Editorial
" Rentrons en espérance dans le temps de l'action " - Septembre 2014
Démission d’un gouvernement, arrivée d’une autre équipe dirigeante, déflation économique, chômage inexorablement en hausse, guerre larvée en Ukraine, dangers en Afghanistan, catastrophe en Irak (notamment pour les chrétiens), violences toujours perpétrées en Syrie, les nouvelles n’en finissent pas de pleuvoir dans le brouillard de nos désespérances… La reprise de l’année scolaire, économique, sociétale, semble pour le moins morose ! Dans cette tourmente nous portons, cependant, une espérance au-delà de tout, et qui se décline dans le Nom sacré de Jésus le Christ. Non comme une illusion, une fuite en avant, une référence religieuse qui nous doperait, tel l’opium des peuples que dénonçait, en son temps, Karl Marx. Mais la rencontre avec la personne du Christ ouvre l’Histoire, tant dans sa dimension singulière pour chacune et chacun d’entre nous, que dans sa dimension globale. Il nous invite à entendre, au travers de ces affres, non pas la peur, ou bien le sentiment d’un abandon de l’homme par Dieu, mais une compréhension autre de Dieu. Oui, rejetons les faux dieux qui empoisonnent la conscience de l’homme. Dieu n’est pas l’assurance contre les malheurs ou les difficultés. En revanche, Il est Celui qui se révèle, au travers de toutes ces blessures et résistances, comme la Force qui peut nous donner la capacité du dépassement, de l’inventivité, de l’altérité de la situation quelle qu’en soit sa nature. Le sens de la Résurrection du Christ ne se limite pas à la question d’un au-delà hypothétique après la mort. C’est la proposition formidable d’une mise en mouvement incessante de l’Histoire. Par définition, la création est inachevée. Tous les manques que nous expérimentons et traversons ne sont que l’expression de cet inachèvement. Au cœur de l’inachevé se joue notre responsabilité comme réponse à l’Appel inconditionnel de Dieu à poursuivre son œuvre. Dès lors, ne prenons pas des mines attristées et défaites devant le tableau du monde. Éclate à nos yeux, en vérité, l’espace où le Christ nous convoque pour réanimer les corps mourants de nos projets, de nos activités, de nos sociétés. Nous sommes ainsi appelés à parfaire ce qui ne va plus, tout autour de nous, et à devenir les acteurs de l’Histoire. Là, il n’y a ni vieux, ni jeunes, ni bien portants, ni malades. C’est l’homme, tout l’homme qui est sollicité. Chacun de nous ! Ne pas y répondre, tel est, alors, le vrai péché. Car le péché n’est pas seulement ce qui ne semble pas harmonieux, mais c’est fondamentalement le refus de répondre à cet impératif divin d’honorer une création à conduire vers son achèvement.
Jésus posait la question à ses disciples : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? » (Cf. Mt. 16,15). Que répondons-nous, aujourd’hui, à une telle question ? Car elle n’appelle pas la récitation d’un catéchisme, ou encore l’affirmation d’une déclaration dogmatique. C’est l’acte de foi qui nous est demandé. Si tu crois dans ton cœur qu’Il est le Christ, le Sauveur, le Ressuscité, alors comment lui répondre en vivant à la mesure du Salut qu’il propose, en ouvrant l’Histoire ? Ouvrir l’Histoire revient à comprendre que chaque situation est l’espace et le temps de Dieu, en la vivant comme le temps de la Pâque, du Passage. Dans la concrétude du chômage, de la violence, des injustices, des maladies, du deuil, toujours aller sur le chemin du recommencement, de l’autrement, de l’autre possible, de cette altérité qui ouvre et élargit l’horizon d’une humanité qui peut féconder la terre, pour en faire avec son Seigneur le lieu de la Terre Promise, tel est le sens de l’ouverture. « Ephata » proclamait Jésus au sourd muet, dans l’Évangile de Marc (Cf. Mc 7, 34). Devenir des êtres ouverts indique que rien ne peut nous figer et que toujours et encore, nous devons chercher de nouvelles solutions, d’autres réalisations possibles qui signent la présence de l’Esprit Saint au travers de ces déplacements dont nous sommes rendus capables. Prions donc l’Esprit Saint ; demandons cette Force d’en Haut, cette inventivité pneumatique, ce Souffle divin qui transmute et transforme tout. Cessons de geindre ; le mal n’existe que dans notre regard quand nous désespérons. Mais le Bien, le Beau, le Bon que nous déploierons chacune, chacun à notre mesure, sera notre réponse à l’Appel divin. Ce déploiement de la réanimation du monde nous permettra de nous déifier, en cherchant notre appui dans le Seigneur, dans l’eucharistie, dans la confession, dans la méditation de la Sainte Écriture, dans la prière incessante, pour inspirer nos actes et orienter notre désir, afin qu’il s’ajuste à la dimension du Royaume du Père pétri dans chacune des Béatitudes de l’Évangile.
Tel doit être le programme pastoral de notre paroisse Sainte Marie de Magdala à Toulon, pour cette nouvelle année pastorale 2014-2015. Et la fraternité, que notre Évêque a souhaité placer au cœur de nos préoccupations, prendra alors une résonance particulière, aux accents de l’Espérance et surtout du caractère de faisabilité du commandement nouveau donné par le Christ : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». (Cf. Jn 15,17). Aimer dans l’horizon de la Croix, c’est tuer en nous l’individualisme mortifère, pour laisser croître la Personne, l’être fait pour la communion, l’être-avec-autrui et entendre que l’amour n’est plus une morale, mais une dimension ontologique de l’être de Dieu en nous, par le Christ dans le Souffle de l’Esprit Saint qui conduit au Père.
Bonne rentrée pastorale à vous tous… et que ma bénédiction vous accompagne,
+ Père Pierre Colombani