Paroisse Sainte Marie de Magdala

Un espace ouvert à tous à Toulon

" Il est monté au ciel… " - Ascension - Mai 2014


La fête de l’Ascension du Christ, que nous venons de célébrer jeudi dernier, pourrait apparaître aux yeux de certains comme une belle histoire relevant de la mythologie. Dieu incarné, ayant vaincu la mort par sa résurrection a rejoint le Père dans les cieux, pour être désormais à sa droite. Cette présentation quelque peu naïve ne doit pas en rester à une imagerie populaire et nous devons bien percevoir la portée de ce mystère dans toute sa densité !

Oui, nous le croyons, le Christ Jésus n’est pas un homme quelconque, ni même extraordinaire, Il est l’incarnation du Parfait Amour divin, Dieu fait Homme, le Fils du Père. Dans cette foi, nous déclinons que Dieu a pris la condition de l’humanité, il s’est fait l’un d’entre nous jusque dans la souffrance et la mort et, par sa résurrection, il nous a révélés que nous ne sommes pas voués seulement à la finitude, mais que la vie est éternelle. Or, en ressuscitant, Il n’a pas rejoint son Père immédiatement, mais Il a pris le temps d’apparaître à ses plus proches, pour les convaincre du caractère réel et concret de sa victoire de la vie sur la mort. Ainsi, est-il apparu à ses disciples dans son corps de Ressuscité, mais toujours marqué des stigmates de la Passion. Une façon pour Lui de signifier que la montée vers le Père doit se faire avec tout l’acquis de l’existence terrestre. Fort de cette transmission donnée à ses amis, il a pu rejoindre le Père. L’Ascension du Christ prend alors une triple signification.

La première est celle de son retirement. Comme le Dieu Créateur s’est retiré de la Création pour donner à l’humanité, au commencement du monde, la responsabilité de prolonger l’acte de création, le Christ s’est retiré, pour permettre à l’homme de poursuivre l’oeuvre de Salut qu’Il a engagée. Par là, Il voulait rendre participant chacun de nous de la vie divine ici-bas et, ce faisant, Il a voulu éviter un dédouanement de l’homme qui aurait pu se contenter de chercher un Sauveur en Sa personne. Or, par son retirement, Il appelle à saisir qu’Il vit en chacun de nous, à partir du moment où nous l’accueillons en nous. Ainsi, le Christ Jésus permet à toute personne humaine de pouvoir devenir à son tour le Christ, en s’agrégeant à Lui. Son retirement implique donc  une liberté de choix de notre part, une responsabilité d’engagement aussi, une existence caractérisée par la réponse humaine donnée à l’Appel divin.

La deuxième signification du mystère de l’Ascension, c’est l’éclosion de l’Église Corps du Christ. À partir du moment où le Seigneur se retire pour nous rendre participant de sa nature et du Salut qu’Il apporte, notre engagement consiste à incarner à notre tour le corps du Christ. Ce corps, c’est l’Église. Certes, les institutions religieuses ont toujours un caractère dangereux dans leur prétention à détenir une once de vérité et à vouloir l’imposer. Mais la réalité de l’Église est d’une tout autre nature. Rassemblés au Nom de Jésus, les baptisés deviennent plus qu’eux-mêmes : ils représentent et caractérisent le Christ sur terre. D’où une éthique de vie qui régénère leur existence et celle de toute l’humanité. Quand le baptisé ne transpire pas cette habitation au travers de sa façon de vivre, il doit alors s’interroger sur la profondeur de sa foi. D’où, également, l’importance pour lui de vivre les sacrement de Pardon (appelé confession) et de l’Eucharistie. Ces sacrements ne se reçoivent pas par mérite, mais par miséricorde, pour permettre à l’humain d’aller au-delà de son propre péché, inhérent à sa condition. Le temps de l’Église c’est donc une vie éthique de l’engagement dans la réalisation de la Cité pour transformer le monde dans l’amour du prochain ; une vie régénérée par l’habitation du Christ dans l’être du croyant au travers de l’intimité de la prière ; une vie sacramentelle, par la pratique de l’Eucharistie et de la Confession permettant l’élévation vers le Père, dans le Fils, par l’Esprit Saint. Il est donc à la fois inconcevable et antinomique de vouloir se réclamer du christ et de rejeter l’Église, en ce que celle-ci est le prolongement de Celui-là. À  condition de comprendre que l’Église ne se résume aucunement à telle ou telle institution, mais qu’elle se signifie  dans la communion de toutes les communautés chrétiennes, quelles que soient leurs déclinaisons ecclésiologiques.

La troisième signification de l’Ascension du Seigneur, c’est qu’Il siège à la droite du Père. Autrement dit, Il intercède auprès du Père pour l’ensemble de l’humanité. Lui qui a connu notre condition incarnée, Il présente au Père la réalité de l’homme dont Il connaît les méandres, sans en avoir épousé son péché. Et Il permet la communication de l’Esprit Saint, le Souffle du Père, auprès de cette humanité en errance. En cela, la fête de l’Ascension nous révèle la nature sacerdotale du Christ. Il est le Grand Prêtre par excellence et le sacerdoce royal du Peuple de Dieu, en Église, signifié par le baptême, n’est que l’expression de ce sacerdoce venu du Christ Jésus, intercédant auprès du Père pour notre humanité malade. Ainsi, quand bien même nous pouvons prier dans la communion des Saints, Celui qui demeure notre intercesseur véritable est bien Jésus-Christ qu’il nous faut invoquer. Il est, à ce titre, le faîte de notre prière, le faîte de l’Église et Celui qui doit conduire notre existence. C’est pourquoi Il s’est présenté à nous comme le Chemin, la Vérité et la Vie ; la Porte étroite par laquelle nous devons passer. Le Chemin, en ce qu’Il nous place dans une évolution divine ; la Vérité, en ce qu’Il nous apprend à mourir à nos attentes pour ressusciter dans l’accueil de l’autrement de l’existence ; et la Vie, en ce qu’Il inocule en nous le Principe de Vie, l’Esprit du Père. Mais, Il est la Porte étroite, car le choisir demande de renoncer aux apparences de ce monde, pour nous inscrire dans le monde véritable au-delà du visible.

Ces trois significations de cette grande fête liturgique de l’Ascension nous préparent, de la sorte, à vivre la Pentecôte, c’est-à-dire, la venue de l’Esprit Saint parmi nous. Que ces prochains jours soient pour nous l’occasion de méditer sur ce retirement du Christ, sur sa Présence en Église, sur son Intercession auprès du Père. Bonne et Sainte fête de l’Ascension à tous,

+ Père Pierre Colombani