Paroisse Sainte Marie de Magdala

Editorial          Février 2016


"La Paix c'est l'Altérité"


Dimanche 24 janvier, nous avons pu vivre un temps oecuménique avec l'Église protestante de Sanary et l'Église orthodoxe française ainsi que plusieurs membres laïcs de l'Église catholique du Var. Quelle belle occasion pour rappeler que la rencontre entre chrétiens ne peut pas relever du seul bon sentiment ou de la tolérance ! C'est l'esprit même de la prédication du Christ, relayée par l'Apôtre Paul, qui met en lumière la nécessité de ne jamais se penser dans l'absolu du point de vue de la foi.
Si nous devons nous défier du relativisme ambiant dans notre société barbare du consumérisme, la confession de foi en Jésus-Christ, sans être relative, doit nous conduire à la relativité de l'affirmation au sujet de sa révélation. Car, si nous croyons au Ressuscité, tout est toujours en mouvement. 


En 1964, alors que le Concile de Vatican II n'était pas encore achevé, le pape de l'époque, Paul VI, écrivait une grande encyclique au sujet de l'Église, (Ecclesiam Suam) dans la quelle il expliquait notamment : "l'Église doit se faire message, parole, conversation". Cette expression du souverain pontife ne signifiait pas que l'Église serait appelée à un bavardage. Par conséquent, si l'Église est en dialogue, en priorité au coeur même du monde chrétien, c'est qu'il n'y a de vérité que dans la relation, l'ouverture à autrui et, particulièrement, dans l'expérience de Jésus-Christ. D'ailleurs, comment le message du Christ pourrait-il être audible et crédible si nous perpétuions des guerres entre les églises et entre les chrétiens ?


Mais entendons que l'oecuménisme ne peut pas être une simple ouverture. C'est l'expérience de Pentecôte, où nous devons comprendre que le Christ se décline dans divers climats ecclésiologiques. Dans le livre de la Genèse, premier livre de la Bible, il est dit que l'image de Dieu, c'est la relation de l'homme et de la femme (Cf. Gn 1, 27). Cette présentation ne relève pas de la sexualité, mais d'une expression symbolique pour signifier que l'image de Dieu appelle en nous l'altérité et la pluralité. 


Chaque fois que nous produisons du "même", c'est-à-dire que nous affirmons une vérité sans ouverture, et où l'autre n'est que mon propre miroir, nous abusons de Dieu. L'autre est autre et, en cela, la vérité en Jésus-Christ doit toujours se décliner dans son message pascal : Il est Mort et Ressuscité. Autrement dit, disciples de Jésus-Christ, que nous soyons romains, orthodoxes ou protestants, nous devons tous mourir à nos définitions a priori, pour ressusciter avec l'autre, dans ce qu'il porte d'unique au sujet de sa confession de foi dans le Christ. 


Dès lors, cessons nos sentences pour décréter l'hérésie de tel ou tel. Nos divisions dans l'histoire, avec en ligne de mire la vibration terrible de la Saint Barthélémy, demeurent des insultes à Dieu, en ce que nous n'avons pas su entendre que la diversité appartient au projet divin et que nos séparations ne devraient pas se traduire en divisions mais en altérité, pour expérimenter le mystère d'un Dieu qui est Tout Autre et dont aucune définition ne peut contenir sa réalité propre. 


Par ailleurs, quand l'Église se présente comme sacrement du Salut, c'est-à-dire, comme visage de la liberté qu'apporte le Christ, elle doit vivre d'abord cette dimension du Salut en son sein propre. Sinon son évangile pourrait se réduire en un catéchisme de la morale du bien et du mal. Toutes les religions sont sur ce registre du bien et du mal, et toutes portent en elles la violence de la prétention totalitaire à dire le vrai du faux. Si le Christianisme veut échapper à cette loi funeste de la nature de la religion, il doit vivre à l'aune de la prédication de son Maître, Jésus, en assumant le Croix. Cela veut dire, en assumant d'être toujours en mouvement vers, sans pouvoir encore vivre la plénitude de la rencontre. Ainsi, j'ai besoin de toi, mon frère, ma soeur, Chrétien ou pas, croyant ou pas, pour aller vers l'autrement du mystère de Celui qui nous dit "Venez et vous verrez" (Jn 1, 39). La Paix n'est pas l'absence de guerre, c'est d'abord l'affirmation de l'altérité !


Père Pierre Colombani +