'appel du Père, de devenir des femmes et des hommes libres, libérés de tous les esclavages, libérés de toutes les dénominations, libres en obéissant, en écoutant cette Parole qui appelle et en y répondant. Car la liberté n'est pas de choisir entre deux possibles ; la liberté c'est d'écouter et de répondre ; la liberté ce n'est pas d'être capricieux et de dire : je veux ou je ne veux pas ; la liberté ce n'est pas de dire : je suis fatigué aujourd'hui Seigneur, je n'y vais pas ; la liberté ce n'est pas de dire : tu m'as rendu libre Seigneur donc je ne veux pas. La liberté c'est de se défaire de tous ces esclavages, qui ne cessent de nous envahir, en répondant, en étant reliés. Ainsi la véritable liberté c'est la communion : la communion, l'être avec, la relation, la rencontre. Ainsi, la dimension éthique de l'Évangile n'est pas un présupposé en termes de conséquences, mais l'éthique dans l'Évangile c'est la façon de vivre, l'être avec Dieu et l'être avec l'homme. C'est cela la liberté, c'est cela l'obéissance et c'est cela la sortie de toutes ces formes d'emprisonnement et c'est cela la sortie de l'exil.

         Depuis les commencements, mes amis, nous dit le livre de l'Ecclésiaste, nous avons été désirés par le Seigneur, nous sommes passés par un certain nombre de plantations et de tailles, le Seigneur n'a eu de cesse de prendre soin de nous. Serons-nous prêts à répondre à ce travail de prise de soin de nous, pour prendre soin et de Lui et du monde en étant présents dans ce rendez-vous de l'obéissance

.        Au commencement de cet été ne soyons pas seulement traversés par les dominations de ce monde qui va si mal, mais soyons traversés par l'obéissance à Celui qui nous dit : " le monde sera ce que tu en feras, mais es-tu habité par mon monde "?

          " Oui seigneur me voici ! Qu'en moi se réalise ton Évangile."             Amen.