« L’évêque de Rome aux pieds nus » - Mars 2013
Je suis et je reste Orthodoxe, très heureux de l’être et particulièrement dans notre toute petite Église Orthodoxe Française. Mais, en ce mercredi 13 mars vers 20h, lorsque j’ai découvert sur mon écran de télévision l’identité du nouveau pape élu, j’ai eu le sentiment physique de contempler l’action de l’Esprit Saint. Le nouvel élu s’est d’abord présenté à la foule comme l’Évêque de Rome. Ce qui pouvait apparaître comme un détail pour les divers commentateurs, me semblait d’une importance capitale. Par cette présentation, il a voulu reprendre les grandes intuitions du Concile de Vatican II, mettant ainsi l’accent sur une définition de l’Église moins hiérarchique, davantage ancrée dans l’esprit de la collégialité des Évêques, dont il se détache en tant que Pasteur de la première des églises, celle de Rome : il se proclame de la sorte, « Primus inter pares ».
Une humilité qui s’est accompagnée d’un geste magnifique, non protocolaire, au moment où il s’est incliné, demandant à la foule nombreuse, amassée Place St Pierre, de prier pour lui. Et, surtout, il y a eu ce choix du nom de « François ». Tout le monde a immédiatement compris que le nouveau Vicaire du Christ, venu de l’Amérique Latine, désire inscrire son nouveau Pontificat sous le patronage de St François d’Assise. Autrement dit, il se modèle sur l’Apôtre de la pauvreté et sur le chantre de la création. Tous les chrétiens, et en particulier, tous les Orthodoxes, ne peuvent que se retrouver dans cette perspective que le nouvel Évêque de Rome veut donner à l’Église Latine. À travers cette nouvelle inspiration ecclésiale, je retrouve l’écho du Patriarche oecuménique Bartholomée de Constantinople, qui insiste tant, lui aussi, pour promouvoir un Christianisme ancré sur l’écologie de la personne humaine, par la pauvreté, et sur l’écologie naturelle, par le respect de la création. La référence à St François d’Assise, qui nous renvoie, nous Orthodoxes, à St Séraphin de Sarov, place le défi de l’Église tout entière dans l’horizon de la pauvreté et du service de la création. Non pour faire du « misérabilisme » tel que le dénonçait le philosophe Nietzche, mais pour rejoindre l’homme à partir de sa blessure, de son manque et, ainsi, faire éclater la Bonne Nouvelle du Salut en Jésus-Christ.
Dans cette mission, il n’y a plus de catholiques romains, d’orthodoxes ou de protestants, il y a l’Église du Christ, son Corps mystique, qui déploie en ce monde, sa divine Présence et permet à ses membres d’entrer dans ce mouvement de la déification, en répondant à l’appel irrépressible du Père, pour devenir des Fils et des Filles, à la suite du Fils Jésus le Christ, par l’accueil de l’Esprit Saint. Une mission trinitaire qui nous convoque à l’œcuménisme et nous interpelle tous, dans un esprit d’unité et de communion, à dépasser nos visions étriquées, nos chapelles stériles, pour vivre l’extraordinaire expérience sacramentelle de l’Amour.
François, l’Évêque de Rome venu des bidonvilles de Buenos Aires, nous apparaît comme l’Apôtre aux pieds nus. Dans son visage, je retrouve celui du Christ qui nous dit « J’ai eu faim, j’ai eu soif, j’étais malade, en prison, étranger... ». Tout cela s’ajuste à merveille avec ce que le Patriarche Daniel, de l’Église orthodoxe roumaine, appelle « la liturgie après la liturgie », c’est-à-dire, « la mystique de l’engagement social ». À condition que nous soyons toujours tous tournés, orientés, vers le Christ, en le priant, en l’implorant et en lui demandant de nous ouvrir davantage à l’Esprit Saint que nous envoie le Père. En ces jours où nous nous approchons du grand mystère de la Passion, de la Mort et de la Résurrection de notre Seigneur, demandons-lui la grâce d’entrer dans cette dimension mystique de l’unité et de nous mettre tous en marche, les pieds nus, vers la Terre Promise de Dieu.
+ Père Pierre
Recteur de la Paroisse Orthodoxe, Sainte Marie de Magdala à Toulon