Paroisse Sainte Marie de Magdala

Un espace ouvert à tous à Toulon

" Le Noël de la délivrance " - Décembre 2013


C’est le temps de Noël, temps merveilleux qui renvoie les uns et les autres à l’enfance et aux souvenirs de certains bonheurs. Temps partagé en famille, où l’on a plaisir, devenus adultes, à regarder les tous petits se précipiter sur leurs paquets cadeaux et ouvrir des yeux émerveillés, dans les scintillements des lumières du sapin et de la crèche. Noël et la joie des repas où se retrouvent les oncles, les cousins, les grands-mères, bref, toutes les lignées des histoires familiales. Mais Noël, pour nous Chrétiens, c’est avant tout, cet Événement éblouissant de la venue de Dieu parmi nous, prenant la condition de l’Homme, en assumant toute la finitude humaine, pour signifier l’infinitude divine là où jamais la conscience humaine ne l’envisagerait. 

Par conséquent, l’évocation de la crèche, au-delà des images d’Épinal des petits santons, est avant tout l’annonce de l’irruption du Sauveur de l’Humanité. Ainsi, le salut ne pouvait être souligné qu’au travers de la blessure. Il n’y avait pas de place à l’hôtellerie pour la Sainte Famille, pour la naissance du Rédempteur. Seule, la paille chaude de la mangeoire des animaux pourrait servir de refuge au Roi des rois. Lieu de misère, bien plus, lieu d’impureté, Icône de la Nativité de la Vierge Marieen un monde pharisien dont les prescriptions juridiques religieuses étaient strictes et observaient ce monde des bergers comme l’incarnation de tout ce dont il fallait s’écarter. Dans la dialectique du bien et du mal, du pur et de l’impur, le Seigneur allait donner un enseignement majeur, préfigurant toute la prédication future de Jésus : le salut est offert non aux bien portants, mais aux malades, aux pauvres, aux exclus.

Alors que les grands prêtres et les scribes, les détenteurs de la Loi de Moïse et de la Vérité religieuse péroraient à Jérusalem et au Temple, dans l’ombre d’un village insignifiant, devait naître le Messie tant attendu, que tous rêvaient de voir apparaître dans la gloire et dont la révélation allait se faire dans l’anonymat et la proximité des plus défavorisés. Cette inscription n’était en rien une apologie d’un misérabilisme quelconque. C’était l’affirmation d’un Dieu qui susciterait l’athéisme face aux fausses croyances des religions engoncées dans leurs certitudes verrouillées, pour promouvoir la foi, entendue comme la fidélité au Prince de la vie, qui déplace tous les repères et exige de toujours quitter les a priori, pour rencontrer l’autre, en tant qu’individu, peuple, idée, culture, permettant l’expérience de l’altérité. Paradoxe formidable : cette religion si contestée par le Christ réussira, pourtant, à se réapproprier sa propre personne, en l’enfermant dans ce qu’il rejetait et ce pourquoi il est mort sur une croix : l’orgueil religieux de l’idéologie de la vérité. Dès lors, comprenons que sa naissance dans la crèche fut la contestation de tous les pouvoirs religieux établis, laquelle ramène l’homme non à la condition du malheureux, mais à celle de l’être dont la blessure révèle le lieu de la rédemption. Car cette crèche ne se réduit pas seulement à la mangeoire de Bethléem, elle est fondamentalement le symbole de toutes les béances qui saignent en nos humanités. Blessures qui rejoignent le pauvre dans son manque matériel, spirituel, psychologique, culturel, affectif, moral, physique. Bref, Dieu s’inscrit en faux contre les religions qui veulent faire rêver l’homme, cherchant à fuir ses difficultés. Il rejoint celui-ci dans ses affres, et lui indique qu’Il n’est pas un « opium », pour oublier les difficultés des temps. Il est ce Dieu que l’on trouve au cœur des tempêtes et souligne, de la sorte, que chaque douleur est un espace privilégié pour découvrir un chemin nouveau, une vie recommencée, un devenir possible.

L’enfant Jésus de Noël est tout sauf un conte pour enfants. C’est le message le plus bouleversant d’un Dieu qui appelle l’homme à la quête de la vérité dans le refus de tous les systèmes de croyances. C’en est fini des dogmatismes, des idéologies religieuses, des sectarismes canoniques. Le Messie naît là où l’on ne l’attend pas.

Et, nous, aujourd’hui, en ce XXIème siècle, aurons-nous l’audace de le suivre dans cette naissance du dépouillement, ou allons-nous encore et toujours nous revêtir frileusement des habits de la sécurité et des certitudes traditionnelles, par fausse fidélité à un ordre humain qui instrumentalise Dieu, pour mieux le trahir et en faire l’icône figée d’une croyance, oubliant Celui qui bouscule l’esprit pharisien des religions ? Noël est réellement la question impudique que le Christ nous pose dans notre conscience d’hommes et de femmes. La fragilité de l’enfant, la précarité de son environnement, l’exclusion de ses premiers adorateurs, (les bergers), tout concourt à nous défaire des faux semblants des croyances humaines pour entrer dans la vraie foi. Nous croyons au Dieu de la vie qui rend l’homme libre et non à celui de la religion qui aliène la conscience humaine. L’Église n’est ainsi digne de son Seigneur que si elle prolonge l’enseignement du Maître et apprend, elle aussi, à se dépouiller de tous les pharisaïsmes, de toutes les prescriptions de condamnations, de toutes les excommunications. Car la vérité ne se signifie pas dans une hypocrite fidélité, une fausse canonicité, une prétendue apostolicité, elle est dans l’événement du relèvement de la condition du damné. Ainsi, l’enfant de Noël devient le Sauveur, qui annonce à tous les rejetés de la terre, qu’ils trouveront en sa Personne, la nouvelle Terre Promise, le nouvel Eden.

Joyeux Noël à tous, donc ! Venons, allons à la crèche de notre histoire, pour trouver Celui qui nous accueille et nous sourit, malgré notre indignité, notre finitude. L’étoile de Bethléem éclaire notre avenir d’un jour nouveau. Et souvenons-nous que nous sommes tous sauvés, nous les divorcés, les mauvais croyants, les infidèles, les estropiés de la vie. Dieu, l’Emmanuel, nous offre un nouvel avenir. Il suffit pour cela de l’accueillir dans l’Espérance d’un devenir toujours renouvelé, quelle que soit notre condition ou notre âge. Pour cela, devenons tous, les bergers de Noël et laissons-nous guider par l’étoile de la Rédemption.

+ Père Pierre Colombani

Recteur de la Paroisse orthodoxe St Marie de Magdala