Paroisse Sainte Marie de Magdala

Editorial

" Une étoile a brillé " - janvier 2015


De Noël à l’Épiphanie, jusqu’au baptême du Seigneur, nous revivons des événements liturgiques qui peuvent sembler déphasés face aux tourments que traverse notre monde. Comme chrétiens serions-nous, ainsi, prisonniers d’un tropisme tel que notre regard devrait toujours nous tourner vers l’utopie, le rêve, l’illusion ? Car célébrer un enfant nouveau-né dans une mangeoire qualifié de Fils de Dieu ; honorer des mages venus d’Orient pour adorer cet enfant en suivant une étoile ; évoquer le baptême de cet enfant, parvenu à l’âge adulte, et plongé dans les eaux du Jourdain par son propre cousin adulé en tant que prophète, tout ceci semble relever de l’imagerie d’Épinal, de la tradition populaire, une sorte de conte de fée pour enfants ! C’est, à n’en pas douter, ce que vont penser les esprits dits rationnels et éclairés de notre monde. Mais derrière ces images relevant davantage du mythe, se révèle en vérité, tout un message d’espérance qui, seul, peut redonner des couleurs à notre temps.


La naissance de Dieu dans la crèche signifie qu’au cœur de toutes nos turpitudes, nous pouvons trouver la voie qui conduit à la lumière. Car, lorsque nous sommes dans la béance de la souffrance physique par la maladie, par la mort venant frapper à notre porte, par le chômage nous ôtant la dignité du travail, par la précarité nous ramenant à la peur du manque, nous pouvons entendre la Voix de l’Indicible. Non qu’il faille souffrir pour l’expérimenter, mais souvent notre orgueil, notre suffisance, notre égoïsme étouffent l’Appel Sacré du Vivant. Au cœur de notre fragilité, ayant perdu toute vaine prétention, nous pouvons alors nous laisser saisir par un Tout-Autre, Celui qui veut notre Salut, notre Bonheur. Tel est le message primordial de Noël qui ne fait aucunement l’apologie de l’indigence ou de la souffrance, ni ne nous inscrit dans une forme de misérabilisme, mais souligne l’évidence que, lorsque nous nous pensons perdus, s’ouvre alors un autre chemin, et c’est le temps du relèvement, de la Rédemption. Sous les traits fragiles d’un enfant venu dans le dénuement le plus complet, au milieu de bergers représentant toute l’incurie de l’exclusion, se manifeste un Dieu qui rejoint l’Homme dans l’extrémité de ses limites. Au-delà du mythe, le Message est ainsi inouï de grandeur ! Dieu se fait Homme dans la condition la plus sordide pour annoncer le sens réel de la vie : réussir son existence revient à répondre à cet essentiel : quel est l’enjeu de ton destin, ô homme, qui que tu sois ?
La venue des Mages, ensuite, ayant tant cheminé dans une quête guidée par l’étoile de Bethléem, vient éclairer le sens de notre désir profond de vivre. S’interroger sur son destin, c’est se questionner sur le sens de l’Histoire et de l’histoire singulière de chacun. Pourquoi aller de l’avant si l’on ne cherche pas un au-delà ? Vivre pour seulement consommer, jouir, dominer, subir… Mais finalement, une telle course nous conduit vers quel port ? La symbolique des Mages apportant l’or, l’encens, la myrrhe, montre que toute la puissance de l’avoir, du savoir ou de l’intuition n’ont de valeur que s’ils sont ordonnés à Celui qui en est le Maître, le Principe. Il nous faut donc chercher en nous-mêmes nos propres charismes pour les porter vers Celui qui nous appelle. Et se mettre en chemin vers Lui induit que l’on va déposer cet or, cet encens, cette myrrhe au pied de l’Homme, de tout Homme, de tout l’Homme pour en devenir le serviteur, en tant qu’il est, dans tel ou tel visage anonyme, la trace, la présence, l’image de Dieu.


Le baptême de Jésus, enfin, nous indique que nous sommes invités, à sa suite, à une régénération intérieure, une transformation radicale. On ne peut se contenter de s’inscrire dans une croyance, il s’agit de devenir Celui auquel nous croyons, en recouvrant son visage, en épousant sa mystique, en empruntant sa route des Béatitudes. Bref, entendons que nous sommes convoqués à la suite du baptême de Jésus, à plonger dans nos propres eaux baptismales pour devenir ensemble le Christ, l’Homme Nouveau. Voilà l’enjeu véritable : l’Homme Nouveau. Face aux errements de nos économies qui fracassent les êtres, face à toutes les formes de violence, face aux injustices, face à la déresponsabilisation des individus, face à l’esprit d’abandon et d’assistanat qui nous gangrène, il s’agit de devenir l’Homme Nouveau. Celui qui engage la création vers un plus d’être, qui développe la dignité, en promouvant l’esprit de liberté et d’autonomie.


Pour sûr, nous sommes loin d’une vague utopie et ces festivités de Noël, de l’Épiphanie, du Baptême du Seigneur deviennent des éclairages d’une véritable Théophanie, c’est-à-dire, d’une révélation du sens de Dieu et du sens de l’Homme. Toute la grande Tradition chrétienne n’a eu de cesse de le chanter, de le proclamer : Dieu s’est fait Homme pour que l’Homme devienne Dieu. Le grand Saint Irénée, dès le deuxième siècle, l’affirmait avec force, énonçant notamment que la « Gloire de Dieu, c’est l’Homme vivant ». La foi chrétienne, au travers de ses fêtes liturgiques évoquées par le triptyque de Noël, de l’Épiphanie et de la Théophanie (baptême du Seigneur) devient le chemin lumineux de la transformation de l’Homme et de son Histoire. En cela, il peut abonder vers le Bien, le Beau, le Bon en accueillant le souffle de Dieu et dilater, ainsi, la création vers un plus d’âme. Tel est le sens profond du Salut, de la libération apportée par Jésus-Christ.


Bonne fête à tous et que l’Esprit de Noël, de l’Épiphanie et de la Théophanie prévale dans nos vies, afin que nous devenions chaque jour davantage, ensemble, en Église, le Christ, l’Homme Oint, né de Dieu, le déifié. Alors brillera en nous l’étoile de la Rédemption !

Père Pierre Colombani +