Paroisse Sainte Marie de Magdala

Editorial


Pour un Carême de l’Espérance - Mars 2015


Le temps liturgique du Carême s’apparente souvent, dans nos inconscients, à un moment de privation et d’effort. Certes, de tout temps, l’Église a évoqué en cette période, l’exigence de la prière, du jeûne et du partage. Mais pourquoi devrions-nous vivre le Carême sous le registre d’une morale de l’obligation ?

La prière, d’abord, est une joie de rencontre avec Celui que nous affirmons comme Vivant. Je ne prie pas par obligation, mais par élan d’amour. J’aime mon Seigneur et mon Maître. J’aime me mettre en vis-à-vis avec lui, l’écouter, lui parler, lui déposer ma vie. Prier, devient une école de rencontre avec le Maître, par la méditation de son Évangile, des écrits bibliques, de ceux des Pères de l’Église. C’est aussi faire silence pour entendre dans les méandres de mon existence, la voix qui ne cesse de me tracer la voie. C’est enfin, prendre la mesure que ma vie est habitée, conduite et, par conséquence, qu’elle a une valeur qui dépasse les contingences de mes inquiétudes immédiates.


Certes, les questions matérielles ont leur importance, à condition de ne pas les confondre avec la finalité qui est le Maître Jésus, en tant que Christ venu révéler Dieu comme Père et nous transmettre son souffle de Vie, l’Esprit Saint. En cela, prier est un exercice enthousiasmant qui ne se confond en rien avec une pratique de relaxation, plus ou moins méditative, dont le résultat est toujours un égocentrisme.


La prière est essentiellement mouvement d’altérité qui ouvre sur le monde à venir et déjà présent, dans une proximité subtile pour qui sait ouvrir tous ses sens. Dans notre époque tellement tourmentée, combien la prière peut devenir le chemin non des désespérés, mais au contraire, celui des éveillés. Aussi, cette exigence de la prière, rappelée en temps de Carême n’est en rien une contrainte demandée. C’est l’occasion de retrouver la fraicheur d’un amour partagé et dont l’essence dit tout du mystère du Maître Jésus, réalisant l’alchimie de la divinité et de l’humanité.


Quant au jeûne et au partage, l’un appelle l’autre, l’un éclaire l’autre. Dans notre société de profit, le partage apparaît toujours comme entaché d’une ombre. Ainsi, ne dit-on pas que tel acte de générosité a pu se réaliser parce que la personne en avait les moyens. Cependant, ne pourrait-on pas aussi s’interroger sur les choix qui conduisent certains à hiérarchiser leurs besoins pour mieux partager. Dès lors, le jeûne se caractérise comme l’expérience d’un manque qui permet de pouvoir offrir et partager. En ce sens, l’acte solidaire n’est pas l’apanage des nantis. Il relève d’abord d’une liberté de celui qui choisit de se priver pour partager avec son frère. C’est pourquoi, nous pouvons trouver un lien intrinsèque entre le jeûne et le partage. Cela rejoint toute l’éthique de la solidarité et c’est une manière de vivre la sacramentalité du frère. Le sacrement, manière de rendre visible l’indicible du Christ, ne peut se limiter à des temps de liturgies, c’est-à-dire, à des rites religieux. C’est un art de vivre l’humanité, en la reconnaissant dans l’axiome de Jésus : « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger » (Cf. Matthieu 25).


En cela, le Carême est un temps d’Espérance, où l’on peut retrouver le désir de prier, le besoin de partager et le souci de se limiter dans ses besoins. C’est une éducation à l’humanisme intégral dont parlait, au siècle dernier, le grand philosophe chrétien, Jacques Maritain et qui a marqué tout le courant du Personnalisme chrétien. Entendons par là, un humanisme qui intègre, jusqu’à la réalité existentielle, la portée de l’Événement pascal du Ressuscité.


Bon Carême à tous dans l’Espérance de la Résurrection du Christ.


Père Pierre (Colombani) +