Paroisse Sainte Marie de Magdala

ASCENSION et PENTECOTE     Mai 2015


« De l’Ascension à la Pentecôte : un mouvement trinitaire »


La fête de l’Ascension du Seigneur nous indique non seulement que, désormais, le Christ intercède auprès du Père pour nous, dans nos demandes, nos prières, mais plus encore, elle souligne le mouvement du Fils vers le Père et par là, manifeste toute la dynamique d’élévation que le Christ assume dans sa personne et qu’il manifeste auprès des hommes comme le chemin de Rédemption. Nous sommes dès lors invités, à sa suite, à aller à la rencontre du Père, en déployant nos histoires dans une éthique de l’amour, où le meilleur de nous est exigé, où le dépassement de nos contingences est appelé, où l’infinitude est proposée malgré toute notre faiblesse. Ainsi, l’Ascension du Christ Jésus n’est pas un récit mythologique permettant de faire rêver une humanité enfermée dans ses errances existentielles. C’est un formidable mouvement qui s’offre à l’Histoire des hommes, pour les placer dans une quête du Bien, du Beau et du Bon. On pourrait affirmer, sans ambages, que l’Ascension du Christ est l’annonce du chemin du Bonheur pour l’humanité, en ce que cette réalité vient signifier la finalité pour le devenir de notre condition. Désormais, il ne s’agit pas seulement de croire en Dieu, mais d’aller vers Dieu, de le connaître, de le reconnaître, et pour ce faire, de nous mettre à la hauteur de la destinée qu’Il nous promet. Dans l’horizon de la kénose dont parlait St Paul, c’est-à-dire, de l’abaissement de Dieu vers l’Homme, de son infinitude vers notre propre finitude, l’Ascension devient le retour vers l’Absolu. Le monde a été visité par l’Incréé et dans ce retour vers le Père, le monde est emporté, entrainé avec Jésus le Christ. Ce n’est donc pas seulement l’intercession du Christ auprès du Père dont il s’agit, (afin que Celui-ci entende et exauce nos prières), mais c’est toute la création inachevée qui se trouve présentée au Père, dans l’acte de Rédemption apporté par le Christ au travers du mystère de sa mort et de sa Résurrection, lequel inaugure le Salut. L’inachèvement trouve son achèvement dans cette Ascension.


Cela pourrait relever du Mythe si l’on en restait à cette présentation. Mais n’oublions pas les paroles des Anges venus nous dire, dans les Actes des Apôtres : « pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui vous a été enlevé pour le ciel viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. » (Ac 1, 11). Entendons qu’il ne s’agit plus de placer Dieu dans le ciel et l’Homme sur la terre. Le divin ayant visité l’humain en la personne de Jésus-Christ, les noces du ciel et de la terre sont engagées. Nous ne pouvons pas nous contenter d’attendre le retour de Jésus à partir du ciel. Nous devons chercher à nous élever vers ce ciel. Par conséquent, le temps de la terre n’est pas l’enfer d’une attente désespérante du ciel. C’est le temps de la réalisation concrète du ciel sur la terre. Le retirement de Jésus de devant nos yeux n’est pas un abandon de sa part vis-à-vis de nous. Il se retire, comme le Créateur s’est retiré de sa Création, afin que la créature manifeste son image. Ainsi, en se retirant, Jésus nous permet de le chercher, en nous incitant à viser les hauteurs et non plus la médiocrité de l’existence. C’est le temps de notre « oui » concret à Dieu, dans une liberté, comme le fit Marie dans son accueil de l’Ange Gabriel. Un « Oui » qui ne peut se décliner que dans l’engagement, dans l’acte posé, dans l’incarnation de la foi, dans l’éthique de la responsabilité qui nous incombe.


Nous pourrions alors douter de nous-mêmes, en nous trouvant incapables d’une telle destinée ! Humainement, c’est en effet, impossible. C’est pourquoi l’Ascension est suivie de la grande fête de la Pentecôte, la venue de l’Esprit Saint parmi nous. Pour vivre cette élévation, à la suite de Jésus, il nous est donc proposé d’accueillir le Souffle divin du Père, envoyé par le Fils. C’est dire que par nos propres capacités, nous ne pourrions pas réaliser un tel chemin d’élévation. En revanche, par la grâce du Saint Esprit, chacune, chacun d’entre nous est rendu capable du meilleur, capable de l’impossible, capable d’une réinvention de sa propre vie. Depuis le Matin de Pâques, la nouvelle Humanité est interpellée dans la nouveauté d’une altérité. Cette nouveauté s’inscrit désormais dans le fait de choisir le chemin du Père, qui prend les noms de Miséricorde, de Paix, de Douceur, de Partage, d’Amour. C’est un chemin d’élévation, où l’effort demandé appelle la Sainte Présence de Celui qui conduit Tout. Recevoir le Saint Esprit, c’est recevoir la puissance créatrice du Père des commencements, c’est accueillir aussi l’ineffable de la réalisation du « Marana tha » de la fin des temps. Dans son élévation, le Seigneur ne nous a pas laissés orphelins ; Il a soufflé sur nous l’Esprit de son Père. Nous sommes, par conséquent, investis de la Sainte Présence, dépositaires de son dessein d’Amour. En cela, le ciel est déjà réalisé ; en cela, notre attente n’est point d’espérer un jour le ciel, mais de scruter à chaque instant sa présence derrière le rideau fumeux des apparences. À la manière de Moïse, devinant une autre présence derrière le Buisson Ardent, par le Saint Esprit, nous pouvons discerner le Sur-réel et vivre ainsi le réel du Ciel sur la terre.


Cette articulation entre la fête de l’Ascension du Christ et celle de Pentecôte, par l’envoi du Saint Esprit sur nous tous, devient ainsi un mouvement trinitaire. Car, avec le Fils Unique Jésus-Christ, nous sommes entrainés vers le Père et animés de Lui, par son Souffle divin, le Saint Esprit. C’est un mouvement, où notre humanité devient elle-même trinitaire en visant le Meilleur dans le Père, par la pratique d’une éthique de l’Amour. En nous inscrivant dans le chemin de filiation en Jésus le Christ, par l’édification de son Corps, l’Église, en tant que Peuple de Dieu. En nous ouvrant à l’inspiration du Saint Esprit, par la pratique des sacrements du Baptême, de l’Eucharistie, du Pardon, mais aussi de la prière.


Ces fêtes de l’Ascension et de Pentecôte appellent en nous, tout un mouvement dynamique d’élévation, d’habitation, et de transformation. Élevés vers l’Absolu, habités de Lui, nous pourrons nous laisser transformer par sa Puissance. Alors, quittons les enfermements, allons comme le dit l’Évêque de Rome, le Pape François, aux marges de l’Église, à sa périphérie, pour vivre non plus englués dans des certitudes dessuées, mais ouverts à l’altérité d’un autre monde possible dont nous discernons à peine les contours. Ainsi, nous connaîtrons le sens de ces mots : « les cieux nouveaux, la terre nouvelle ».


Bonnes fêtes à tous de l’Ascension et de Pentecôte ! + Père Pierre