Paroisse Sainte Marie de Magdala

Editorial          Novembre 2015


Le temps d'un synode...


Le Synode sur la famille s'est à peine achevé à Rome et, déjà, les commentaires fusent de toutes parts. Certains regrettent la frilosité des Pères synodaux, d'autres, au contraire, s'inquiètent des changements possibles.


Le plus frappant, ce sont les commentaires de certains "spécialistes", au sujet d'éventuelles ouvertures, telles que l'accueil des divorcés remariés à la communion, analysant cela comme des formes d'intrusion de la pensée protestante dans la doctrine de l'Église romaine. Les tenants d'une telle pensée prétendent qu'il s'agit là d'une conception de la liberté, réduite à des circonstances, et que l'on oublie la dimension objective de la liberté, portée par la vérité de l'Église.


Il me semble que les possibles ouvertures, envisagées par les pères synodaux, relèvent d'avantage de la théologie de la miséricorde, liée au mystère de la Mort et de la Résurrection du Christ. En effet, allons-nous poursuivre dans la religion binaire du Bien et du Mal, ou irons-nous jusqu'à nous réapproprier la parole du Maître, selon laquelle "celui qui n'a jamais péché, qu'il jette la première pierre" ?


En réalité, cette vision du Christ n'est pas de l'ordre d'une tolérance ou d'une bienveillance, c'est l'amorce de la portée de son Événement de Mort - Résurrection. Nous plaçons trop souvent le mystère de la résurrection dans la situation historique de Jésus, il y a deux mille ans, ou dans la vision eschatologique du Christ, à la fin des temps. Mais n'oublions pas que si nous confessons la foi au Christ, Mort et Ressuscité, alors aucune situation ne doit se vivre, pour le Chrétien, comme une mort, mais bien comme un passage, une Pâque.


On parle depuis les débuts du christianisme de la Bonne Nouvelle du Christ. Or, celle-ci se caractérise dans la puissance résurrectionnelle que nous a révélée Jésus. Ce n'est donc pas seulement la question de la famille qui est à considérer, mais toute la morale du christianisme qui ne doit pas se laisser enfermer dans le dualisme religieux du permis ou de l'interdit. Il s'agit d'entreprendre le chemin ecclésial qui place l'Humain dans le questionnement de la conscience. Les divorcés remariés sont, de la sorte, comme les icônes de l'expérience d'un échec et d'un recommencement, signifiant en cela la préfiguration de la mort et de la résurrection.


Nous vivons tous des échecs et des recommencements ! Et le fait de se retrancher derrière la notion de "sacramentalité", pour bloquer et refuser l'autre chemin possible à celui qui échoue, est une atteinte à la portée de la faisabilité évangélique de la résurrection. Car le sacrement de mariage, comme tout sacrement, nous renvoie à l'expérience du Christ, qui appelle le Chrétien à signifier son Visage dans l'Homme qui renaît et ne s'enferme pas dans une situation mortifère.


Le drame de nos Églises, c'est d'être dépositaires d'un message d'Espérance inouï, et de le traduire systématiquement en considérations religieuses morales d'interdits. Certes, la théologie du mariage s'inscrit fondamentalement dans la Révélation de l'Alliance, et les époux qui font la démarche du sacrement de mariage deviennent responsables de la manifestation du Don de Dieu fait à l'Homme, de façon irréversible et absolue. Mais peut-on attendre d'un humain qu'il donne visage à une telle radicalité ?
Sans parler du péché, la nature humaine est, de façon inhérente, marquée du sceau de la finitude. Ainsi, dans la singularité de nos personnes, comme dans la réalité de nos communautés ecclésiales, nous trahissons constamment la portée de l'Évangile. Dès lors, que l'Église donne des perspectives à suivre, rappelant ainsi notre état d'Imago dei, cela est essentiel. Elle est le phare qui éclaire la conscience de l'Humanité, ce qui faisait dire au pape Paul VI, en 1965, devant l'ONU, qu'elle est "experte en humanité". 


Mais, elle doit, dans le même temps, signifier la miséricorde et le pardon, pour tous les errements qui ternissent le chemin existentiel. C'est bien dans cet esprit que le pape Jean-Paul II, en l'an 2000, avait demandé pardon pour toutes les exactions commises par l'Église romaine au cours du deuxième millénaire.


Par cette affirmation, nous ne nous plaçons pas dans le camp progressiste vis-à-vis des traditionalistes, ni ne confondons les évolutions de la société avec les implications de la charité. Car, notre société hédoniste et individualiste doit être questionnée, et la porosité de certaines de ses considérations avec la réflexion éthique de l'Église n'est pas toujours souhaitable. Cependant, la rencontre avec Jésus-Christ demeure pour l'Humanité un chemin, non de réparation, mais de réponse à l'Appel de Dieu, dans l'horizon de la parabole du Fils Prodigue, lequel dans ses errements, finit par trouver le chemin qui le plaça dans une filiation nouvelle au Père.


Dans la période très grave que nous traversons, de crispations religieuses et identitaires, puisse le Christianisme trouver la voie de l'élévation de l'Homme et non celui de l'enfermement au nom d'un dogmatisme. Car l'essentiel doit demeurer dans notre capacité à révéler au monde, que la Mort a été vaincue par la Vie, en Jésus-Christ. 


C'est dire que nous devons vivre comme des "ressuscités" et non comme des tenants de l'excommunication et de l'anathème. Et le pape François semble envoyé par la Providence, en ce nouveau siècle, pour réveiller les consciences et retrouver l'Orient véritable de notre foi en l'Église Une, Sainte, Catholique et Apostolique qui appelle l'humilité, l'ouverture et la fraternité.

Père Pierre Colombani +