Le Seigneur est ressuscité Alléluia ! - Pâques 2012


« Le Seigneur est Ressuscité, Alléluia ! » Depuis plusieurs jours, ce cri jaillit de nos lèvres : « Christ est Ressuscité ! ». Proclamation de foi et d’espérance, cette conviction kérygmatique fait mémoire de deux mille ans d’expériences où, d’autres avant nous, ont non seulement cru en cette Bonne Nouvelle, mais l’ont aussi expérimentée. C’est toute la création, percluse des douleurs des dégradations écologiques, des injustices sociales, des violences subies, des guerres et des intolérances, qui fait mémoire avec nous de cette Présence. « Il est Ressuscité des morts. Par la mort, Il a vaincu la mort, à ceux qui sont dans les tombeaux, Il a donné la vie… ». Une Parole qui replace dans l’essentiel de la question de Dieu à l’Homme, au Livre de la Genèse : « Adam, où te trouves-tu ? ». Aussi, à regarder ce spectacle désolant d’un monde politique se jetant à la figure tant d’arguments dérisoires, ou encore de ce monde religieux engoncé dans ses certitudes qui suscitent tant d’anathèmes et de rejets, on éprouve le besoin, dans cette aspiration de Pâques, de prendre de la hauteur. Hauteur en Dieu, dont la présence devient une absence pour appeler davantage encore, de notre part, une écoute qui creuse la liberté de ne plus se vivre comme des condamnés, mais comme des sauvés. La Résurrection du Christ piétine toutes les fausses valeurs humaines, pour signifier à l’homme sa grandeur, nonobstant les misères d’aliénation infligées par les idéologies politiques et religieuses, les doctrines sectaires, les fixismes canoniques. Le tombeau ouvert de Pâques ouvre désormais l’avenir du couple en difficulté, de l’amitié en péril, de l’être désemparé face aux tribulations de la société. La lourdeur de la matière humaine est traversée par ce saisissement de tout l’être, dans cette rédemption apportée par la victoire de la vie sur la mort. 

 Le Seigneur Ressuscité convoque l’existence dans le registre de la dignité, faisant ainsi entrer l’homme dans la royauté d’une filiation, où la quête vers l’Indicible ne se décline plus dans l’opposition de l’antinomie du profane et du sacré, mais dans la communion d’une habitation. Ressuscité, le Christ se dépose dans chacun de nos chemins. Il fait route dans le visage, lequel inscrit la présence dans l’apparence du vide pour briser l’horizon de la temporalité. La mort n’est plus dans le tombeau, elle se cristallise dans l’orgueil de la toute puissance humaine. La mort n’est plus dans le défunt. Elle se manifeste dans la prétention humaine à la Vérité. Christ a vaincu la mort, en elle Il détruit toutes nos morts et nous invite à liberté du matin de Pâques, c’est-à-dire, à la nouveauté. Le divorcé peut trouver un autre chemin d’amour, le malade peut envisager un autre versant de son existence, le prisonnier peut penser un autre avenir, le chômeur peut retrouver la force de la synchronie de la bonne porte, le pauvre ne plus s’enfermer dans le désespoir de son manque. Tout est ouvert. 

 Dieu, en Christ, déplace le champ de la morale humaine qui enferme, pour proposer le chemin de l’éthique qui oriente vers le Beau. Et Dieu vit que ce jour fut beau, quand le larron, sur la croix, demanda à Jésus d’entrer avec lui dans le paradis, quand la femme adultère fut relevée, quand le pécheur fut pardonné. Toute l’éthique d’amour déployée dans le ministère de Jésus ne se comprend qu’à la lumière de Pâques. 

La Résurrection du Christ fonde le pardon et ne pas pardonner, c’est ne pas croire au Ressuscité ! Aussi, ne nous signifions pas comme Chrétiens, si nous condamnons notre frère, quand bien même notre argument serait juridique ou canonique. Car le seul canon à retenir comme critère éthique s’inscrit dans le pardon, qui ne se confond en rien avec le laxisme ou le relativisme, mais plonge ses racines dans la fécondité du matin de Pâques. La Résurrection de Jésus le Christ, il y a deux mille ans, illumine l’humanité en brisant toute finitude, pour en faire un chemin d’altérité. Altérité, par l’arrachement qu’Il promeut, permettant l’Indicible de l’Histoire. Altérité, en offrant une autre route, transcendant ainsi tout esprit d’enfermement. L’altérité proposée par le Ressuscité, tel est le sens de la déification de l’homme, portée par la grande Tradition Orthodoxe, et que nous déclinons, aujourd’hui, dans le climat de notre culture Occidentale. Ainsi, l’altérité apparaît comme l’harmonique caractérisant ce cri de Pâques : « Christ est Ressuscité, en vérité, Il est Ressuscité ! ». 


+ Père Pierre