Le mariage pour tous dans la perspective orthodoxe - Novembre 2012
« Le mariage pour tous dans la perspective orthodoxe » Dans le contexte actuel, redisons avec force notre refus de toute forme d’homophobie, et que deux êtres de même sexe qui s’aiment, appellent le respect… Pour autant, dans l’horizon du projet de loi sur le mariage pour tous, et dans l’éventualité d’une ouverture à l’homoparentalité, les Églises se trouvent interrogées sur le sens du couple et de la famille qui se dessine pour la société de demain.
Nous avons entendu, à ce sujet, la réaction de la plupart des grandes religions et notamment celle des évêques de l’Église Catholique de France. La difficulté du positionnement est le risque de se laisser instrumentaliser dans un débat politique partisan, alors même qu’il s’agit d’une question de société.
Aussi, avant de répondre à la problématique, nous voudrions revenir sur le principe de la revendication de la communauté homosexuelle. On nous parle souvent du risque de « communautarisme » pour expliquer la nécessité de la laïcité, et les injonctions contre un tel danger semblent toujours viser essentiellement la sphère religieuse. En l’occurrence, il s’agit là d’une communauté qui se détermine à partir de pratiques et d’appartenances sexuelles, pour revendiquer de nouveaux droits. La question de fond posée par ce type de positionnement souligne combien la conviction subjective d’un individu, ou d’un groupe d’individus, peut apparaître comme une norme de vérité à partir du moment où elle est revendiquée. Nous pourrions nous interroger sur la pertinence du Bien Commun et la manière par laquelle celui-ci se trouve respecté. Qu’une société pose des normes de vérité sous la contrainte de quelques groupes de pression très minoritaires, sans se soucier des conséquences anthropologiques pour l’avenir de l’ensemble de la collectivité, peut apparaître pour le moins très inquiétant. Car, c’est du caractère normatif de la loi édictée par la Cité dont il s’agit.
Certes, qu’il existe des pratiques différenciées du point de vue sexuel, cela est absolument respectable. Mais que ces pratiques soient érigées en force de loi, au nom d’une égalité, tel est le véritable point de rupture. Faut-il le rappeler, la difficulté du mariage homosexuel consiste dans le fait d’institutionnaliser la possibilité de construire la famille, en dehors du lien archétypal du père et de la mère qui accueillent l’enfant !
Parce que le sens du mariage est toujours lié à la procréation, c’est-à-dire à la réponse humaine à l’appel de Dieu pour féconder la vie, nous croyons au mariage entre l’homme et la femme, dans ce lien d’altérité. Que la société cherche à donner des outils de reconnaissance aux couples d’un même sexe est absolument compréhensible. En revanche, que l’égalité devienne un principe revendiqué pour évoquer la possibilité aux couples homosexuels de se marier, remet en cause le fondement même du mariage. Celui-ci n’a d’autres vertus que de susciter la construction de la famille. Qu’il existe des familles monoparentales, ou bien d’autres vécues dans le cadre de couples homosexuels, requiert de la part de la société de s’enquérir du droit et de la protection des enfants concernés par ces situations. Pour autant, ces réalités circonstanciées ne peuvent en aucun cas devenir prétexte à signifier une norme où « homosexualité » et « hétérosexualité » seraient deux chemins possibles proposés par la société.
En filigrane, nous retrouvons, là, posée la question de la théorie du genre, enseignée depuis peu dans nos lycées, et selon laquelle on ne naît pas sexué, on s’identifie à une appartenance sexuée en fonction de critères culturels édictés par l’environnement éducatif et sociétal. Ce glissement dans le refus des lois naturelles de la biologie montre à quel point la normalisation poussée, insidieusement, au travers de la question du mariage homosexuel, revient à remettre en cause les archétypes fondateurs de la personne humaine. Notre société dilue de plus en plus le patrimoine identitaire de chacun et provoque, ainsi, l’émergence de groupes, de plus en plus radicaux dans leur posture, pour réfuter ces tendances. À trop vouloir se laisser entrainer dans des formes de communautarisme, comme l’induit aujourd’hui la communauté gay, la laïcité ne répond plus à sa fonction première, et notre communauté nationale risque de devenir une mosaïque où chacun déterminera son propre code normatif et imposera que celui-ci soit reconnu dans un statut d’universalité, c’est-à-dire pouvant être proposé à tous.
En Orthodoxie, la notion « d’économie » fait que l’on va toujours distinguer le principe de la situation concrètement vécue par une personne. Par conséquent, nous pouvons accueillir, d’un point de vue pastoral, des couples homosexuels demandant une bénédiction devant Dieu. Car l’amour divin en Christ est absolu. En revanche, le principe sacré consistant à reconnaître que le mariage procède du lien entre un homme et une femme, par lequel se signifie l’image de Dieu dans ces deux altérités, reste et demeurera toujours l’orientation définitive. Ce principe émanant non seulement de la loi naturelle mais aussi de la révélation biblique, la théologie Orthodoxe proclame l’amour de Dieu pour l’homme qui appelle le respect de chacun. Mais il oblige aussi à signifier le sens de la vie, sans concession ni démagogie.
En un mot, nous refusons d’entrer dans les débats stériles actuels, où les postures sont davantage idéologiques et partisanes. Reste, cependant, l’idée force que le mariage est sacré et qu’il consacre la rencontre d’un homme et d’une femme en vue de la procréation d’un enfant. Tel est le projet de Dieu dont nous sommes les témoins.
+ Père Pierre COLOMBANI
Prêtre de l’Église Orthodoxe Française
Recteur de la Paroisse St Marie de Magdala à Toulon