Paroisse Sainte Marie de Magdala

PAQUES          Avril 2015

Une pierre fut roulée et le monde a basculé !



Dans la nuit de Pâques, l’exclamation de foi, « Christ est Ressuscité, en vérité Il est Ressuscité ! » nous a rappelé cette vérité : notre religion chrétienne est toute contenue dans le mystère du relèvement de Jésus d’entre les morts. Un moment inouï, où les textes évangéliques viennent évoquer cet Événement majeur, exprimé au travers de la lourde pierre du tombeau, roulée, laissant vide le lieu de la mort. Ainsi, désormais, la mort n’est plus le terme de l’existence. Elle est, certes, un passage obligé, assumé par Dieu lui-même. Mais la grande révélation que nous délivre le Christ, c’est que la mort n’est qu’un passage, pour aller vers un « autre côté ». Cet autre côté qu’Adam, en Eden, recherchait dans la personne d’Êve. La mort n’a plus de prise, elle n’est pas ce qui fige la vie, elle devient un moment à appréhender dans la Paix que donne le Christ, pour quitter l’ancien et envisager une ouverture plus haute, donnant les clés de la Liberté. Souvent, l’argument des incroyants consiste à dénoncer notre peur ontologique de la mort, conduisant à l’élaboration de ce mystère résurrectionnel, qu’ils déclinent alors comme un mythe. De fait, si le Mystère de la Mort et de la Résurrection du Christ n’était qu’un mythe, il ne transformerait pas l’Histoire. Or, celui-ci bouleverse fondamentalement tout, en ce qu’il a fait basculer le monde, depuis deux mille ans, dans une espérance, mais surtout, dans une interprétation nouvelle de la vie. 


En effet, si devant nos échecs, nos trahisons, nos blessures, nous pouvons évoquer la miséricorde et l’amour de Dieu en Jésus-Christ, ce n’est pas par idéologie du laxisme, ou d’une quelconque tolérance, ou encore d’une belle générosité. Profondément, la Résurrection du Seigneur entraîne une existence où, ce qui apparaît comme une mort devient une Pâque. Le menteur peut dépasser son mensonge, le voleur peut dépasser son acte répréhensible, le violent peut trouver la paix. Entendons que nous pouvons mourir à l’ancien pour trouver l’autre chemin, celui qui conduit à la vie et que le Seigneur nous propose. C’est bien dans ce climat que, par exemple, nous orthodoxes, donnons la communion aux divorcés et permettons, même, une nouvelle vie conjugale consacrée. Car la Résurrection de Jésus ouvre l’Histoire, en donnant à chacun la possibilité de comprendre ses échecs, comme des espaces d’une recréation toujours possible de la vie.

 
Combien devrions-nous abandonner toutes nos tentations de condamnation, d’excommunication, que nous pouvons prononcer dans nos diverses églises. Dès lors que nous appartenons au Ressuscité, nous devrions vivre comme des ressuscités ! Car, croire en la résurrection de Jésus entraîne une perception des événements de l’histoire individuelle et collective, dans la dynamique d’un recommencement de l’existence. Rappelons-nous comment Jésus a traité la femme adultère, la pécheresse lui lavant les pieds avec ses larmes et les essuyant avec ses cheveux, le mauvais croyant représenté au travers du publicain ou du samaritain. Bref, les exemples sont nombreux dans les Évangiles, que nous ne pouvons entendre qu’à l’aune de la portée de la Résurrection qui ouvre tous les tombeaux que nous creusons, dans la roche de nos certitudes humaines. Quittons nos enfermements ! Allons à la rencontre du Ressuscité, en intégrant le sens de la Résurrection dans nos vies concrètes.


Par conséquent, face aux détracteurs de la foi chrétienne, affirmons avec force que le Mystère de la Sainte Résurrection du Christ n’est pas une histoire mythique inventée pour voiler notre peur de la mort. C’est, au contraire, une exigence existentielle extraordinaire qui appelle, de notre part, une vie toujours réinventée, jamais figée, toujours en mouvement, tendue vers le meilleur, donnant à chacun la possibilité d’une altérité du chemin.


La nuit du monde, dans ses guerres, ses meurtres, ses injustices, ses rivalités, ses incohérences, provient de la mort vécue comme le terme d’un chemin, présentant la vie comme un absolu, ici-bas. La Lumière du monde ne proviendra que de la Résurrection de Jésus le Christ qui ouvre toutes les portes fermées, les pierres obstruant la route. Car la plénitude de la vie ne se réalise pas en ce seul monde, mais demande d’aller toujours chercher un « surréel » derrière l’apparence d’un réel, qui n’est que surface. La Résurrection était déjà engagée lorsque Moïse fit un détour, pour comprendre le sens du buisson ardent qui brûlait et ne se consumait pas… Il était passé de l’autre côté de la vision apparente et avait, ainsi, trouvé la Terre de Dieu. Cette image nous fait entendre ce processus résurrectionnel, comme la possibilité donnée à l’homme de poursuivre la Création du Père, en devenant, non plus un simple croyant, mais un acteur de la création, en la dilatant, par le dépassement de toute forme de finitude. Oui, l’acte résurrectionnel de Jésus, que nous pouvons décliner dans nos vies en ne nous figeant pas, devient l’acte par lequel nous pouvons toucher à l’infinitude de Dieu et de sa création. Ainsi, la Résurrection du Seigneur assumée par chacun de nous donne accès à l’Histoire comme un temps de déification, où la nature divine peut embraser notre nature humaine.


Que cette fête de Pâques, en cette année 2015, illumine nos convictions de foi et transforme radicalement et concrètement nos manières de concevoir la vie. Ressuscitons et donnons au monde le Message de l’Espérance en la Vie, qui ouvre les chemins de l’altérité divine.

Père Pierre Colombani +